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ter dans une langueur qui irritoit encore fes maux. La belle Gabrielle de Vergi manquoit à cette brillante & fuperbe assemblée, pour lui donner le dernier éclat. Les femmes ne la regretoient point: fa préfence les humilioit, & fa modeftie, qui rehauffoit de beaucoup tous fes charmes naiffans, leur fembloit un Cen feur muet de leur diffipation. Enfin, Gabrielle de Vergi parut. Ses graces naturelles & fimples, fa beauté, qu'elle fembloit ignorer, fa douceur noble & impofante, attacherent d'abord tous les yeux fur elle. Le Sire de Couci, occupé feulement du plaifir d'amufer Madame de Camplit,ne la remar qua que légerement; mais le Seigneur de Fajel, malgré les efforts qu'il le faifoit pour diffimuler, & peut-être pour fe vaincre, ne pouvoit s'empêcher de l'admirer.

Alberic du Mez, jeune, aima. ble, & né pour être fenfible, aps ар portoit au Camp de Bourgogne un cœur libre. Gabrielle de Ver gi lui auroit peut-être fait fentir le pouvoir de fes charmes, fi la faveur de Philippe-Augufte, fa nouvelle dignité de Maréchal de France, & le defir de parvenir encore à de plus éminentes; fi l'ambition enfin, dont les premiers mouvemens étoient dans le plus fort de leur rapidité n'euffent préfervé Alberic du danger qu'il y auroit eu pour luis d'adorer Mademoifelle de Vergi. Elle ne lui infpira donc que ce mouvement d'admiration qu'on ne pouvoit lui refufer & tour au plus le defir d'être un jour poffeffeur d'un Objet fi accompli. Le Comte des Barres examinoit fans crainte,tous les char mes de Mademoiselle de Vergi:

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il les trouvoit bien inférieurs à ceux de la fœur du Maréchal. Malgré les plaifirs variez qui, fans intervalle, fuccédoient les uns aux autres, le Comte des Barres regretoit les momens qu'il paffoit éloigné de la Cour de Philippe. Mademoiselle du Mez étoit, & en faifoit un des principaux ornemens. Le Comte de Rethel avoit encore plus de raifon de regreter cette Cour. Le feul Raoul de Couci fe livroit. fans aucune inquiétude,à tous les plaifirs qui fe présentoient à lui.

y

Raoul étoit trop tendrement attaché à Roger, pour n'être pas impatient d'apprendre ce qui lui reftoit à fçavoir. Ne voulez-vous pas, lui dit-il le furlendemain, jour de repos, reprendre le difcours qui m'a fi fort attendri en faveur de Mademoiselle de Rofoi Souvenez-vous que nous

l'avons laiffée au pouvoir d'une mere, devenue fa rivale & fon ennemie. Venez, mon cher Roger, venez reprendre la fuite d'un récit qui m'a touché de compaffion en faveur de l'adorable & infortunée Alix, & rempli d'indignation contre Madame de Rofoi. Je l'avoue, elle mérite bien peu, l'idée avantageufe qu'on a d'elle à la Cour de Philippe.

Roger fe rendit avec plaifir à l'obligeante curiofité de Raoul: ils monterent à cheval ; ils fe rendirent dans le même Bois où Roger avoit commencé fon récit dont il reprit la fuite en ces ter

mes,

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Il y avoit à peine quinze jours que j'étois arrivé, lorfque je vis un matin, chez la Reine Mere Madame de Rofoi : fa vûë me caufa une furprise qu'il étoit aifé de comprendre. A ce premier

mouvement fuccéda la plus vive inquiétude: Mademoiselle de Rofoi n'étoit point avec fa mere. Que vient faire ici cette artificieufe femme, me dis-je à moimême ? Quel eft fon deffein : Seroit-elle venue feule? Non; fa funefte & jaloufe paffion lui ordonne d'être elle-même la furveillante de fa fille. Mais pour quoi Mademoiselle de RochevilJe ne m'a-t'elle pas inftruit de ce voiage précipité? Pourquoi mon pere me l'a-t'il laiffé ignorer ? L'auroit-il ignoré lui-même ? Mademoiselle de Rocheville ne feroit-elle plus dans mes intérêts? Ce voïage, fi j'en avois été averti, me donnoit une heureufe occafion de me rendre poffeffeur de Mademoiselle de Rofoi. Agité de toutes ces réfléxions, je voulus fortir de chez la Reine: Madame de Rofoi me fit figne de l'attendre.

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