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long-tems, étoient pris dans leurs filets; que l'a

miral étoit au lit, ne pouvant fe remuer; que le A N. 1572.

Dans les memoi

roi de Navarre & le prince de Condé étoient logez res de Tavannes. au Louvre, dont les portes étoient fermées pendant la nuit, & d'où ils ne pouvoient fuir ; que les chefs étant abbatus, les autres ne feroient plus en état de remuer: qu'en un mot, en moins d'une heure on pouvoit exterminer tous les Calvinistes & en abolir entierement la race; que fi le roi ne profitoit pas d'une fi favorable occafion, il falloit s'af furer que l'amiral étant guéri, comme les chirur giens l'efperoient, toute la France fe verroit auffitôt embrafée par une quatrième guerre civile plus cruelle que les premieres. Qu'on devoit donc lâcher la bride à la populace déja affez émuë d'ellemême, & qu'il ne falloit pas réfifter plus long-tems à la volonté de Dieu, qui n'avoit pas voulu que les conseils moderez euffent quelque fuccès; que quand la chofe feroit faite, on ne manqueroit pas de raifons pour s'excufer, en rejettant tout le crime fur les princes de Guife, qui en fouffriroient volontiers le blâme.

On applaudit aux conseils de la reine mere, & il fut réfolu de les fuivre : chacun convint cependant qu'il falloit fauver le roi de Navarre, parce qu'il étoit roi, & en confidération de l'alliance qu'il venoit de contracter avec fa majesté à l'égard du prince de Condé, sa qualité de prince, sa jeunesfe & le crédit de Louis de Gonzague, duc de Nevers, l'emporterent aufli fur l'avis de ceux qui vouloient fa perte. Le duc de Nevers qui vouloit le fauver, affura que ce prince feroit fidéle & foumis au

roi, qu'il s'en rendoit caution, & qu'il y avoit mêA N. 1572. me lieu d'efperer qu'on le feroit renoncer à l'hérefie par promeffes ou par menaçes ; ainsi il fut résolu de l'épargner.

XV. Moien dont on

les feigneurs Pro

lib. 52. pag. 814.

Hift. de la monar.b. Frans. pag. 176.

Cette réfolution prise, l'assemblée se sépara, & fe fert pour attirer il fut arrêté que la nuit suivante avant qu'il fût jour teftans auprès de l'exécution fe feroit, & qu'on en confieroit la conl'amiral. duite au duc de Guife, ennemi mortel de l'amiral. De hout fup. Comme le foir approchoit, le roi fit pofter douze cens arquebufiers, une partie le long de la riviere, & l'autre dans les rues, & une autre auprès du logis de l'amiral, autour duquel le roi avoit fait loger la plus grande partie des feigneurs & des gentilshommes Proteftans. Les capitaines des quartiers eurent ordre de marquer promptement les logis, de prendre par écrit les noms de ceux qui faifoient profeffion de la religion Calvinifte, & de les raffembler autant qu'on le pourroit dans le voisinage de Coligni ; & fa majesté dit fort haut, afin que tout le monde l'entendit, qu'il défendoit de laiffer approcher de ce voisinage aucun catholique, & qu'il vouloit qu'on tirât fur ceux qui contreviendroient à cette défense. Ces mouvemens, dont quelques amis de l'amiral ne tarderent pas à être avertis, augmenterent les foupçons des Proteftans, & l'un d'entr'eux fut chargé d'aller trouver le roi pour l'en informer, & pour le prier d'accorder quelques foldats de ses gardes afin de les poster à l'entrée du logis de l'amiral. Le roi parut étonné de ce rapport, & fit venir la reine fa mere, à qui il demanda avec émotion, d'où venoit ce bruit, & pourquoi le peuple se révoltoit, & prenoit les armes. La reine répondit, qu'il n'y avoit

aucune

aucune apparence de révolte parmi le peuple, & qu'on ne faifoit que fuivre les ordres de fa majefté, qui avoit commandé que chacun fe tînt en fon quartier, de peur qu'il n'arrivât du tumulte : cela est vrai, répondit le roi, mais j'ai défendu qu'aucun prît les armes.

Cependant comme le député infiftoit à prier le roi de lui donner quelques foldats, afin que fi le peuple entreprenoit quelque chofe, il fût retenu dans le respect à la vûë des gardes de sa majesté : le duc d'Anjou qui étoit present, lui dit de prendre Coffeins avec cinquante arquebufiers. Ce Coffeins étant un des plus grands ennemis de l'amiral, l'envoïé repliqua, que fix archers fuffiroient pour contenir le peuple. Non, dit le roi avec chaleur, prenez Coffeins, vous ne fçauriez mieux choifir. L'envoïé s'étant retiré, ne put se dispenser de faire confe noître sa surprise au fieur de Thoré, frere du maréchal de Montmorenci, qui avoit été préfent à ce discours; mais l'ordre du roi fut exécuté. Coffeins vint quelques heures après au logis de l'amiral avec fes cinquante arquebufiers, & choifit deux boutiques voifines dans lefquelles il les pofta.

Le duc de Guise chargé de toute l'exécution, fit venir fur le foir à l'entrée de la nuit les capitaines des Suiffes, & quelques colonels des compagnies Françoifes qui étoient entrées dans la ville; & leur dit ouvertement, que l'heure étoit venue d'abbattre une tête odieufe à Dieu & aux hommes, & de fe venger par sa mort de toute la faction des rebelles; que la bête étoit déja dans les filets; qu'on ne devoit la laisser échapper, ni manquer une si

pas

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Supra lib. 52. pag.
D'Avila hist

815. & 816.

liv. S.

belle occafion de remporter fur les ennemis du A N. 1572. roïaume un triomphe fi glorieux ; qu'il n'y en avoit point eu de pareil dans toutes les guerres précédentes; que la victoire étoit facile, le butin confidérable & affuré, & qu'on pouvoit fans péril obtenir

XVIL

Allemblée dans

à ce fujet.

De Thon, loco fup. cit.

généreufe récompenfe. Enfuite l'on commit les Suiffes à la garde du Louvre, on leur joignit quelques compagnies Françoifes, avec ordre de ne laiffer fortir aucun des gens du roi de Navarre & du prince de Condé. Coffeins avoit déja la garde du logis de l'amiral. avec fes cinquante arquebufiers & quelques moufquetaires, qu'on mit en fentinelle dans les maifons voifines, pour empêcher qu'aucun n'échappât. Les choses étant ainsi difpofées, le duc de Guife chargea Jean Charon, préfident en la cour des Aides, qui avoit fuccedé à Marcel dans la place de prévôt des marchands, d'avertir les échevins de tenir leurs gens fous les armes, & de les faire trouver à minuit dans l'Hôtel-de-Ville pour y recevoir les ordres qui leur feroient donnez. Le duc fit auffi appeller Marcel l'ancien prévôt des marchands, à qui il fit part des mefures qu'il venoit de prendre, ne doutant pas qu'il ne pût concourir par fon crédit à leur exécution, parce qu'il étoit fort aimé du peuple, quoiqu'il fût hors de charge.

quar

Tous s'étant trouvez dans l'Hôtel-de-Ville à l'heul'Hôtel-de-Ville re marquée, les échevins, les capitaines de tiers, les commiffaires & autres, Charon accompagné de quelques perfonnes dévouées à la maison Dupleix bit. de de Guife, entr'autres des fieurs d'Entragues & de Puy-gaillard, dit que la volonté du roi étoit, que chacun prît les armes pour exterminer Coligni &

France to. 3. pag. 789. & fuiv.

tous les autres rebelles qui étoient comme en prifon dans la ville, & que c'étoit par eux qu'il falloit commencer; que la même chofe feroit obfervée enfuite dans toutes les provinces, fuivant les ordres du roi; qu'on prît donc garde de n'épargner perfonne. Que le fignal pour commencer le maffacre; feroit lorfque l'horloge du palais fonneroit le tocfin au point du jour; que les marques qui les diftingueroient de tous les autres pour fe reconnoître, feroient un mouchoir blanc attaché au bras gauche, & une croix de même couleur au chapeau; qu'au fon du tocfin, ils s'affembleroient en grand nombre & bien armez; mais qu'ils priffent bien garde de ne caufer aucun trouble, ni aucun tumulte avant qu'on cût donné le signal. Ces ordres, tout injuftes qu'ils étoient, furent agréablement reçûs par les échevins & par le reste de l'affemblée; tous prirent aufli-tôt les armes, & furent pofteż dans les places & dans les carrefours, avec le moins de bruit qu'il fut poffible: pendant que le duc de Guife & le chevalier d'Angoulême affembloient de leur côté des gens armez, & les plaçoient de même en differens quartiers de la ville.

Un peu avant minuit, la reine mere entra dans la chambre du roi, pour empêcher qu'il ne changeât de réfolution, car elle fçavoit qu'il chanceloit. L'énormité du crime qu'il alloit commettre paroiffoit l'arrêter, & le tenir en fufpens fur le parti qu'il prendroit. La reine fut fuivie des ducs d'Anjou & de Nevers, de Biragues, de Tavannes, du comte de Rets, & du duc de Guife, qui tous s'unirent pour déterminer le roi. Il n'y eut point de raifons

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