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L'an 1305. Mohammed.

de la part d'Abou yacoub youfouf, Roi des Mérinites en Apr. J. C. Afrique qui apportoit avec lui de riches préfens. Au commencement de l'année fuivante (a) Cara fancar, Gouverneur d'Alep, envoya fon Mameluk Bafchtimour dans le pays de Sis avec une armée; mais ce Mameluk qui étoit tou jours yvre, donna le tems àux Arméniens (6) de raffembler toutes leurs forces; ils vinrent au-devant de lui avec les Mogols & les Francs, & l'obligerent de fe retirer après avoir perdu prefque tout fon monde.

L'an 1306.

L'an 1309.

Dgemaleddin acousch, furnommé el aphram, fe mit également à la tête des troupes de Damas, & marcha vers la montagne de Kefrouan, fituée entre Damas & Tripoli. Une foule d'Hérétiques qui faifoient des courses dans tous les environs, s'y étoient retirés. Les armées Musulmanes environnerent cette montagne qui étoit très-fortifiée, & les foldats ayant mis pied à terre, ils y grimperent de tous côtés, égorgerent tous ceux qu'ils trouverent, & rendirent par cette expédition les chemins fûrs. Ces hérétiques enlevoient les Mufulmans pour les vendre aux Chrétiens. Vraisemblablement il s'agit ici des Druses, ou de quelques reftes d'Affallins.

L'Egypte pendant ce tems-là étoit remplie de divifions Aboulfedha & de factions; les principaux Emirs, & principalement SeïAboulma- feddin felar & Bibars étoient ligués les uns contre les aukafen. tres (c), & le Sulthan accablé fous l'autorité de ces deux Emirs qui ne lui laiffoient que le titre de Roi, cherchoit à s'en délivrer (d). Il s'en plaignit à l'Emir Baktimour el dgioukandar qui étoit alors de garde; & convint avec lui que pendant la nuit, lorfque le château feroit fermé & que l'on auroit remis les clefs au Sulthan, fuivant la coutume, on battroit du tambour, que les Mameluks du Sulthan prendroient les armes & montroient à cheval, que Baktimour iroit attaquer les palais de Selar & de Bibars qui étoient dans le château, & qu'il arrêteroit ces Emirs; mais ceux-ci étant inftruits de ce projet, en empêcherent l'exécution.

(a) L'an 705, dans le mois Mouhar

ram.

(b) Le Roi d'Arménie étoit appellé

Haiton, fils de Léon.
(c) L'an 706.
(d) L'an 708,

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Moham

med.

Ils ordonnerent que l'Emir Balban, Gouverneur du châApr. J. C. teau, après avoir feint de fermer les portes, iroit remettre L'an 1309. les clefs au Sulthan. Ce Prince & tous fes Mameluks crurent que leur complot alloit être exécuté, mais ils attendirent inutilement Baktimour. Cet Officier étoit alors avec Bibars & Selar, & avoit juré de refter avec eux. Le Sulthan qui se vit trahi paffa la nuit dans les plus grandes inquiétudes. Bibars & Selar inftruits du projet, s'étoient auffi-tôt transportés chez Baktimour; le premier avoit voulu le tuer, mais Selar qui l'en avoit empêché, s'en fervit pour tromper davantage le Sulthan. Selar & Bibars firent tenir leurs chevaux tous prêts, attendant à chaque inftant les Mameluks du Sulthan, & aucun des Emirs n'alla faire ce jour-là fa cour au Prince.

Le bruit fe répandit dans le Caire que l'on vouloit affaffiner le Sulthan, ou au moins le renvoyer à Krak; comme le peuple & la milice aimoient ce Prince, ils s'affemblerent en foule au bas du château. Les Emirs qui craignoient que le Sulthan ne fortît, firent armer quelques-uns de leurs Mameluks, à la tête defquels ils mirent l'Emir Seïfeddin famak, frere de Selar, & les placerent à la porte des écuries. On entendit en-dedans de ces écuries un grand mouvement, caufé caufé par les Mameluks du Sulthan qui s'armoient pour fortir avec lui. Il y eut quelques fleches de lancées de part & d'autre, & fur le foir le Sulthan fit demander aux Emirs pourquoi ils étoient ainfi affemblés, & fit ajouter que s'ils avoient envie du trône, ils pouvoient le reprendre. L'Emir Bibars, accompagné de plufieurs autres, fe transporta auprès de ce Prince, & lui dit que tout ce tumulte ne venoit que de la part de fes Mameluks qui l'irritoient contre les Emirs. Dans le tems qu'il s'en revenoit on entendit un grand bruit, c'étoit le peuple af femblé qui crioit qu'il ne vouloit recevoir aucun Mameluk pour Sulthan, & qu'il vouloit que ce fût un des enfans de Kelaoun; il répétoit à chaque inftant, Vive le Sulthan Mohammed. Samak voulut attaquer cette populace, mais les Emirs l'empêcherent dans la crainte de la faire entiérement fouleyer. Enfin Bibars & Selar monterent à cheval avec leurs

A a iij

Apr. J. C.

L'an 1309. Mohammed.

Mameluks pour aller contre cette populace, ils entendoient crier par-tout, Vive le Sulthan Mohammed toujours victorieux, que Dieu puniffe ceux qui veulent le trahir. Comme on craignoit qu'il n'en vînt un plus grand nombre on les appaifa. Les Emirs qui n'oferent rien entreprendre, firent dire au Sulthan qu'ils étoient fes efclaves, & le prierent de chaffer les auteurs de la fédition. Le Sulthan tint ferme d'abord, mais enfuite il fut obligé d'en facrifier quelques-uns qui furent envoyés à Jérufalem. Tous les Emirs fe présenterent devant ce Prince & lui baiferent la main. Il donna des robes d'honneur à Bibars & à Selar,

Ces Emirs prierent le Sulthan de fe montrer dans le Caire, afin de calmer le peuple. Dans cette cavalcade ce Prince ayant apperçu à côté de Bibars l'Emir Baktimour, il jura que fi on ne le chaffoit, il ne remonteroit pas fur le trô ne. On envoya fur le champ cet Emir à Sobaiba, & la paix fut rétablie dans le Caire. Cependant le Sulthan qui ne pouvoit rien faire fans le confentement de ces deux Emirs, & qui vouloit abfolument fecouer ce joug, dit qu'il alloit faire le pélerinage de la Mecque (a). Il fortit du Château de la montagne, & alla à Krak, où il arriva avec cent cinquante che vaux (6). On baiffa le pont-levis, & les bagages pafferent; dans le tems que fon cheval avançoit fes deux pieds le pont fe brifa, & fi l'on n'eût pas retenu la bride, le Sulthan romboit dans les foffés. Il y avoit plufieurs années que ce pont n'avoit fervi. Plufieurs Emirs tomberent, mais il n'y eut que deux hommes de tués, quoiqu'il y eût du pont au fond des foffés environ cinquante coudées. Lorsqu'il fut dans le château, il dit à fes Emirs qu'il n'avoit aucun deffein d'aller en pélerinage, qu'il vouloit refter à Krak & laiffer le trône d'Egypte. Il confeilla aux Emirs qui l'accompagnoient de s'en retourner & de le laiffer tranquille dans cette fortereffe (c); & il écrivit cette lettre aux Emirs d'Egypte : « Je suis entré dans le château de Krak qui eft de la

(a) Dans le mois Ramadhan,
(b) Le to de Schoual.

(c) Sanut appelle ce Prince Claudus,
& dit qu'il fe retira à Krak, ou Petra

deferti, avec fa famille, au mois de Mars 1309. Claudus eft ici pour Kelaoun, parce que le Sulthan étoit fils de Kelaoun.

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dépendance de mon Empire, & je fuis réfolu d'y refter.

med.

Si vous êtes vraiment mes efclaves & les efclaves de mon Apr. J. C. L'an 1309. pere Kelaoun, foumettez-vous à Selar, Gouverneur d'E- Moham"gypte, & fuivez en tout fes conseils; je vous donne cet avis, parce que je vous veux du bien. Si vous ne m'écoutez point, je mets toute ma confiance en Dieu. » Lorfque l'on eût reçu cette lettre au Caire, tous les Emirs s'affemblerent, & après en avoir fait la lecture, ils envoyerent en pofte l'Emir Berouani avec la réponse. Ils prioient le Sulthan de revenir, & finiffoient par le menacer que s'il ne fuivoit pas leurs volontés à cet égard, ils ne le laisseroient pas à Krak. Le Sulthan en recevant cette réponse invoqua le nom de Dieu, enfuite il fit apporter en fa préfence tous les ornemens impériaux qu'il remit entre les mains de Berouani en lui difant : « Je vous rends ce que j'ai pris du tréfor, laiffez-moi dans ce pays exilé loin de → vous, jufqu'à ce que Dieu m'appelle à lui. » Tous les Emirs en entendant cette réponse s'affemblerent autour de Selar pour le proclamer Sulthan, mais celui-ci l'ayant refufé par crainte, on choifit (a) Bibars, après avoir fait publier que le Sulthan s'étoit lui-même dépofé.

Bibars, furnommé Dgiafchanghir, étoit un Circaffe qui Bibars II, avoit été esclave du Sulthan Kelaoun & mis parmi les Bordgites. Sous ce Prince même il devint Emir, & parvint à de plus grandes charges fous le regne de Khalil; fous celui de Mohammed il fut fait Ouftaddar. Lorfque Ketboga parvint au trône, Bibars fut dépofé & renfermé dans une prifon. Remis enfuite en liberté, il devint fucceffivement Commandant de cent hommes & de mille hommes. Après la · mort du Sulthan Ladgin, comme il avoit été un de ceux qui avoient confeillé que l'on fit revenir le Sulthan Mohammed, il obtint après le rétabliffement de ce Prince la charge d'Ouftaddar; enfuite il devint avec Selar Infpecteur de tous les Mameluks du Sulthan. Après la retraite de ce Prince, Bibars ayant été proclamé Sulthan, il prit le titre de Malek el modhaffer rokneddin, c'est-à-dire, le Roi vic

(a) Le 23 de Schoual de l'an 708.

torieux & la colonne de la Religion. Le Khalif Mostakfi lui donna, fuivant la coutume, la patente par laquelle il étoit Bibars II. confirmé dans la poffeffion du Royaume.

Apr. J. C.

L'an 1309.

Tous les Emirs affemblés avoient d'abord offert le trône à Selar, promettant de ne point s'oppofer à fes volontés, & ils avoient juré de lui obéir en tout; les Bordgites feuls paroiffoient mécontens de ces conditions. Selar s'en apperçut, refufa l'Empire, & dit qu'il n'y avoit perfonne qui pût mieux le gouverner que Bibars. Les Bordgites s'emprefferent de proclamer celui-ci, & le forcerent en quelque façon. de recevoir la couronne en le revêtiffant des ornemens impériaux. Il obligea Selar à être Gouverneur d'Egypte, proteftant qu'il alloit fe démettre de l'Empire fi celui-ci n'acceptoit pas cette charge. On expédia enfuite les ordres dans les provinces pour faire prêter ferment de fidélité aux Emirs de Damas, d'Alep, de Hama, de Sephed ou Saphad, & de Tripoli. Dgemaleddin acoufch, furnommé el Aphram, qui étoit Circaffien & attaché à Bibars, s'empreffa de faire exécuter les ordres du Sulthan dans fon Gouvernement de Damas, mais quelques autres, ennemis fecrets des Circaffiens, demanderent à voir la lettre par laquelle Mohammed s'étoit démis de l'Empire. Lorfqu'on la leur eût montrée, ils dirent qu'il falloit prendre l'avis des Gouverneurs d'Alep, de Hama & de Tripoli. Alors les Emirs, Bibars el alaï, Bahadour aff, Acdgiabą & Baktimour fortirent du palais de Damas, & furent fuivis par un grand nombre d'autres. Ibegh qui avoit apporté les ordres, dit à Acoufch qu'il falloit arrêter Bahadour aff qui étoit le plus obftiné, parce qu'il y auroit une fédition; le Gouverneur ayant répondu qu'il craignoit tout de l'Emir Kaptchac, Gouverneur de Hama, il fit venir quelques jours après féparément les quatre Emirs, & leur dit : « Sçachez que tout eft terminé, & que celui qui eft » installé fur le trône d'Egypte doit en même tems régner dans ce pays; ainfi nous ne pouvons nous fouftraire » à fon obéiffance, fût-il un efclave Ethiopien. « Il les détermina enfin par fes careffes à prêter ferment.

Kaptchac, Gouverneur de Hama, & ceux d'Alep & de Tripoli furent au défefpoir que Mohammed eût abdiqué

l'Empire

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