Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

veiller fur les ames qu'il a daigné commettre à nos foins, me paroist preferable à toutes les autres. J'ai une troifiéme difficulté,Monfeigneur, qu'il faut encore que je vous dife; c'eft que ma fanté qui n'est pas maintenant fi vigoureuse qu'elle a efté, m'empêche de pouvoir faire à pied les vifites & les follicitations qui feroient neceffaires. D'ufer d'une manière d'aller plus commode cela ne conviendroit point à la fimplicité de mon état, & il n'y a point d'apparence,que j'approuvaffe par mon exemple, ce que j'ai toujours eftimé condamnable dans les personnes de ma profeffion. Quand un Religieux ne peut plus aller par le mona...on cette pauvreté qui lui eft fi effentielle, Dieu ne veut de lui autre chofe, finon qu'il demeure enfermé dans fon Cloiftre; qu'il y prie fans ceffe; qu'il y pleure fes pechez, & qu'ily attende la mort. Îl y a d'au

tres

tres raifons particulieres que je ne puis écrire, mais que je vous dirois, fi j'avois l'honneur de vous voir. Cependant fi aprés cela vous m'ordonnez de partir, je croirai que Dieu me parle par voftre bouche je ne differerai pas un moment à vous obeïr, fi ce n'eft qu'il fe trouve quelque impuiffance réelle, qui m'en empefche.

;

Au refte, Monseigneur, je ne faurois affez admirer voftre bonté, ni vous témoigner à quel point je fuis penetré des marques que vous m'en donnez. Faites-moi l'honneur & la justice de croire, que je n'ufe d'aucune exageration, quand je vous proteste, que rien n'eft plus avant dans mon cœur, que le refpect & la reconnoiffance, avec laquelle je fuis vostre, &c.

[blocks in formation]
[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Sur le neant de cette vie, & la vanité de tout ce qui n'eft point éternel.

JA

'Avois bien fû que vous aviez efté incommodée,mais je n'avois pas crû que voftre mal fuft tel, que vous me le mandez. Je loüe Dieu de ce qu'il vous a conservée ; c'est à dire, que vous n'eftes pas affez preparée à fes yeux, & que vous n'avez pas encore toutes les difpofitions neceffaires pour ce grand voïage, auquel on ne fauroit trop penter, parce que fi les mesures que l'on prend en cela, ne fe trouvoient pas juftes, c'est un défaut qui ne fe repare que difficilement: Il faut commencer par haïr & méprifer le monde, fi on veut faire autant de cas de l'éternité qu'elle le

merite; car il eft certain qu'à proportion que le monde diminuë dans noftre cœur, l'éternité y augmente, & qu'elle prend & remplie tous les vuides & les places qu'il y laiffe. On ne peut, comme vous favez, aimer l'un & l'autre tout ensemble; ce font deux amours qui fe combattent, & il eft tres- raifonnable que celui que Pon conçoit pour un bien qui eft infini, & dont la durée doit eftre immortelle, l'emporte par deffus celui qui n'a qu'une lueur, dont toute la confiftance n'eft que d'un moment. Tout eft vanité; plus vous vivrez, & moins vous trouverez de folidité dans les hommes ; ils n'ont rien que de creux & de faux, & je ne puis mieux les figurer, que comme ces concavitez des rochers, dont il fort des voix & des paroles, quoiqu'elles n'aïent ni eftomac ni bouche pour les former, c'est à dire, qu'ils paroiffent tout ce qu'ils

ne font point, & que le meilleur & le plus habile eft celui qui joue mieux fon perfonnage. Quel plaifir de vivre avec de telles creatures & quel moïen d'eftre fincere parmi ceux qui ne le font pas; de ne le pas eftre auffi, ce n'est pas un moindre inconvenient; & fi l'on dit qu'il faut reffembler à ceux avec lefquels on vit & on converse, cela fe doit entendre, pourvû qu'ils aïent des qualitez qui foient dignes d'eftre imitées. Adieu, Madame, je fuis, &c.

« AnteriorContinuar »