Veyrier avoit un peu trop raccourci la figure d'Andromède en l'ébauchant, que néanmoins on y trouveroit les mêmes proportions que dans la Vénus de Médicis. A l'égard de Persée, ajoutat-il en riant, le coton qu'il a fur les joues marque plutôt fa tendre jeunesse qu'un áge plus avancé.

Louis XIV charmé des grouppes de Puget, voulut décider lequel méritoit la préférence; il fe déclara pour l'Andromède. Le Sculpteur ne fut pas du même avis. Il eft vrai, dit-il, que le marbre d'Andromède eft plus beau, mais la figure de Milon eft plus achevée.

Dans le temps qu'il fe difpofoit à fon voyage de Paris, la ville de Marfeille demanda au roi la permiffion de lui ériger une ftatue équeftre. Puget fut choisi pour ce magnifique ouvrage, dont il fit un modèle en cire; il s'occupa auffi des deffins de la Place-Royale. Il est fâcheux que ces beaux projets n'aient point eu d'exé

cution.

...En 1688, notre artifte fe rendit à Fontainebleau & fut préfenté au roi, qui lui répéta en présence de toute la cour les mêmes chofes qu'il avoit dites à fon fils, & lui fit préfent d'une médaille d'or avec ce revers, felicitas publica. Malgré cette gracieuse réception, Puget fut très-mécon

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tent du prix dont le miniftre avoit payé fes ouvrages. Après un féjour de fept ou huit mois à Paris, il reprit le chemin de Marseille. La jaloufie fut, dit-on, caufe en partie de fon départ. Le Brun, ce génie fi fécond, fi univerfel, donnoit alors tous les deffins des ftatues deftinées au roi. Comme il avoit trouvé cette foumiffion dans plufieurs habiles artistes, il voulut affujettir Puget à ne travailler que d'après fes idées ; mais celui-ci refufa de captiver ainfi fes talens. Le mérite fupérieur n'eft point incompatible avec une honnête fierté qui dédaigne la feconde place, lorfqu'elle a droit de prétendre à la première.

De retour à Marseille, Puget fit bâtir une maifon proche la porte de Rome, dans une vigné fituée fur une colline. On aperçoit d'abord une petite chapelle, dont la façade eft de marbre blanc, avec un portique & un dôme. Vous montez enfuite par un vignoble, jufqu'à un baffin entouré d'un fer à cheval qui conduit à la maifon. Elle n'a qu'un étage, & eft en forme d'un petit palais d'un très-bon goût. Puget avoit déjà élevé une autre maifon à l'entrée de la rue de Rome, fur le haut de laquelle eft placée une tête du Sauveur, & une troisième d'un goût fin

gulier

gulier à Toulon, près de l'Hôtel-de-Ville. On affure auffi qu'il a donné plufieurs deffins d'églife. Celle des Capucins de Marseille est de lui, jusqu'à la corniche feulement; l'église de la Charité de la même ville a été bâtie d'après fes plans, & achevée par fon fils.

Le portail des Chartreux réunit un air de grandeur à une noble fimplicité. Deux ordres d'architecture le compofent; le premier, qui eft ionique, forme un péristile orné de huit colonnes de front, à l'aplomb desquelles font autant de piédestaux destinés à recevoir des figures d'apôtres. Ce périftile a treize toifes quatre pieds & demi de long. L'ordre fupérieur qui n'a que huit toifes cinq pieds de largeur, est décoré de quatre pilaftres corinthiens, avec une grande fenêtre cintrée au milieu, & un fronton triangulaire couronne l'ouvrage. En qualité de peintre, notre artiste a orné l'églife de plufieurs morceaux de peinture, parmi lefquels on diftingue un faint Bruno.

La chapelle de S. Louis, roi de France, dans l'église de l'Annonciade à Gênes, est magnifique, & un de fes ouvrages.

Puget mit enfin la dernière main à fon basrelief d'Alexandre, & l'envoya à Paris; mais Tome II.

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fes ennemis eurent le crédit d'empêcher qu'il ne fût placé. Il eft encore aujourd'hui dans la falle des antiques au Louvre. Les curieux ne font pas moins admirateurs de fa beauté, qu'affligés du peu de cas qu'on a paru en faire. La manière dont le cheval d'Alexandre eft traité, fait juger que le Sculpteur avoit peu étudié cet

animal.

Son dernier ouvrage, qu'il n'a pu finir entièrement, eft un bas-relief de marbre, où la peste de Milan eft représentée d'une manière si touchante, qu'elle excite la pitié en même temps qu'elle infpire l'horreur. Ce morceau eft, dit-on, travaillé avec goût, mais il eft incorrect, mal deffiné, & fe reffent de la vieilleffe de l'artifte. Les intendans de la Santé à Marseille le confervent dans leur chapelle fituée à l'entrée du port.

Puget, épuisé de fatigues & de travail, mourut dans fa patrie, en 1694, âgé de foixantedouze ans. Marié deux fois, il avoit eu de fa première femme un fils appelé François, qui s'appliqua toute fa vie à peindre le portrait : dif ciple du Benedette, il mourut en 1707 à l'âge de cinquante ans. Pierre-Paul fon fils a vécu jusqu'en 1773, & a atteint fa quatre-vingt-qua torzième année.

Notre ftatuaire étoit d'un caractère impatient, brufque & colère. Faifant une figure à Versailles, des feigneurs qui le regardoient difoient leur avis à tort & à travers. Ces difcours l'impatien tèrent, il prit un cifeau & abatit le nez de fa ftatue. Ses confrères étoient obligés de changer de nom pour entrer chez lui. Coyzevox vint un jour le voir, fans fe faire connoître, avec un de fes amis. Celui-ci les reçut fort bien, mais l'ami eut l'imprudence d'appeler Coyzevox par fon nom. Puget auffi tôt le prend par les épaules & le met dehors. Quoi, lui dit-il, M. Coyzevox, un auffi habile homme vient voir travailler un igncrant comme moi !

Ce fameux artiste, digne rival de MichelAnge, travailloit avec une facilité qu'on pourroit appeler audacieuse. Ses opérations n'étoient souvent dirigées que par une maquette, un petit modèle. Il trouvoit au bout de fon outil les aplombs, les compas, les équerres; en un mor, les embarras de la manœuvre n'en étoient point pour lui. Ses contemporains affurent avoir vu une partie de fon Milon fort avancée, tandis que le refte n'étoit pas tout-à-fait dégroffi. Il animoit le marbre, & lui donnoit de la tendreffe; les plus dures pierres s'amolifoient fous