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RECUEIL D'ANTIQUITÉS

EGYPTIENNES, E'TRUSQUES, GRECQUES ET ROMAINES.

QUATRIEME PARTIE

C

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E feroit envain que j'entreprendrois de faire des recherches fur l'état où étoient les Arts à Rome, dans les premiers temps de la fondation de cette ville. On fçait seulement en général que les Romains eurent recours aux Etrufques pour les principales conftructions, & pour les ornemens dont ils embellirent leur Capitale. Cependant il eft à préfumer fi l'on eût confervé à Rome le Gouvernement Monarchique, le goût pour les Arts s'y feroit formé & foûtenu,

que

Y

que

puifqu'il avoit dès-lors fait tant de progrès en Etrurie & dans la grande Gréce. Mais la République qui ne s'occupa des moyens de s'affermir & d'étendre fa puiffance, n'écouta que les confeils de l'ambition, & ne jouit prefque jamais de cette heureufe tranquillité, fi favorable & même fi néceffaire à la naissance ou à la perfection des Arts. Comment les pratiques ingénieuses, & les fines opérations de l'efprit & de la main qu'ils exigent, auroient-elles pû convenir à un peuple de foldats qui ne connoiffoit d'autres fentimens que l'amour de la patrie, & d'autre fupériorité que celle des armes? Après la prise de Corinthe par Memmius, après le triomphe de Paul-Emile & celui de Pompée, les richeffes de la Gréce & de l'Afie s'étant répandues dans Rome, fes habitans ouvrirent les yeux fur l'utilité des Arts; mais comme ils les aimérent moins par un goût éclairé, que par luxe & par vanité, ils abuférent bientôt de tout ce qui les avoit frappé. Semblables à ces hommes nouveaux qui font eux-mêmes étonnés de fe voir riches & comblés d'honneurs, ils voulurent pofféder, fans s'appliquer à connoître; & incapables de travailler à faire fleurir les Arts, en les étudiant, ils firent briller l'or & l'argent aux yeux des Artiftes étrangers, & les Grecs accoururent en foule. Le jugement que je porte fur les Romains par rapport aux Arts, ne vient pas d'une aveugle prévention; il n'eft que trop juftifié par les monumens qu'ils nous ont laiffés: & la conftitution de leur gouvernement en découvre la véritable caufe. Tout Citoyen Romain s'imaginoit être un perfonnage important, parce qu'il avoit droit de fe trouver aux affemblées pour y traiter des plus grandes affaires, & il croyoit que fes décifions étoient d'un poids infini pour le gouvernement de l'Etat. La jeuneffe occupée des exercices du corps, de l'étude des Loix, des brigues & des cabales qui agitoient la ville à chaque élection, négligeoit tout autre objet, ou étoit, pour mieux dire, perfuadée qu'il n'y en avoit point d'autre

capable de la fixer. Les Romains, barbares en ce point, abandonnérent presque toûjours à leurs efclaves la connoiffance & la pratique des Arts libéraux, qui leur venoient des Grecs. Mais que pouvoient-ils attendre d'une foule d'Artiftes mercenaires, en qui la perte de la liberté étouffoit le génie, & qui, loin d'envisager dans le fuccès un adouciffement à leurs peines, n'y voyoient qu'un efclavage éternel, & une gêne qui augmentoit à mesure que leurs talens fe développoient? Ils épargnoient des frais confidérables à leurs Maîtres, qui profitoient affez fouvent de l'habileté & de l'induftrie de ces efclaves, pour les vendre plus cher qu'ils ne leur avoient coûté. Par une efpéce de conféquence le goût Romain eft en général lourd, mou, fans fineffe; il fe fent de l'état de fervitude où étoient réduits les Artistes de cette Nation : & prefque tous les ouvrages Romains où l'on apperçoit une forte d'élégance, font dûs aux Grecs dont Rome fe trouva remplie, principalement fous les Empereurs. Quand la fource de ces Artiftes fut tarie, & que la Gréce fe trouva hors d'état d'entretenir les Ecoles d'Italie, on ceffa d'y cultiver les Arts, qui reprirent cependant quelque vigueur fous Trajan, Hadrien, & d'autres Princes dont la protection les rétablit un peu; mais enfin ils s'éteignirent : & le fiége de l'Empire tranfporté à Conftantinople fit une diverfion qui leur fut auffi fatale, que la prife de cette ville par Turcs leur fut avantageufe dans la fuite. Les Arts pratiqués dans l'intervalle de ces deux événemens font rangés dans une classe connue fous le nom de bas Empire ; & l'on comprend à peine comment des hommes qui étoient environnés de chefs-d'oeuvres dans tous les genres, & qui avoient entre les mains tous les inftrumens néceffaires pour les imiter, ont pû laiffer à la Poftérité de fi mauvaises productions.

les

Je n'ai pas jugé à propos de faire une classe particuliére des antiquités trouvées en France: elles appartiennent en

général aux Romains, qui ont été long-temps les maîtres des Gaules. J'ai joint, autant que je l'ai pû, à la defcription de ces morceaux le nom des lieux où ils ont été découverts. Cette précaution eft d'autant plus néceffaire, qu'on ne fçauroit prefque diftinguer plufieurs des monumens trouvés dans nos Provinces méridionales d'avec ceux que l'on déterre tous les jours en Italie. Les autres Provinces de la France en fourniffent auffi ; & quoiqu'ils ne foient pas toûjours d'un volume confidérable, ils peuvent quelquefois embarraffer les Antiquaires les plus confommés. Au refte, je n'ignore point que fous les premiers Empereurs les Liv. XXXIV. c. 7. Gaulois aimoient les Arts. Pline parle d'un Zénodore qui avoit fait en Auvergne une ftatue de Mercure, & que Néron fit venir à Rome, afin qu'il travaillât à sa statue coloffale. Le nom de ce Sculpteur, qui eft Grec, femble prouver que les Gaulois étoient affez connoiffeurs, pour employer par préférence des Artiftes Grecs. La juftice que je rends aux Gaulois ne s'étend pas feulement fur les habitans de la Gaule appellée par les Romains Cifalpine, qui eft aujourd'hui la Lombardie, le Piedmont, l'Etat de Venife, &c. Je parle même de celle qu'ils appelloient Tranfalpine, qui eft notre France, & ce qui eft compris entre le Rhin & l'Océan, les Alpes & les Pyrénées : mais je n'ai point entrepris de parler des Gaulois.

PLANCHE LVIII.

N. I.

CETTE figure de bronze dont la hauteur eft de cinq pouces trois lignes, & dont la confervation ne laisse rien à defirer, a été trouvée à Lyon il y a quelques années. Son attitude a quelque chofe de noble & de grand; la main droite tient un vase dont il seroit difficile de rendre raifon la difpofition du bras & de la main gauche ne permet pas de douter que la figure n'ait été autrefois

:

appuyée

appuyée sur une haste : elle est couverte d'une tunique ou vefte qui a des manches, & qui eft attachée autour des reins par une ceinture ou courroie. C'eft le véritable fagum des Gaulois. La chauffure ne caractérise pas moins ce peuple; on la voit ici telle que les Auteurs l'ont décrite, c'eft-à-dire, comme une espèce de chauffon qui vraisemblablement étoit de cuir. Il me femble qu'on n'en trouve point de cette même espéce fur les monumens des autres peuples. J'avoue que la chauffure des Etrufques en approche; mais fi l'on examine l'une & l'autre avec attention, il eft certain qu'on y remarquera des différences notables. Je prévois qu'il fe trouvera des gens qui traiteront de vaine, & peut-être de ridicule mon application à chercher les rapports qu'il peut y avoir entre des chofes que le climat ou l'intempérie des faisons inspirent naturellement à tous les hommes. Cependant je n'aurai point égard à de pareilles critiques, parce que la difcuffion où je fuis entré ne fçauroit qu'être très-utile, foit pour donner une plus parfaite connoiffance des ufages des Anciens, foit pour 'éclairciffement de leurs Auteurs. Malgré les rapports de cette figure avec Efculape, à qui le vafe femble convenir, je crois que ce monument repréfente Jupiter. Je n'ignore pas que les têtes de ces deux Divinités font faciles à confondre; mais ce que j'avance n'est pas feulement fondé fur l'attitude de la figure qui paroît avoir tenu une hafte, mais principalement fur le caractère de la tête dans lequel je reconnois les traits de Jupiter, marqués fur plufieurs monumens Grecs. Seroit-ce d'après ces modéles que Gaulois auroient appris des Grecs à repréfenter Jupiter avec cet air majeftueux & divin? ou faudra-t-il dire cette petite ftatue a été fondue & travaillée dans quelque ville de la Gréce, & qu'on l'avoit revêtue d'un habillement Gaulois, parce qu'elle devoit être tranfportée dans les Gaules? Je me déterminerois d'autant plus volontiers pour ce dernier fentiment, que la tête eft du meilleur

les

que

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