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» tre dignité, la parole nous appartient. « Le Conful ajoûta avec trop de précipitation, & fans prévoir les conféquences d'un pareil difcours, Que fi les Tribuns avoient convoqué l'Assemblée, bien loin de les interrompre, il ne voudroit pas même les venir écouter, quoi qu'en qualité de fimple Citoyen Romain, il eut droit d'affifter à toutes les affemblées du peuple.

Brutus n'eut pas plûtôt entendu ces dernieres paroles, qu'il s'écria tranfporté de joie: » Vous avez » vaincu, Plébéïens: Tribuns, ce» dez la place aux Confuls; qu'ils » haranguent aujourd'hui tant qu'il leur plaira: demain je vous » ferai voir quelle eft la dignité & » la puiffance de vos Charges. » Faites feulement que par vos or» dres, & fous votre convocation » le peuple fe rende ici de bonne » heure. Sij'abuse de fa confiance » & de la vôtre, je fuis prêt d'expier des promeffes temeraires par » la perte de ma vie.

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On fut obligé de congédier l'Af femblée, à caufe de la nuit qui

furvint durant ces difputes. Le peuple fe fepara dans l'impatience de voir le lendemain l'effet des promeffes de Brutus: & les Patriciens fe retirerent de leur côté, méprifant les difcours d'un particulier incapable, à ce qu'ils prétendoient, de donner plus d'étendue à la fonction de Tribun, que la voye de fimple oppofition qui lui avoit été attribuée fur le Mont Sacré.

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Mais Brutus plus habile que ne le croyoit le Sénat, fut trouver leTribun Icilius. Il paffa une partie de la nuit à conferer avec lui & avec les autres Tribuns, & il leur fit part de fes deffeins. » Il n'eft question pour réüffir, leur dit-il, que de faire voir au peu- « ple, que le Tribunat lui devient «< inutile, fi les Tribuns n'ont pas «< le pouvoir de convoquer les af- « femblées pour lui reprefenter ce «< qui eft de fon intérêt. Le peuple « ne nous refufera jamais de paffer « une loi qui ne peut que lui être « que avantageufe; toute la difficulté « confifte à prévenir le Sénat & « les Patriciens qui pourroient s'y «

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oppofer. Pour cela il faut tenir » l'affemblée le plus matin qu'on » pourra, & fe faifir de bonne heu»re de tous les poftes qui environ"nent la Tribune aux Harangues. Les Tribuns ayant approuvé fon projet, envoyerent dans les différens quartiers de la ville folliciter les principaux Plébéïens de fe rendre dans la place à la pointe du jour avec le plus de monde qu'il leur feroit poffible. Ils s'y trouyerent eux-mêmes avant le jour, & par le confeil de Brutus ils s'emparerent d'abord du Temple de Vulcain, où fe plaçoient ordinairement ceux qui vouloient haranguer. Une foule innombrable de peuple eut bientôt rempli la place. Icilius prit la parole, & pour renouveller l'aigreur & l'animofité dans les efprits, il commença par rappeller tout ce que le peuple avoit fouffert de l'avarice & de l'inhumanité des Grands avant l'établiffement du Tribunat. Il reprefenta enfuite que la mifere publique n'auroit point eu de fin, s'il ne fe fut trouvé deux citoyens affez courageux pour s'oppofer à

la tyrannie des Patriciens Qu'après l'abolition des dettes, ces mêmes Patriciens fe fervoient de la famine pour réduire de nouveau le peuple dans la fervitude, & qu'ils prétendoient interdire aux Tribuns l'ufage de la parole dans les affemblées, de peur qu'ils n'éclairaffent le peuple fur fes véritables intérêts. Que cette tyrannie visible rendoit leTribunat inutile; & qu'il falloit ou que peuple renonçât lui-même à cette Magiftrature, ou que par une nouvelle Loi il autorisât fes Magiftrats à convoquer des affemblées pour y traiter de fes droits; & qu'il fût défendu alors fous de griéves peines, de les interrompre & de les troubler dans l'exercice de leurs Charges.

Ce difcours fut reçû à l'ordinaire avec de grands applaudif. femens. Le peuple s'écria auffitôt qu'il proposât la Loi lui-même. Il l'avoit dreffée pendant la nuit, & la tenoit toute prête, de peur que fi on eût été obligé d'en remettre la publication à la prochaine affemblée, le Sénat & les

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Patriciens ne s'y fuffent trouvez pour s'y oppofer: ainfi il la lut tout haut, & elle étoit conçûë en

ces termes.

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Que perfonne ne foit affez harinterrompre un Tribun pour » qui parle dans l'Affemblée du Peuple Romain. Si quelqu'un » viole cette Loi, qu'il donne cau» tion fur le champ de payer l'a» mende à laquelle il fera condam» né: s'il le refufe, qu'il foit mis à » mort, & fes biens confifquez.

Le peuple autorifa cette Loi par fes fuffrages. Les Confuls ayant voulu la rejetter, en difant que ce n'étoit qu'une Loi furprise par artifice, & dans une affemblée furtive, faite fans aufpices, & fans convocation légitime, les Tribuns declarerent hautement qu'ils n'auroient pas plus d'égard pour les Senatus-Confultes, que le Sénat en auroit pour ce Plebifcite. Ce fut le fujet de beaucoup de difputes, où tout fe paffa en reproches de part & d'autre, mais fans jamais en venir aux voies de fait. Enfin le Sénat, comme un bon Pere, céda à l'opiniâtreté des Plé

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