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PIERRE-PAUL PUGET (1). L'AUTEUR de l'Abrégé de la Vie des Peintres, à qui le public eft redevable du portrait de ce grand homme, a cru ne pouvoir mieux le caractérifer qu'en l'appelant le Michel-Ange de la France. Semblable en effet à cet artiste, mais plus naturel & plus délicat, Puget ne s'est pas contenté d'animer le marbre & de le rendre auffi flexible que la chair, il a de plus élevé, avec beaucoup de fuccès, différens édifices à Marfeille. D'autres fois il a peint des tableaux qui ne font pas indignes de l'attention des amateurs ; il a donc mérité les trois grandes couronnes des arts, & l'on auroit pu décorer fon tombeau comme celui de Michel-Ange.

Cet homme univerfel, né à Marseille en 1622, étoit le troisième fils de Simon Puget, architecte & Sculpteur. Mais qui parleroit de Tydée fans Diomède ? Il montra dès fon enfance des difpofitions peu communes pour les arts qui dé

(1) Ratti. Mém. pour fervir à l'Hiftoire de plufieurs hommes illuftres de Provence, par le P. Bougerel, Oratorien, 1752.

pendent du génie. A l'âge de quatorze ans, placé chez Roman, Sculpteur médiocre, & construc teur de galères, il l'engagea bientôt, par fes rapides progrès, à lui confier la construction & la Sculpture d'un de fes bâtimens.

Puget, que fon génie appeloit à de plus nobles entreprises, fentit bientôt la néceffité d'aller en (2) Italie. Pietre de Cortone, qui y étoit alors en grande réputation, lui donnoit une louable envie de voir fes ouvrages. Il partic donc,'& s'arrêta à Florence pour s'y procurer quelques fecours. A quinze ans Puget fe trouve dans un pays étranger, fans reffource, fans travail, rebuté par des artistes au jugement defquels il eft incapable de donner un coup de cifeau. Réduit à cette extrémité, il trouva un vieux Sculpteur en bois qui, touché de fon état, le préfenta au premier Sculpteur du grand duc, & le lui recommanda. On lui donna d'abord à faire un petit cartouche en bois, mais il demanda la permiffion de travailler à un scabellon, ainfi que les autres élèves. Le fuccès de ce tra

(2) L'auteur des Réflexions critiques fur les différentes Ecoles de peinture, fe trompe lorfqu'il dit que Puget n'a jamais été en Italie.

vail engage le maître à lui confier l'invention de ceux qui reftoient à faire. Il y excelle, on l'admire, on le diftingue, on lui donne occafion d'espérer mieux de la fortune.

La complaifance pour fon bienfaiteur le retint une année entière à Florence. Il fe difpofa enfin au voyage de Rome. Son maître, en l'engageant au retour, lui remit une lettre de recommandation pour un fameux Sculpteur en bois intime ami du Cortone, qui fe chargea de le pré. fenter à ce grand peintre. Celui-ci, à la vue seule de fes deffins, lui fit un accueil des plus gra cieux, & l'invita à venir le voir fouvent. La peinture devint alors la principale occupation de Puget; il étudia la manière de Cortone, qui vit fans jaloufie un jeune homme tromper les connoiffeurs, au point de leur faire prendre le change fur fes ouvrages.

L'Italie voulut s'approprier un mérite auffi diftingué: on offrit des établissemens à Puget, mais l'amour de la patrie fut plus fort, il revint à Marseille en 1643, âgé de vingt-un ans. Sur le récit que firent, au duc de Brezé, amiral de France, quelques officiers qui virent ses deffins, ce duc le manda à Toulon, & lui ordonna de faire le modèle du plus beau vaiffeau qu'on pour

roit imaginer. On l'exécuta; il inventa alors ces belles galeries qui tant de fois ont fait l'objet de l'admiration & de l'imitation des étrangers.

Le féjour de Puget, dans fa patrie, ne fut pas long. Il retourna à Rome, où il refta cinq ou fix ans, & il n'en revint qu'en 1653. Il avoit deffiné toutes les beautés de cette capitale. Marfeille, Toulon, la Valette proche de cette ville & Aix, furent décorés de plufieurs tableaux de fa main, jufqu'en 1657 qu'il eut une maladie fi dangereufe, qu'après fa convalefcence on lui confeflla de renoncer entièrement à la pein

ture.

Ce fut donc par raifon de fanté qu'il abandonna ce bel art pour ne plus s'appliquer qu'à l'architecture & à la Sculpture. C'eft ici l'époque des grands fuccès de notre artifte. Il débuta par les deux termes qui foutiennent le balcon de la porte de l'Hôtel-de-Ville à Toulon. Ce font deux figures coloffales terminées en queue de poiffon; elles parurent fi belles au marquis de Seignelai, qu'il propofa à Louis XIV de les faire venir à Verfailles, ce qui auroit été exécuté fi ces statues n'avoient pas été composées de différentes pièces.

L'année d'après Puget vint à Paris, attiré par

un amateur (3) qui l'occupa dans fon château de Vaudreuil en Normandie; il y fit deux figures de pierre de huit pieds de haut, repréfentant Hercule, & la Terre avec un Janus qu'elle couronne d'olivier. Le Pautre qui les vit, les admira, & confeilla à Nicolas Fouquer d'employer un auffi habile homme aux ouvrages de Sculpture de Vaux-le-Vicomte. Ce miniftre l'envoya auparavant à Gênes pour choisir les blocs de marbre néceffaires. Puget se rendit à Marseille, où il donna les deffins de l'embelliffement du cours qui, malgré fa beauté, auroit encore été plus magnifique, s'ils euffent été exactement fuivis. Il partit enfuite pour Gênes; & tandis qu'il s'occupoit à faire charger des blocs de marbre fur trois bâtimens, il fit, pour Guillaume des Noyers, l'Hercule gaulois, ce bel ornement des jardins de Sceaux; il est à demi-couché, fe repofant fur fa massue, & appuyé fur un bouclier où les lis de France font exprimés.

Cet ouvrage lui acquit une grande réputation. Fouquet fut digracié durant fon séjour à Gênes; on faifit cet événement pour l'y arrêter,

(3) M. Girardin,

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