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dit de Job qu'il en poffedoit plus deux mille attelages, & fix mille chameaux. Il eft dit auffi des enfans d'Ifrael, que lorf qu'ils pafferent dans la terre de Chanaan ils prirent fur les madianites 70000 bœufs; & l'hiftoire profane nous apprend qu'il y avoit cent mille chameaux dans l'armée de Semiramis.

Pour ce qui regarde les animaux dont les pieds ne font pas fendus, comme les chevaux, les ânes, les mulets, on trouve encore qu'ils multiplient prodigieusement. Ainfi nous lifons que Job avoit un millier d'âneffes, & que les madianites en perdirent 6 1000. Diodore affure que Ninus mena contre les bactriens 280000 chevaux; que Semiramis qui lui fucceda mit en campagne sooooo chevaux, & 1000 chariots. Et fi les mules n'engendrent pas, elles augmentent par elles-mêmes confiderablement leur efpece; car ces animaux vivent beaucoup plus que les chevaux & que les ânes qui les ont produits, comme on peut le remarquer prefque partout, leur nombre étant toujours plus grand que celui des chevaux.

Et de tous les animaux dont les pieds font partagés en plufieurs doigts ou griffes, il n'y a que l'homme & l'éléphant qui ne produifent communément qu'un de leur efpece à la fois, & qui pourtant ne laiffent

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pas de fe multiplier beaucoup. L'éléphant, felon Ariftote, porte fon fruit deux ans & felon Edouard Lopés il ne conçoit de nouveau que long-tems aprés; mais leur vie s'étend jufqu'à cent ans, & quelque fois deux cent. Il y en a peu en Europe, P'Amerique n'en a point; mais il y en a un nombre prodigieux dans l'Afie & dans l'Afrique, fuivant la relation de Garcias ab horto medecin du viceroi de Goa, qui affure que le roi de Siam en pfit un jour dans une feule chaffe quatre mille. Le même auteur qui croit qu'en d'autres pays ils font plus communs que les bœufs en Europe, ignoroit jufqu'à quel point ces animaux abondent dans les regions feptentrionales. Et quand cette relation feroit fufpecte, pourrons-nous douter que les éléphans foient en grand nombre, fi d'une part nous confiderons que chaque éléphant n'a que deux dents qui ne fe renouvellent point, & de l'autre la prodigieufe quantité que l'on nous en apporte.

:

Les hommes font dans ce même cas; mais avec ce défavantage qu'ils n'engendrent que tard par rapport aux autres animaux les hommes cependant fe font multipliés autant ou plus que les autres efpeces, par ce qu'à la difference des animaux qui ont des faifons marquées pour la géneration, ceux-ci ne ceffent point d'engendrer,

& qu'ils vivent plus long-tems que la plu part d'eux. Or, fi les hommes font fi nombreux aujourd'hui qu'ils ne vivent foique xante ou cent ans au plus plus, que feroit-il arrivé, fi leur vie étoit auffi longue que celle des anciens patriarches? alors non feulement le nombre des génerations feroit allé en augmentant, mais la tige fubfiftant toujours, ils auroient par eux-mêmes augmenté le nombre des individus, enforte qu'ils n'auroient pû compter leurs defcendans, ni connoître les degrés de leur affinité avec eux. C'eft ainfi que fuivant la relation de Moyfe, le premier homme vit jufqu'à fa neuvième géneration, c'est à dire juqu'à Lamech pere de Noé; que Mathufalem vêcut jufqu'au tems du deluge, & que Noé étoit le contemporain de tous les hommes depuis Enoch jusqu'à Abraham. Or un pere voyant un fi grand nombre de génerations, il falloit, malgré la mort de quelques-uns de fes defcendans, qu'il lui en reftât encore un très grand nombre. Une preuve de ce que j'avance, eft que fi la moitié des hommes du dernier fiécle vivoit encore, la terre feroit trop petite pour les contenir : au lieu qu'il eft très rare, depuis que la vie des hommes eft communément bornée à 70 ans, qu'ils voyent leur quatrième gé neration ou leur arriere petit fils; car les

kommes vivent à peine aujourd'hui ce que Mathufalem vêcut au delà de neuf cens ans; & il y a déja bien des fiécles qu'il en va de la forte.

D'ailleurs, les livres faints nous apprennent bien que la vie des patriarches a été très longue, mais on ne fçauroit prouver par ces mêmes livres qu'elle ne s'étendît pas encore plus loin. Car, fans nous arrêter à l'opinion de quelques auteurs qui prétendent qu'Adam a plus vêcu que le refte des hommes, parce qu'on fuppofe qu'au tems de fa création il étoit comme un homme parfait, ou comme ayant foixante ans; & qu'en ajoûtant ce nombre à celui de 930 qu'il vêcut en effet, il auroit vêcu vingt & un an plus qu'aucun de fes defcendans. Sans nous arrêter, dis-je à cette opinion, fommes-nous obligés de croire

que

Mathufalem eft celui de tous les patriarches qui a vêcu plus long-tems, quand Moyfe ne l'affure pas précisément ? on doit pourtant avouer que cela eft vrai par rapport aux dix perfonnes dont Moyfe marque les âges; mais il ne paroît pas que cela fût également vrai des fept de la race de Caïn, & de leurs defcendans. Il eft au contraire vraisemblable que plufieurs de cette race vêcurent plus long-tems que ceux de la race de Seth, puifque fept génerations du premier rempliffent un auffi

grand intervalle que les neuf du dernier. Pour ce que l'on dit communément que Dieu ne voulut pas permettre qu'aucun des hommes vêcut mille ans, afin qu'aucun, fuivant l'expreffion de David ne vêcut un jour devant Dieu, ce font des pieuses réflexions qui fuppofent le fait fans l'établir.

Nous comprendrons encore mieux combien la longue vie des hommes a dû contribuer à peupler la terre avant le deluge, fi nous entrons dans un plus grand détail, & que nous examinions combien d'hommes pouvoient fortir d'un feul qui auroit vêcu 700 ans, en fuppofant que le plus grand nombre de fes defcendans vivoit en même-tems. Et pour réuffir plus fure. ment, nous n'uferons pas de tous nos avantages; quoiqu'on compte 1 600 ans depuis la création jufqu'au deluge, nous n'en pren drons que la moitié; nous ne commencerons pas même par le premier homme; mais nous fuppoferons qu'au fecond ou troifiéme fiécle de la création il y avoit fur la terre des femmes habiles à la géneration. Nous demandons feulement que l'on nous accorde qu'elles en étoient capables à l'âge de 60 ans, & qu'elles avoient 20 enfans à l'âge de cent, c'eft à dire un de deux en deux ans; ici nous ne tirerons point encore avantage de la vie de Mathufalem ni de celle des patriarches qui a été la plus

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