foin que nous avons que Dieu nous en délivre. C'est la foy qui tient nos yeux ouverts sur notre ame , quand nous voyons les maux secrets de notre cæur, & que nous en avons compassion ; & c'est ce sentiment qui nous porte en même tems à demander du fecours à celui seul qui nous le peut donner. Il n'y a que ceux qui veillent , qui ayent de justes craintes des jugemens de Dieu , qui discernent combien ils sont terribles , & qui s'efforcent de les prévenir. Il n'y a que ceux qui veil. lent , qui puissent sçavoir ce qu'ils doivent quitter & abandonner pour être en état de faire de dignes fruits de penitence , & qui ayent assez de lumiere pour employer à satisfaire à la justice de Dieu, toutes les peines , les afflictions & les croix qu'ils souffrent en cette vie. On trouve assez de gens qui font persécutez, méprisez & crucifiez; mais il n'y a que ceux qui veillent par la foy qui fçachent se servir pour leur salur de tout ce qui leur arrive , & qui soient assez heureux pour changer des maux d'un moment en des biens éternels. Ceux qui sont endormis & infenfi bles au regard des misericordes de Les pauvres qui veillent & qui Le cæur des pecheurs est toujours Veiller ceur N iiij sért même qu'à rendre leur assoupissement plus profond. Il est donc entierement nécessaire de veiller pour connoître les moyens d'arrêter notre propre instabilité, en considerant que nous ne devons avoir de defirs, ni de desseins qui ne soient parfaitement soumis aux ordres de Dieu : cela nous oblige de ne rien entreprendre qu'avec lumiere, qu'avec prudence, que par un mouvement de charité; & fi ce que nous avons entrepris ne réussit pas , faut pas nous en inquiéter , mais nous soumettre à la volonté de Dieu qui s’accomplit toujours , & nous allurer que cette obéissance est infiniment plus, selon le cæur Jesus-Christ, & plus utile à notre salut , que tous les sacrifices où notre volonté se ren il ne contre. Pour comprendre le desordre que peut causer en nous la legereté, l'inconsideration & la négligence de veilJer sur de petites choses, il en faut voir l'image dans une communauté de reliligieuses imparfaites. Je suppose des personnes qui ne voudroient pas rompre leurs vaux, ni commettre de grandes fautes , mais qui n'auroient pas de fcrupule d'en faire fréquemment de petites , li par délicatesse & par amour de leur santé, elles se dispensoient souvent de l'office; si fous ce même prétexte elles refusoient toutes les obéilfances où il y a des travaux un peu pénibles; si pour soulager leur mélancolie , elles s'imaginoient qu'elles ont souvent besoin de visiter, de fréquenter & de faire ensemble de longs entretiens ; si de peur de tomber malades elles ne se contentoient presque jamais de ce qu'on leur sert au refectoir , mais qu'il fallut leur chercher des viandes selon leur goût; fi chacune vouloit quelque petit ornement dans sa cellule , fous prétexte que c'est peu de chose, ce couvent de personnes imparfaites qui s'abandonneroit à toutes ces fautes , & à mille autres semblables, deviendroit une babylone & un lieu d'une extréme confusion. Tels sont les gens du monde , qui ne veillent point sur les petites choses, & qui croyant qu'il leur suffit de remplir les devoirs essentiels de leur condition, ne pensant dans tout le reste qu'à faire leur volonté ; car cette volonté étant volage & changeante , ils ne vivent pas deux jours de la même maniere, & leur instabilité met toutes leurs affaires dans la confusion. S'ils ont quelque dessein dans l'efprit quelque inutile qu'il soit , ils s'y appliquent comme au feul nécessaire; ils n'y épargnent ni leur tems, ni leur peine , ni leur argent, ni leurs domeftiques; ils oublient leur foiblesse & leur santé, & souvent même l'état de leur fortune ; ils passionnent fi fort leur ouvrage , qu'ils ne peuvent souffrir qu’on les contredise ; & parce qu'ils le veulent absolument, ils prennent leurs desirs pour des raisons convaincantes. Il y en a qui se jettent dans la bagatelle , & qui après s'être donné quantiré de chofes, s'en dégoûtent & s'en ennuyent aussi-tôt , & fe mettent à chercher d'autres amusemens. Il se trouve même des personnes afsez retirées , qui nonobstant la profesfion qu'elles font d'une pieté particuliere, ne laissent pas de chercher quelquefois des compagnies par humeur, par complaisance , par legereté & par le peu de foin qu'elles ont de menager leur loisir , quoique ces compagnies les incommodent , quoiqu'elles leur faffent perdre beaucoup de tems , & qu'elles leur donnent occasion de se |