Imágenes de páginas
PDF
EPUB

leurs millions, eit bien diferent & bien opole a celui que Jacques Roy d'Aragon faisoit de ses deniers.

Quand les entreprises sont utiles, elles rendent avec usure ce qu'on y a facrifié : les Rois de Portugal se sont particuliérement diftingués par la folidité de leur choix, acquérant en même tems des richesses & des honneurs.

Ferdinand en Prince éclairé étoit énemi de toutes les entreprises vaines & inutiles, qui ne servent qu'à jetter l'épouvante, ensevelir les sujets & les trésors, telles qu'êtoient celles des Rois Pierre de Castille & (177) Pierre d'Aragon, qui n'étoient animés ni par raisons de justice, ni par raisons d'intérêt ; mais uniquement par une fausse émulation, dont l'éfet est la perte des deux Rois & celle de leurs Royaumes.

Vouloir, comme Charles VIII, n'épouser que la gloire, c'est chercher une femme pauvre & fterile ; & un Prince inutilement orgueilleux, se trouve bien-tôt seul.

Henri IV avant que de commencer une entreprise, cherchoit à s'y déterminer par mille diférentes raisons, & quelquefois aprés s'être convaincu de son utilité intérieure, il l'abandonnoit (178) à cause de ses circonstances. On affûre

(177) Il n'y a eu qu'un seul Roy de | Etrangers & l'afection de ses sujets : il

avoit beaucoup de valeur, de prudence & de générosité: il avoit une franchise qui gagnoit les cœurs, & une

Castille qui ait porté le nom de Pierre, & qui est connu dans l'histoire par ses cruautés, qui lui ont fait donner le furnom de Cruel. Pierre dit le Céré-grande facilité à pardonner les inju

monieux régnoit alors en Aragon. Ces deux Rois n'eurent aucune guerre à qui puisse être apliqué ce que dit Gra

cian.

res, & cela de maniére à persfuader ceux qui recevoient le pardon, que la réconciliation de sa part étoit sincére, pourvû que leur repentir le fut aussi. Mais dans (178) Henri IV sera toujours regar- le traité qu'il fit avec le Duc de Sadé comme un des plus grands Rois de voye, où il échangea le Marquisat de la Monarchie des François : grand Prin- | Saluces contre la Bresse. Ce qui lui fit, ce & en même tems trés-bon Prince, dit M. de Rohan dans ses maximes des il mérita également l'admiration des | Princes, commettre cette faute contre

cieuses & fuperfluës. Le défaut de guerre ocalionhe fois des séditions intestines: c'est un grand art c faire d'un poison, un antidote.

L'oisiveté fut le ver rongeur qui détruisit la féli longue des Espagnols: elle introduisit dans Rome vices qui y parurent. Il n'y a point de plus danger mi que de n'en avoir point: sentence de Metellu lors de la destruction de Carthage, & qui ne fut justifiée par de funeftes expériences : les premie mans avoient coutume de ne point vivre sans gu changeoient d'énemis: ils afoiblissoient par un po repos la valeur & l'expérience de ceux qu'ils ne toient point, & tenoient toujours leurs troupes v ses en haleine.

La puissance militaire est la baze de la réputa Prince désarmé est un lion mort qui est insulté de timide liévre est le plus insolent.

Ferdinand aprés avoir terminé la guerre qui d puis si long-tems en Espagne, ne licencia point se

ce d'Henri IV, pouvoit n' lui de son amour pour le r

(179) Scipion aprés ave thage écrivit au Sénat: Car se, Péresconscripts, qu'en ora On en résolut la destruc n'ayant plus de guerres a bien-tôt déchirée par les

son intérêt, fut le defir de goûter le repos, étant une chôse certaine que l'homme se flatte ordinairement dans les choses qui s'acordent avec ses inclinations. Ce Prince aimoit naturellement ses plaisirs, la nécessité de ses afaires l'avoit jusqu'alors engagé dans des travaux indispensables, de manière que se voyant paisible dans son Royaume, & croyant avoir fa-les, comme l'avoient préc tisfait à son honneur, il aima mieux prendre une compensation du Marquisat de Saluces, quoiqu'elle fut inégale, que de s'embarquer en une guerre de longue haleine, d'où l'on doit conclure que ce que Gracian louë comme un éfet de la pruden

s'étoientoposés à la destruc thage; mais les Historiens r personne, ni Métellus, ni a ils disent tous uniformeme Quelques-uns, &ι.

11 evita ce qui fut dans le négligent Rodéric (180) la premiére cause de sa perte: il les changea de camp, & les envoyant hors de l'Espagne, en fit à son Royaume une muraille vivante.

Il connut & se servit bien de sa grande puissance : il savoit jusqu'où pouvoient aller ses forces, & il sçut les bien employer: il ne connoissoit pas moins celles de ses énemis, & il les prévint toujours: on eût dit des Espagnols que ce Prince envoya dans les Royaumes étrangers, qu'il les eût transformés en lions. Dans les fréquentes guerres qu'il eut avec les François, il les vainquit toujours, & jamais n'en fut prévenu. Il sembloit commander à toutes les Nations, en se comportant avec elles suivant leur génie & ses lumiéres.

Mais ce quirend la politique de ce grand Monarque plus diftinguée, c'est qu'il fit toujours la guerre avec de la poudre fourde, sans faire retentir le monde de fes grandes entreprises, sans cet inutile & dangereux bruit des armemens qui avertit les énemis, irrite les neutres & fait tenir toutes les Puissances sur leurs gardes: sans tant d'apareil, il prenoit une place en Afrique, un Royaume en Efpagne, une ifle dans l'Océan, une ville en Italie, & le tout avec la vitesse d'un lion : il n'y eut point d'homme qui connut mieux l'ocasion d'une entreprise, la saison d'une afaire, le tems favorable pour tout.

Il étoit présent à tout, ou par lui-même, ou par Isabelle

(180) Plus je me rapelle l'histoire | qu'il leva furent pour résister aux Sar

razins, & que la fin de cette guerre mit find son régne, & dans sa personne à celui des Rois Goths en Espa

de Rodéric, & moins il me semble qu'il
ait êté dans une situation semblable à
celle de Ferdinand. Il ne fut assuré-
ment jamais dans le cas de licenciergne.
des troupes, puisque les premiéres

M

plus importantes de l'intérieur du gouvernement. C'est une question célébre parmi les politiqu Prince doit se fixer au centre, & gouverner le parties par sa puissance & ses connoissances: ou me le soleil il doit parcourir l'horizon de son I éclairant, ordonnant & vivifiant tout: il y a de for ves, & des éxemples acrédités pour l'un & l'aut

ment.

Tous les héros qui ont fait de si grandes actio agi presque toujours en personne. Le grand Alexa dix années, réduisit toute la Gréce, subjuga la dompta la Scythie, enleva les richesses des Indes, l'Orient, remplissant le monde de terreur, & la de sa mémoire. Le fameux César remporta cinc phes; le premier aprés avoir subjugué les Gaul quis la Bretagne, réfréné la Germanie; le secon conquête de l'Egipte, & par la mort de Ptolomée fiéme par la déroute de Juba; le quatrième par l'l tion de Pharnaces ; & le dernier par l'extinction c de Pompée en Espagne. Le célébre Annibal à l'âg ans prit Sagunte, vainquit cinq Généraux & tro fuls Romains, & dans la bataille de Cannes quat dix mille (181) Sénateurs. Le grand Auguste fi reusement cinq guerres civiles, assujétit douze barbares, & toutes celles de l'Univers lui envoyére Ambassadeurs & leurs présens. Trajan étendit les de l'Empire de l'autre côté du Tigre, & de l'E Charlemagne établit sa Tétrarchie, & ceignit fes

(181) Quatre-vingt-dix mille Sénateurs! Gracian se trompe dans le

bles cheveux blancs des trois (182) Couronnes. Mahomet conquit deux Empires, douze Royaumes & plus de deux cens Villes. Jacques d'Aragon donna & gagna trente batailles. Ginghis grand Kam s'assujetit neuf Royaumes & en détruisit autant. Othon I fit la guerre pendant trente ans & vainquit toujours les Princes d'Allemagne, de Bohéme, de Hongrie, & les Bérangers en Italie: Tamerlan appellé la terreur du monde, dépouilla toute l'Afie, prit Bajazet captif dans une bataille où deux cens mille Turcs furent tuez, ravagea en trois ans l'Albanie, l'Ibérie, l'Arménie, la Perse, la Mésopotamie, & l'Egipte. Boleslas Roi de Pologne (voyez la note 125) se fit payer tribut par les Prussiens, les Ruffiens, & les Moraves : il vainquit Jaroslaüs Duc de Russie, il alla jusqu'au fleuve Boristéne, où il érigea deux colonnes de bronze pour être le terme de ses conquêtes.

Le Grand Mogol s'empara avec huit cens mille combatans de l'Asie Mahometane, & établit (183) son Empire entre l'Inde & le Gange.

Le victorieux Alfonse Henri, premier Roi de Portugal employa quatre-vints ans (184) à combatre les Mores, vainquant dans diférentes rencontres huit Rois, dont sept y périrent. Ifmael Sophi conquit la Perse, la Mésopotamie, la Médie, la Cappadoce, l'Ibérie, & l'Arménie. Charlequint humilia les plus grands Princes qui ayent êté dans le monde;

(182) Ces trois couronnes sont cel- | duisit, les soumit, & donna à cet Emles de l'Empire d'Occident ou d'Al- pire la forme qu'il conserve encore aulemagne, de la France & de l'Italie. jourd'hui. (183) Tamerlan s'êtoit rendu toute l'Inde tributaire; mais il avoit laillé les diférens Rois Indiens en poffession de leurs Etats, en sorte que ce ne fut qu'Houmayon son petit-fils qui les ré- | avoit conquis son Royaume sur les

(184) Cet éloge paroît d'abord excessivement outré; mais il ne l'est pas tant qu'il le paroît. Ce Prince mourut à l'âge de quatre-vints-onze ans ; il

« AnteriorContinuar »