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Selden, M. le

fieurs autres.

doute a dû porter beaucoup de confufion dans l'ancienne Bochart, Mythologie. Quelques Sçavans des derniers fiécles (1), ont Clerc, Peri- eu affez de fagacité pour éclaircir en partie un article si effenzonius,& plu- tiel. Ils ont reconnu, par exemple, que le Theutat des Gaulois, l'Hermès des Grecs, & le Mercure des Latins, étoient les mêmes que Thot ou Thaut des Egyptiens; que le Belenus des Celtes, l'Apollon des Grecs, & le Mythras des Perfes, étoient l'Ofiris & l'Orus de ces mêmes Egyptiens; que Diane & Lucine, étoient Ifis ; & que l'Alilat des Arabes, l'Aftarté des Syriens, & la Venus célefte des Grecs, étoient la Planette que nous appellons la belle étoile ou Vesper. Quelques Sçavans même, parmi lefquels on peut nommer Bochart, le Pere Thomaffin, Cumberland, Voffius, M. Huet, M. Fourmont, & plufieurs autres, ont cru trouver ces anciens Dieux dans les premiers Patriarches; Saturne dans Noé ou dans Abraham; Jupiter, Neptune & Pluton dans Sem, Cham & Japhet, ainfi des autres ; mais cet article mérite encore de nouvelles réfléxions, & peut-être qu'il ne nous fera pas impoffible de trouver dans la fuite de cet ouvrage, la reffemblance, ou plutot l'identité des huit ou des douze grands Dieux, dont parle Herodote, avec les Dieux des Grecs & des autres Peuples.

ARTICLE

ICLE I I I.

De quelle maniere on doit fe conduire dans l'explication des Fables.

AVANT que de finir ces réfléxions, je crois devoir montrer à ceux à qui elles être de quelque utilité, de quelle pourront maniere ils doivent fe conduire dans l'explication des Fables. Pour les bien entendre, il faut d'abord voir par la maniere dont une Fable est compofée, fi elle préfente l'idée de quelque fait hiftorique, ou fi elle ne fait qu'allufion à quelque effet de la nature, ou à quelque vertu ; & fouvent la plus fimple réfléxion fuffit pour en pénétrer le myftére. Lorsque la Fable paroît hiftorique, il faut en écarter le furnaturel qui l'accompagne un Poëte qui a des événemens à décrire, ne les

raconte

raconte pas fimplement en & Hiftorien, mais il y mêle des machines, ambages Deorumque minifteria, comme dit Petrone. Il faut donc ôter cette intervention des Dieux, donner ou à la valeur, ou à la prudence, ou à l'adreffe, ce que le Poëte donne à Mars, ou à Minerve, ou à Mercure. Il faut examiner encore en quelle langue la Fable qu'on veut expliquer, a été écrite, & on trouve fouvent que c'est une fimple équivoque de cette langue, qui a donné lieu à la fiction; Bochart en fournit un très-grand nombre d'exemples. 11 eft inutile & impoffible en même temps d'expliquer toutes les circonftançes des Fables, dont la plupart n'ont été inventées que longtemps après, par les Poëtes qui ont eu occafion de les employer; ainfi il faut les prendre dans les Poëtes les plus anciens, où ordinairement elles font plus fimples, comme je l'ai déja remarqué. Il eft néceffaire auffi d'avoir lu les Anciens, pour voir fi le fait contenu dans la Fable, est lié avec quelque autre événement hiftorique; car alors il est aifé de le débarraffer du merveilleux qui l'accompagne. Le voyage des Argonautes, par exemple, & les travaux d'Hercule, font des vérités hiftoriques : de combien de fictions ne les a-t'on pas embellies? Le plus grand embarras que rencontre un Mythologue, confifte à débrouiller le cahos, des opinions différentes fur une même Fable, qui fe trouve racontée en tant de manieres, & fi différentes l'une de l'autre, qu'il eft impoffible de les concilier toutes.

Suppofons qu'on veuille examiner, par exemple, le partage du monde entre les trois enfans de Saturne; d'abord on fera effrayé de la diverfité des sentimens des Sçavans fur ce fujet.

On trouvera dans les Hiftorens (1) des traditions très-oppo- (1) Voyez fées, quoique également anciennes. Pendant que le plus grand Diod. de Sis nombre fuppofera le partage comme une chofe fûre, d'autres montreront des faits qui le détruifent. On dira, par exemple, que Neptune étoit forti de la Libye, & Minerve des bords du lac Triton dans le même pays, & qu'ainsi ils n'avoient rien de commun avec Jupiter, dont ils ne pouvoient pas même être parens. Il faut d'abord examiner ces différentes traditions, abandonner celles qui paroiffent fe contredire, & qui détruifent des faits, qu'on fçaitpar des Auteurs dignes de foi Tome I.

C

Fulebe Prep.

Evang.

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C'est ce qu'ont fait nos meilleurs Mythologues, & je n'en connois point qui ait adopté cette Fable, fans avoir recherché. auparavant ce qui a pû y donner lieu. Les plus fenfés, tels que Girard Voffius, Marsham, Bochart & le Pere Thomaffin, ont cru que le partage du monde entre les enfans de Noé, Sem, Cham & Japhet, étoit l'origine de la tradition du même partage, entre Jupiter, Neptune & Pluton ; & fur cette idée, ils n'ont pas manqué de faire des paralleles fort recherchés, entre les trois Princes fabuleux; & les trois fils du Patriarche. Cependant ces mêmes Auteurs varient encore fur les traits de reffemblance qu'ils trouvent entre les uns & les autres, & ce ne font pas les mêmes perfonnes qui entrent dans le même parallele. Dans le fond, quelle reffemblance peut-on trouver entre Sem & Jupiter, entre Cham & Pluton? Tout ce qu'on pourroit conclure de plus raifonnable de l'opinion de ces grands hommes, eft, non que les deux familles, qu'on ne fçauroit confondre fans s'écarter de tous les Anciens, n'en faffent qu'une; mais feulement la vérité de cette propofition, que les Grecs ont fouvent embelli l'hiftoire de leurs temps fabuleux, de celle des Peuples de l'Orient, dont ils tiroient leur origine.

L'empire des Titans, fuivant les Anciens, étoit extrêmement étendu. Ces Princes poffédoient la Phrygie, la Thrace, une partie de la Grece, l'Ifle de Créte & plufieurs autres Dans Provinces, jufqu'au fond de l'Espagne. Sanchoniathon (1) femble y joindre la Syrie, & Diodore (2) y ajoûte une (2) L partie de l'Afrique & les Mauritanies. Je n'entre point dans les preuves de ce fait, qu'on trouvera fort détaillé dans l'ouvrage que le Pere Dom Pezron a compofé fur l'origine & l'antiquité de la Langue des Celtes. Il fuffit de dire ici, que ce fçavant homme prétend que le partage qui fut fait de ce vafte Empire, fut regardé dans la fuite comme le partage du monde : que l'Afie demeurée à Jupiter, le plus puiffant des trois freres, l'avoit fait regarder comme le Dieu de l'Olympe, montagne célébre où il faifoit fa réfidence, & qui fut dans la fuite prife pour le ciel même : que la mer & les Ifles, qui avoient été le lot de Neptune, lui avoient fait donner le titre de Dieu de la mer : & que l'Efpagne, le bout du monde

connu, pays confidéré comme très-bas, par rapport à l'Afie, célébre d'ailleurs par fes excellentes mines d'or & d'argent, devenues le partage de Pluton, l'avoit fait prendre pour le Dieu des Enfers.

Un Mythologue doit propofer & examiner avec foin ces différentes opinions, pour mettre le Lecteur en état d'en juger; & il peut fe déterminer lui-même en faveur de celle qui lui aura paru la plus vraisemblable, & l'appuyer, s'il peut, de nouvelles preuves, fans trop s'embarraffer des difficultés qu'on pourroit lui faire; car on ofe affurer ici, qu'on n'oppofera jamais rien contre la fraternité des trois Princes Titans, qui foit plus fort que ce qu'on aura pû dire pour l'établir.

CHAPITRE II.

Où l'on prouve que les Fables ne font point de pures Allégories, & qu'elles renferment d'anciens événemens.

L

ES Fables ne doivent être regardées que comme de belles enveloppes, qui nous cachent les vérités de l'Hiftoire ancienne ; & quelque défigurées qu'elles foient par le grand nombre d'ornemens qu'on y a mêlés, il n'eft pas abfolument impoffible d'y découvrir les faits hiftoriques qu'elles renferment. Je ne difconviens pas qu'il n'y ait dans les Fables des circonftances qui étoient de l'invention des Poëtes; mais il y a bien de l'apparence que le fond en étoit vrai (a): & fi on ne doit pas prendre à la lettre tout ce qu'ils ont dit de leurs Dieux & de leurs Heros, on auroit tort de le rejetter entierement, d'autant plus qu'ils parlent fouvent de perfonnes, dont les Hiftoriens nous ont raconté les actions; ce qui fait dire à Paufanias (1), » de tout temps les (1) In Atti » événemens extraordinaires & finguliers, en s'éloignant de » la mémoire des hommes, ont ceffé de paroître vrais, par

(a) Non enim res ipfas geftas finxerunt Poëtæ, fed geftis addiderunt quemdam colo rem rebus. LaƐt, de falfa Rel. Lib. 1, C. 12,

C. 2.

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la faute de ceux qui ont bâti des Fables fur le fondement de la vérité.

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Je fçais que les Poëtes ont quelquefois inventé jusques aux perfonnages mêmes dont ils parlent; mais il est aisé de les reconnoître, ces perfonnages feints, & affûrément les gens raisonnables ne jugent pas de Saturne ou de Neptune, comme de la Fortune & du Deftin. Il n'est pas impossible de diftinguer parmi tous ces perfonnages poëtiques, ceux qui étoient réels, d'avec ceux qui n'étoient que métaphoriques ou allégoriques. De fçavans hommes l'ont fait avant moi, & S. Auguftin, Lactance & Arnobe n'avoient pas jugé cet article indigne de leur application, & avoient crû rendre un grand fervice à la Religion, en découvrant à tout le monde que les anciennes Divinités des Payens, n'avoient été que des hommes. J'avoue que s'il n'y avoit dans les Fables des Poëtes que quelques allégories, je ne vois pas qu'on dût faire beaucoup de cas de leurs ouvrages: je ne trouverois rien de fi froid. Au lieu que s'il eft vrai qu'elles renferment d'anciens 'événemens, on n'eft pas furpris qu'ils en ayent employé un si grand nombre; on a même meilleure opinion du génie des Grecs, puifqu'on voit que malgré le penchant infini qu'ils avoient pour les fictions, ils ne fe repaiffoient pourtant pas de contes purement inventés (a); & que s'ils ont embelli leurs narrations, on fçait du moins qu'elles renferment plufieurs vérités intereffantes. Auffi eft-il certain que les plus grands hommes de l'Antiquité, ont toûjours eu une haute idée des Poëtes, qu'ils regardoient comme les premiers (1) Lib. 2, Historiens. Strabon dit (1), que les Historiens approchoient d'autant plus du caractére d'Homere, qu'ils étoient plus anciens ce qui fait dire à Cafaubon (b), que lorfqu'il lifoit Herodote, il lui fembloit lire Homere lui-même. Croira-t'on de bonne foi, qu'Alexandre eût tant fait de cas de ce Poëte, s'il ne l'avoit regardé que comme un conteur de Fables? Et auroit-il envié le fort d'Achille d'avoir eu un tel panégyrifte? Y auroit-il eu du fens à fouhaiter un Historien qui, au

a) Voyez M. le Clerc, Bibl. Ch. Tom. II.

(6) Note in Strabon. Lib. I, Ac mihi quidem perfæpè Herodotum cum lego, Homerum aliquem videor legere..

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