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en Aigle de mer, ne font que des ornemens poètiques, fondés toutefois fur deux équivoques liées avec cet événement, P'une Grecque, & l'autre Hebraïque ; car comme l'infinue affez clairement Ovide, le nom de Ciris, vient du Grec xapav, #ondre:

Ciris,& à tonfo eft hoc nomen adepta capillo;

& celui de Nifus, de l'Hebreu Neiz, qui fignifie un Eper-
vier, oiseau qui reffemble fort à l'Aigle de mer:
Tunc pendebat in auras

Et modò factus avis fulvis Halyatus in alis.

Si nous en croyons Apollodore (1), Minos fit jetter luimême Sylla dans la mer, ou felon Zenodote, il la fit pen- (1) Liv. 3. dre au mât de fon vaiffeau. M. Huet, pour foutenir le parallele entre Moyfe & Minos, croit que cette avanture est la même que celle que rapporte Jofeph au fujet de Tarbis, qui offrit à Moyfe de lui livrer la ville qu'il affiégeoit dans Ethiopie, s'il vouloit l'époufer: mais on renverferoit toute l'histoire, fi à la moindre apparence on vouloit confondre des événemens fort differens. Toute celle de Minos eft vraie, malgré les Fables dont on la chargée, & elle est attestée par toute l'Antiquité.

J'ai dit qu'Ovide avoit donné à la ville de Nifa le nom de Megare, qu'elle ne prit qu'après la mort de Nifus: c'eft Paufanias qui nous l'apprend (2), en difant que pendant que Mi. nos faifoit le fiége de cette ville, Megareus étoit venu d'Onchefte pour la fecourir, & qu'aprés la mort de Nifus & la retraite de Minos, il en avoit rétabli les murailles, & lui avoit donné le nom de Megare. On montroit encore dans cette ville, au rapport du même Auteur, le foyer facré des Dieux Prodromées; c'eft-à-dire, de ceux qu'on invoquoit avant que de jetter les fondemens de quelqu'édifice que ce fût, aufquels Megareus avoit offert des facrifices, pour fe les rendre favorables. Je fçais que le même Auteur rapporte une autre tradition, par laquelle on apprenoit que ce ne fut Megareus lui-même qui rebâtit cette ville, puifqu'il avoit été tué pendant le fiége, mais fon gendre Alcathoüs, qui la fit

pas

(2) In Attic

appeller Mégare. Ainfi il eft toujours vrai de dire qu'elle ne portoit pas ce nom, lorfqu'elle fut affiégée par Minos.

Comme l'Antiquité ne nous a prefque appris aucun fait fans y avoir mêlé la fiction, on publia qu'Apollon avoit aidé Alcathoüs à rebâtir les murailles de Nifa; c'est-à-dire que l'ouvrage parut fi beau, qu'il falloit qu'un Dieu en eût été l'Architecte. Quelque célebre que fût cette expédition (1) Plutar- de Minos, les Megaréens, au rapport de Paufanias (1) n'en que, Diodore, convenoient pas, & affectoient de dire qu'ils n'en avoient jaApollodore. mais oui parler.

1. 4.

Après la prise de Nifa, Minos alla mettre le fiége devant la ville d'Athenes, & il la trouva dans la derniere défolation. (2) Apollod. Le ciel s'étoit déja déclaré pour lui (2) : une chaleur extraordinaire & une grande fechereffe avoient défolé toute la Grece. L'Oracle confulté avoit répondu qu'il falloit pour appaifer les Dieux, qu'Eacus devint l'interceffeur de fa Patrie, & les prieres de ce Prince avoient déja commencé à les fléchir; mais la ville d'Athenes & toute l'Attique n'en avoient pas été foulagées. Envain les Atheniens fe reffouvenant d'un ancien Oracle, qui leur apprenoit qu'ils feroient un jour délivrés d'une grande ftérilité pour le facrifice de quelques étrangeres, avoient immolé auprès du tombeau du Cyclope Ce rafte, les filles d'Hyacinthe Lacedemonien qui s'étoit depuis peu venu établir à Athenes; la défolation ne ceffoit point; & la ville fe trouvant plus preffée encore par la famine, que par les attaques de l'ennnemi, on envoya encore une fois à l'Oracle; & on apprit que les Dieux ne cefferoient de l'affliger, qu'après qu'on auroit donné une entiere fatisfaction au Roi de Crete. Les Atheniens lui envoyerent donc fur le champ des Ambaffadeurs en état de fuppliants (a), pour lui demander la paix ; & ce Prince la leur accorda, à condition que tous les neufans, felon Plutarque & Ovide, où tous les fept ans, felon Diodore de Sicile & Apollodore, les Atheniens lui envoyeroient fept jeunes garçons & autant de filles.

(a) C'est-à-dire, felon Plutarque, ayant fur la tête des couronnes de branches; & ayant à la main des rameaux environnés de petites bandelettes de laine blanche. Plutarchus in Thefeo. Cet

Cet article étant accepté de part & d'autre, Minos leva le fiége & fe retira en Crete, emmenant avec lui ceux que le fort rendit les premieres Victimes du falut de leur Patrie.

C'eft ici où les Grecs pour rendre ce Prince odieux, publierent une Fable qui fit tant de bruit dans la fuite. Ils dirent que le Roi de Crete deftinoit les jeunes Atheniens qu'on lui envoyoit, à combattre dans un Labyrinthe que Dédale avoit fait conftruire, contre le Minotaure, qui étoit le fruit de l'infame paffion de Pasiphaé fa femme, pour un Taureau blanc que Neptune avoit fait fortir de la mer; que Dédale qui avoit été obligé de quitter le fejour d'Athenes pour ve nir s'établir en Crete, comme nous le dirons dans un moment, avoit favorifé ce fol amour de la Reine, de la maniere que le raconte Apollodore (1), & qu'on n'entend que trop bien dans les vers de Virgile (a): que de ce commerce étoit né le Minotaure, monftre qui felon Euripide, cité par Plutarque, étoit moitié homme, moitié taureau, ce qu'Ovide exprime ainsi :

Semibovemque virum, femivirumque bovem.

Tous les Theatres de la Grece retentirent dans la fuite 'du bruit de cette intrigue (b).

Pour rendre cette Fable plus vraisemblable, & y mêler quelque chofe de furnaturel, on ajouta que Minos avoit cou

(a) Hic crudelis amor Tauri, fuppoftaque furto Pafiphaë, miftumque genus, prolefque biformis Minotaurus ineft, veneris monumenta nefanda. Æneid. lib. 6. Confultez auffi Plutarque, Apollodore, Diodore. (b) Tous les autres Poëtes s'expriment à peu près comme ceux que je viens de citer. Properce, Liv. 2. Ep. 32.

Uxorem quondam magni Minois, ut aiunt,

Corripuit torvi candida forma bovis. Silius Italicus, liv. 8. dit à peu près la même chose.

Hinc genus orditur Minos, immiftaque
Tauro
Pafiphaë.

Tome III.

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(1) Liv. 31

tume d'immoler tous les ans à Neptune le plus beau de fes Taureaux; qu'un jour il en vit un fi beau qu'il en fut charmé; & au lieu de le facrifier, il le garda pour en avoir de la race; dont le Dieu de la mer fut fi irrité, qu'il infpira à Pafiphae l'infenfée paffion dont je viens de parler (a).

Il eft ailé de voir que c'eft la haine des Grecs contre Mi(1) In Minoe. nos, qui leur fit inventer cette Fable; Platon (1) dit à ce fujet que les témoignages avantageux qu'Homere & Hefiode avoient rendu à ce grand Prince, ne lui fervirent de rien contre la malignité de fes ennemis; & Plutarque ajoute qu'il est dangereux d'offenfer une ville fçavante qui a toujours de (2) InThefeo, quoi fe venger (2). Mais comme les Fables ont toujours quelque fondement, voyons ce qui peut avoir donné lieu à celle-ci.

(3) De Aftrol.

(4) Sur le fixiéme Livre

de l'Eneide.

Ce n'eft pas apparamment, comme le croit Lucien (3); parce que Pafiphae avoit appris de Dédale cette partie de l'Aftrologie qui regarde les Conftellations,, fur-tout le figne du Taureau: car quel rapport cette Science peut-elle avoit avec une Fable fi infame? Il vaut donc mieux dire avec Servius (4), Tzetzès, & Zenobius, qui paroiffent l'avoir appris d'Apollodore, dont les Ouvrages n'étoient de leur pas temps fi défigurés qu'ils le font à prefent, que pendant l'absence de Minos, ou comme le prétend Palephate, pendant une longue maladie qu'il eut, Pafiphaé devint amoureuse d'un jeune Seigneur de la Cour de Crete, nommé Taurus, qui même, felon Plutarque, étoit Amiral de la Flotte de Minos; que Dédale fut le confident de cette intrigue, & que pour la tenir fecrete il prêta fa maison aux deux Amans. Ces Auteurs ajoutent que Pafiphaé accoucha de deux jumeaux, dont l'un reffembloit à Minos, & l'autre à Taurus, ce qui donna lieu à la Fable du Minotaure. Mais fans avoir recours à cette prétendue reffemblance, on voit affez que le feul nom de Taurus, ennemi juré des Grecs, pour les raifons que nous dirons dans la fuite, fuffifoit de refte pour faire inventer la Fable de ce monftre, auquel en vouloit faire croire qu'étoit expofée l'élite de la jeunesse Athenienne.

(a) Hygin en rapporte une autre caufe; nous en parlerons dans la fuite.

Ce que dit Palephate de cette maladie de Minos, n'est pas fans fondements & ce futProcris qui l'en guerit lorfqu'elle fe retira dans l'Ifle de Crete, après fa rupture avec fon mari Cephale. Minos même en devint fi amoureux comme nous l'apprend Apollodore (1), qu'il négligea entierement Pafiphé, (1) Liv. si qui de fon côté lia pendant ce temps-là avec le jeune Ami- in fine, ral l'intrigue dont nous venons de parler; & c'eft fans doute ce que veut dire Ovide.

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Pafiphaes Minos in Proonide perdidit ignes ;

où au lieu de Procnide, il faut lire Procride, comme Mezi-
riac l'a remarqué le premier (2). Apollodore ajoute que Pro-
cris fut obligée de fortir bientôt de l'Ifle de Crete, pour éviter
la difgrace des autres maitreffes de Minos,qui étoient dévorées
par des viperes, dès qu'il s'en approchoit; Pafiphaé l'ayant frot-
té de je ne fçais quelle herbe qui attiroit ces infectes: ce qui
veut dire fans doute que la jaloufe Reine faifoit périr fes Ri-
vales par
le poifon qu'elle tiroit de ces reptiles, ou de quel-
que autre maniere que nous ne connoiffons pas ; & ce qui
confirme ma conjecture, c'eft qu'apparamment Pafiphaé n'à -
paffé pour être la fille du Soleil, ainfi que Circé, que parce
qu'elle étoit comme elle, fçavante dans la connoiffance des
fimples, & dans la compofition des poifons. C'est ce qui
donna lieu à une autre Fable rapportée par Hygin, par la
quelle nous apprenons que ce fut Venus qui jetta la Reine
de Crete dans le défordre que nous venons de décrire, pour
se venger du Soleil fon pere, qui avoit éclairé de trop près,
& rendu public fon commerce avec le Dieu Mars.

Mais puifque réellement il n'y eut jamais de monftre pareil au Minotaure des Poëtes, & que par conféquent la Fable qui dir qu'on lui expofoit les jeunes Atheniens dont nous avons parlé, eft fans fondement; que devenoient donc ceux, que l'on envoyoit en Crete, en conféquence du Traité fait avec Minos, & dont le tribut fut payé trois fois (a)? Philo

(a) Ovide dit qu'il fut payê quatre fois..

(2) Sur l'Epa

de Phedre à

Hippol.

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