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chere Rocheville, s'écria-t'elle en la voïant ! que je fuis à plaindre! Je fuis effraïée des maux que j'envisage: il n'en faut plus douter ; je me flattois en vain. Roger vient dem'avoüer fa nouvelle paffion. Non; il n'aime plus Alix! non; il ne m'aimera jamais.Quoi! je verrois Roger au comble de fes vœux, tandis qu'il me rendroit miférable? Quoi! tout ce que j'ai fait pour me fauver de la douleur de le voir uni avec ma fille, ne me laifferoit que des remords inutiles? Ma funefte paffion, qui m'a renduë injufte, barbare, infidelle à mes engagemens, & fi féconde en détours pour abufer Roger, & Thibault fon pere, ne me fervira -t'elle plus qu'à me tourmenter ? Que de reproches feront le fruit de mon égarement! Vain fouvenir de ce que je fus autrefois! Il ne me fert aujour

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d'hui, qu'à augmenter l'horreur que je me fais à moi-même. Mademoiselle de Rocheville, attentive à tous ces mouvemens, faifit cet inftant pour tâcher de rappeller chez Madame de Rofoi, cette vertu qui la rendoit fi eftimable, & toujours fi contente d'elle-même. Non! je fuis trop irritée des obftacles que je trouve à ma félicité, s'écria-t'elle, pour ne pas tout facrifier au defir de les furmonter Non! je ne veux plus me fouvenir que je fus toujours vertueufe puifque je ne m'en fouviens que pour rougir de honte de ne l'être plus ! Il n'eft pas queftion ici de me laiffer aller à de vains fcrupules, ni à de timides fraïeurs; je me vois peutêtre à la veille de perdre Roger pour jamais. Une autre que ma fille me l'enleveroit! Non; je fçaurai bien encore parer ce coup, Hy

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peut-être, par un autre plus funefte; il n'importe; du moins Elifabeth du Mez ne fera point à Roger. Je crois avoir pénétré que leComte des Barres eft amoureux d'elle; je vais l'inftruire de la nouvelle paffion du Comte de Rethel: il fçaura disputer & défendre un bien auquel il afpire. Malgré la valeur de Roger, je fens que je l'expofe : des Barres eft un redoutable ennemi; mais le plus grand pour moi de tous les malheurs, n'eft pas celui de pleurer la mort de Roger indifférent, ce feroit celui de le voir heureux aux dépens du repos de ma vie. Madame de Rofoi, après avoir paffé tout le refte du jour avec Mademoiselle de Rocheville après l'avoir conjurée mille fois de faire couler dans le fein de fa fille, le poifon que je verfois dans le fien, revint à Paris plus agitéc que jamais.

Mademoiselle de Rocheville m'envoïa chercher le lendemain dès le jour naiffant : elle m'apprit tout ce que je viens de vous dire. Dans tous les difcours & les divers mouvemens de Madame de Rofoi, je n'envisageois nulle efpérance de parvenir, par aucune voie, à poffeder Alix. Mon afAliction étoit extrême; je ne fçavois quel parti prendre. Pour achever de m'accabler, je ne voïois point cette tendre Amante; je ne pouvois même espérer de la voir. Je quittai Mademoifelle de Rocheville, pénétré de ma douleur, & de celle où elle me dit qu'Alix s'abandonnoit.

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Le deffein que la jaloufe fureur de Madame de Rofoi avoit enfanté ne me la rendoit pas plus odieufe; mais il ma la montra encore plus redoutable pour Alix. Il justifia, dans mon efprit

allarmé, les juftes fraïeurs que Mademoifellede Rocheville nous avoit laiffé entrevoir à mon pere & à moi. Mes empreffemens pour Mademoiselle du Mez, m'avoient donné occafion de remarquer que le Grand Sénéchal les voïoit avec chagrin; auffi le foupçonnois-je, comme Madame de Rofoi, d'être épris des charmes de la fœur du Maréchal. Comme je n'étois point fon Rival, & que je fuis véritablement fon ami, je me reprochois de lui laiffer une inquiétude capable de le tourmenter : je ne fçais cependant fi j'aurois été affez généreux pour la défabufer, fi je n'avois voulu ôter à Madame de Rofoi, l'avantage qu'elle prétendoit tirer de fa perfide confidence. Je pris mon parti en revenant de Chelles à Paris; je defcendis chez le Comte des Barres,

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