Yeau, avec lequel il fit des prises considérables; mais il cela d'être heureux. Un jour il attaqua une Frégate Françoise qui maltraita tellement fon Vaisseau, qu'il eût de la peine à regagner le Port d'Alger. Comme on juge en ce païs-ci du mérite des Pirates par le succés de leurs entreprises, le Re negat tombapar sesdisgraces dans le mépris des Turcs. Il en eut du dépit & du chagrin. Il vendit fon Vanleau & se retira dans une maison hors de la Ville, où depuis ce tems-là il vit du bien qui lui reste avec la mere & plusieurs Esclaves qui les servent. Je le vais voir souvent. Nous avons demeuré ensemble chez le même Patron. Nous sommes fort amis. Il me découvre ses plus secretes pensées, & il n'y a pas trois jours qu'il me disoit les larmes aux yeux, qu'il ne pouvoit être tran quille depuis qu'il avoit eu le mal. Tome II. G heur de renier sa foi: Que pour apaiser les remords qui le déchiroient sans relâche, il étoit quelquefois tenté de fouler aux pieds le Turban, & au hazard d'être brûlé tout vif, de réparer, par un aveu public de fon repentir, le scandale qu'il avoit cause aux Chrétiens. Tel est le Renegat à qui je veux m'adresser, continua Francisque. Un homme de cette forte ne vous doit pas être suspect. Je vais fortir sous prétexte d'aller au Bagne. * Je me rendrai chez lui. Je lui representerai qu'au lieu de se laisser confumer de regret de s'être éloigné du sein de l'Eglife, il doit songer aux moiens d'y rentrer: qu'il n'a pour cet effet qu'à équiper un Vaisseau, comme si ennuié de sa vie oisive, il vouloit retourner en course, & qu'avec се bâtiment nous gagnerons la côte Licu où s'assemblent les Esclaves. de Valence où Doña Théodora lui donnera dequoi passer agréa blement le reste de ses joursa Barcelone. Oüi, mon cher Francisque, s'écria Don Juan transporté de l'esperance que l'Esclave Navarrois lui donnoit, vous pouvez tout promettre à ce Renegat. Vous & lui foiez fürs d'être bien récompensez. Mais croiez-vous que ce projet s'execute de la maniere que vous le concevez ? Il peut y avoir des difficultez qui ne s'offrent point à mon esprit, repartit Francisque; mais nous les leverons le Renegat & moi. Alvaro, ajoûtat-il en le quittant, j'augure bien de nôtre entreprise, & j'espére qu'à mon retour j'aurai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Ce ne fut pas fans inquiétude que le Tolédan attendit Francifque, qui revint trois ou quatre heures après, & qui lui dit : J'ai parlé au Renegat. Je lui ai propose nôtre deslein, & après une longue déliberation, nous sommes con. venus qu'il achetera un petit Vaisseau tout équipé; que comme il est permis de prendre pour Matelots des Esclaves, il se servira de tous les siens: que de peur de se rendre suspect, il engagera douze foldats Turcs, de même que s'il avoit effectivement envie d'aller en course; mais que deux jours devant celui qu'il leur affignera pour le départ, il s'embarquera la nuit avec ses Esclaves, levera l'ancre fans bruit & viendra nous prendre avec son esquifà une petite porte de ce Jardin, qui n'est pas éloignée de la Mer. Voilà le plan de nôtre entreprise. Vous pouvez en instruire la Dame Efclave & l'assurer que dans quinze jours au plus tard, elle sera hors de captivité. Quelle joie pour Zarate d'avois une si agréable assurance à donner à Doña Théodora. Pour obtenir la permission de la voir, il chercha le jour suivant Mezomorto, & l'aiant rencontré : Pardonnezmoi, Seigneur, lui dit-il, si j'ofe vous demander comment vous al vez trouvé la belle Esclave. Etesvous plus fatisfait... j'en fuis charmé, interrompit le Dey. Ses yeux n'ont point évité hier mes plus tendres regards Ses difcours, qui n'étoient auparavant que des réflexions éternelles fur fon état, n'ont été mêlez d'aucune plainte, & même elle a paru prêter aux miens une attention obligeante. |