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tiplié leurs befoins, & ces differens befoins ont produit de même un commerce nouveau. Ce n'eft pas qu'il n'y ait eu beaucoup de païs où cette premiere permutation foit toûjours reftée. Une Province d'Efpagne en- Baftetacore du tems de Strabon, ne trafi- nia. quoit pas autrement. Le même Au teur rapporte, que ceux de Dalmatie avoient cela de commun avec d'autres Nations barbares, qu'ils ne Strab. fe fervoient point de Monnoye en- P. 107. tr'eux. Tacite dit auffi la même chofe de quelques peuples d'Allemagne. Peut-être auffi a-t-il voulu parler des mêmes. Paufanias parlant de la maifon de Polydore Roy de Lacédémone dit fa femme l'ayant que vendue après la mort, des bœufs en furent le prix. Il ajoûte même que de fon tems les Relations des Indes marquoient qu'on ne fçavoit ce que c'était que de Monnoye*, quoiqu'il y eût tant d'or & d'airain. Ces Relations néanmoins étoient fauffes; car Philoftrate rapporte dans la vie d'Apollonius, que ces peuples du tems de ce Philofophe avoient des Monnoyes d'Oricalque ou d'Archal, com

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* νόμισμα δὲ ἐκ ἐπίσαθαι.

16 me

de alie

mio.

fibus

fcorteis.

me nous l'appellons, & de Bronze. Les Hiftoires de l'Amerique nous difent › qu'on ne commerce encore que par échange parmi les peuples. qui ont occupé depuis tant de fiécles ce vafte Continent. Et le fçavant Monfieur Scheffer dans fa Def-cription de la Laponnie, affûre qu'il n'y a pas un fiécle que cette Nation a la connoiffance & l'ufage de l'argent monnoyé.

Les premieres Monnoyes, avec beaucoup d'apparence, n'étoient pas de matiere exquife. C'eft de-là que Ludere vient ce proverbe Jouer du cuir no co- d'autrui; ou pour mieux dire, Faire quelque chofe aux dépens d'autrui 5 parce que la Monnoye a été de cuir originairement, ou d'autre matiere Ex af- auffi vile; témoin cette diftribution que Numa fit au Peuple de fons de cuir. L'étymologie que les Grammairiens ont donné au mot de pe-cunia, le juftifie encore; & peutêtre n'a-t-on mis des figures de Bœufs ou d'autres animaux fur les premieres Monnoyes d'airain, que pour marquer qu'elles étoient de même valeur que celles de cuir. Car les anciennes Monnoyes d'Athenes, dit Pollux, étoient même appellées du

nom

nom de Bœuf, d'où vient ce proverbe, Le Bouf a monté sur sa langue, lorfque quelqu'un fe taifoit gagné par argent.

Les plus anciennes donc fe diftinguoient plûtôt par leur nom & par leur groffeur, que par leur figure & leur métal. Mais les Nations venant à fe divifer leurs interêts fe font auffi partagez, & les métaux les plus précieux font devenus néceffaires, pour ainsi dire, pour les reconcilier. en quelque façon, ou pour entretenir du moins la communication qu'el-les doivent avoir naturellement en-femble. C'eft la défiance que les hom-mies ont eu les uns des autres, qui a imprimé tant de caracteres differens fur les métaux; car il eft cer-tain qu'ils ne fe figuroient point dansles commencemens : & les Monnoyes qu'ils s'en font forgées, ont été le fymbole de la bonne foi, dont chaque peuple fe vantoit en particulier. Enfin l'ambition étant cruë, les Etats augmentez, elles font tellement devenues le principe de leur mouvement & de leur entretien, que Solon leur donne un privilege & une fonction auffi excellente que celle des Loix, en les comparant

parant enfemble. * Les Monnoyes, dit ce Legiflateur, au rapport de Demofthenes contre Timocrate, font introduites pour l'avantage & la confervation particuliere des Citoyens: or les Loix font dans ce fens la Monnoye des Republiques.

A-mefure que les hommes ont appris à épurer les métaux, a mefure qu'ils ont appris à les féparer & à leur donner des noms, on a vû augmenter dans leur cœur l'envie de lespoffeder; foit que la corruption ou la néceffité leur ait infpiré ce penchant. L'experience qu'ils ont eu des fecours qu'on en a tiré, leur a fourni fans doute beaucoup de motifs pour le juftifier ou pour ne le pas combattre. Il y a long-tems qu'on a dit que ce penchant eft le reffort du monde, le but & la fin de toutes nos actions. Auflt, dit un Poëte Grec,

S - Dans le fiécle ou nous sommes L'argent eft en tous lieux l'ame & le fang des hommes.

Nôtre

* Αργύριον μὲν, νόμισμα είναι τῶν ἰδίων συναλλαγμάτων ἕνεκα,τοις ἰδιώταις εὕρη μένον. τοὺς δὲ νόμος ἡγεῖται τῆς πόλεως vóμioμα rival. Demofth, adverf, Timocrat. p. 80s. Edit. Francof. 1604.

5 τὸ ἀργύριον ἐστὶν αἷμα η ψυχὴ βροτοῖς.

Nôtre Proverbe, Qui perd fon argent', perd fon fang, en vient apparemment. L'éloquence & la béauté, felon Horace, fuivent ceux que les tréfors accompagnent:

* Celui que l'on croit riche eft aimable & fçavant.

On devient par-là le maître de fa fortune, dit Petrone,

§ Il conduit à fon gré le char de fa fortune.

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C'est ce qui fait tout obéir, c'est ce qui fait tout régner. Celui des deux freres Amulius & Numitor qui choifit pour fon partage les tréfors de fon Pere, en obtint bien - tôt la Couronne par le moyen des troupes qu'il leva.

C'est pourquoi Socrate, dans une de fes Lettres que Leo Allatius nous a donnée, en répondant à un Prince qui lui offroit des tréfors & le gouvernement de fon Royaume , pour

l'attirer

*Et bene nummatum decorat fuadela Venufs

que.

Fortunamque fuo temperat arbitrie.

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