Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pas

fible partout; vous n'avez apparemment pas affez de pouvoir fur elle, ou plûtôt vous n'en avez affez fur vous-même, pour me tenir la parole que vous me donnâtes hier chez la Reine. Vous avez raifon, me réponditelle, de me reprocher ma foibleffe; je voudrois pouvoir la vaincre je voudrois pouvoir vous rendre heureux. Le Maréchal qui entra dans ce moment, empêcha Madame de Rofoi de me dire ce que fes détours ordinaires alloient lui fuggérer.

Depuis que Mademoifelle de Rocheville m'avoit parlé, j'avois paffé en revûë dans mon imagination, toutes les Beautez de la Cour, pour choisir celles qui pourroit rendre ma feinte, plus vraisemblable. La foeur du Ma réchal me parut propre à jetter Madame de Rofoi dans l'erreur.

Vous connoiffez les charmes l'efprit & la vertu d'Elifabeth du Mez:aïant déja porté mes vûës fur cette aimable fille, je fus charmé de me trouver, avec Alberic fon frere, chez Madame de Rofoi; je voulus profiter de cette occafion pour la jetter, dès ce moment, dans quelque inquiétude.

Le Maréchal me fervit à merveille; frappé de la beauté dont Madame de Rofoi étoit ce jourlà, il ne put lui refufer des loüanges, dites même avec un air de galanterie. Je faifis cet inftant pour parler de Mademoiselle du Mez je vantai fa beauté, je dé taillai avec chaleur, tous les avantages de fa perfonne & de fon efprit; j'ajoutai, en baiffant la voix & les yeux: Je fenspqu'il feroit dangereux, à qui ne voudroie Hien aimer, ou à celui qui auroit à rougir d'être infidéle, de voir

trop fouvent Mademoiselle du Mez, & d'étudier toutes fes bonnes qualitez. Madame de Rofoi à fon tour, mais plus naturellement que moi, baiffa les yeux, & rougit à ce difcours; je vis fon trouble avec plaifir; il me fit juger qu'elle donneroit facilement dans le piége que je lui préparois. Un moment après le Maréchal fortit, & je le fuivis.

L'eftime & le refpect que j'ai pour Mademoiselle du Mez, me faifoient fentir une forte de honte dans l'exécution de mon projet; je le trouvois indigne d'un cœur droit & généreux. Les remords précédoient ma feinte ; je condamnois un projet qui tendoit à furprendre la liberté d'une perfonne, qui méritoit fi bien d'etre fincerement adorée : je craignois que mes foins ne jettaffent Mademoifelle du Mez

dans

dans une erreur capable de devenir fatale à fon repos. L'amour propre n'avoit nulle part à mon inquiétude; elle partoit uniquement de l'appréhension d'avoir à me reprocher des fentimens trop tendres, que j'infpirerois peutêtre à Mademoiselle du Mez;fentimens, dont je n'aurois pas été digne, & dont elle auroit été la victime. Ne pouvant, ne voulant pas même vaincre mes fcrupules, je réfolus de me conduire de maniere qu'il n'y auroit que Madame de Rofoi d'abufee. Mes empreffemens, que nuls foins particuliers, & qu'aucun de ces difcours vifs ou embarrassez que dicte le cœur feul, n'accompagnoient jamais ne pouvoient être regardez par Mademoiselle du Mez, que comme une fimple galanterie due à fon fexe; que comme l'effet de l'eftime dont

[blocks in formation]

j'étois prévenu pour elle, & du plaifir que je trouvois dans fa converfation, en effet des plus charmantes.

[ocr errors]

Dès que Madame de Rofoi étoit préfente, je me tenois auprès de Mademoiselle du Mez; j'avois toujours quelque prétexte pour lui parler ; je ne parlois qu'à elle; & je paroiffois n'avoir d'attention & d'empreffement que pour elle. Je voiois l'inquiéte Madame de Rofoi examiner tous mes mouvemens, regarder Mademoiselle du Mez avec des yeux jaloux je voïois auffi le defir qu'elle avoit de pénétrer mes vrais fentimens, & l'effort qu'elle fe faifoit pour cacher l'intérêt qu'elle y pouvoit prendre. J'avouerai qu'il m'en coûtoit une contrainte extrême pour paroître ce que je n'étois pas. J'avois fouvent des nouvelles de Chelles;

« AnteriorContinuar »