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Choix du

Bouc.

Belle Forêt commencent à jetter de nouvelles feuilles, ce bétail porte cinq mois. Jour 12. Les Chévres font renduës fecondes en Chévreaux par l'accouplement du Bouc, mais il faut que ce mâle foit bien choifi; & pour cela, on le prend d'une bonne corpulence, ayant les jambes groffes & courtjointées, le poil doux, uni & de couleur noire, parce qu'il eft plus robufte que le blanc, quoique ce dernier ne foit point mauvais quelquefois. Il aura les oreilles grandes & pendantes, & une barbe longue & des plus touffuës, la tête petite, le cou gros & tortu, l'oeil gay & le corps fort alerte.

Choix de

la Chévre,

Autre fentiment fur le temps que les

Chévres

doivent

faillir.

Quant à la Chévre, elle fera choifie de même, & l'on obfervera outre cela qu'elle ait une groffe mammelle, ou un pis fpacieux, pour parler en terme d'Agriculture, de maniere qu'elle en élargiffe les cuiffes en marchant. Il y a des Chévres & des Boucs qui ont des cornes, & d'autres qui n'en ont point; ces parties accidentelles ne contribuent en rien à leur bonté, ainfi que ce bétail en ait ou n'en ait point, cela eft indifferent. On en trouve de bons & de mauvais avec ces marques, comme lorsque ces cornes ne leur croiffent point.

De ce qu'il faut faire au Bouc aprés qu'il a failli les Chévres, & en quel temps les faire faillir.

Des qu'on a donné le Bouc aux Chévres, il faut les nourrir de foin

& de fon, on luy en fait prendre cinq ou fix gorgées de chacun, aprés la premiere faillie, puis on le redonne à la Chévre, & l'on continuë ainfi jufqu'à trois fois, puis on attache le Bouc, crainte qu'il ne s'affoibliffe, & ne s'énerve aprés la femelle, ayant encore befoin de fes forces pour s'accoupler avec d'autres. L'experience a fait voir qu'un Bouc pendant deux mois pouvoit fuffire à cent ou cent cinquante Chèvres. Un Bouc n'eft de bon fervice pour faillir les Chévres que trois années confecutives, à commencer à la fin de fa premiere année, fi bien que lorfqu'il a cinq ans, il n'eft plus propre qu'à engraiffer. Les femelles durent plus long-temps, elles font fecondes jufqu'à huit ans, & commencent à porter à deux.

Nous avons marqué le temps que les Chévres commençoient à entrer en chaleur, & jufqu'où cette chaleur duroit, mais il faut remarquer que plus ces femelles failliffent tard, plus elles ont de lait quand elles chévretent; parce qu'elles font leur Chévreaux en Mars où les herbes commencent à pouffer. Au lieu que lorfqu'ils ont le mâle plûtôt, elles nous donnent des petits en Février, où on eft obligé de les nourrir de fourage, qui a bien moins de fubftance; & comme dans la multiplication de de ces animaux on recherche plus le lait que leurs petits, on obfervera de ne faire chévreter les Chévres que paffe la my-Octobre.

Il y a des Auteurs fur l'Agriculture qui ne font pas d'accord fur le temps que nous avons dit qu'on devoit faire faillir les Chévres, ils prétendent qu'on peut manger des Chévreaux dés le mois de Decembre; c'est pourquoy, felon les cinq mois de temps que la nature donne aux Chévres pour mettre bas les Chévreaux, il faut qu'elles ayent failli environ le mois d'Août, & tout cela a de la vray-femblance, puifqu'on mange en effet

des

des Chévreaux à Noël. Ainfi de tous ces temps marquez on choifira lequel on voudra pour accoupler ces animaux; & fi l'on prend foin de bien nourrir les Chévres, qui auront chévreté en Hyver, elles feront toûjours abondantes en lait.

Les Chévres pour l'ordinaire ne font qu'un Chévreau d'une ventrée, Portée or on en voit cependant qui en donnent deux quelquefois, & la raifon de dinaire des cela, c'eft qu'il s'eft détaché deux oeufs de l'ovaire, qui font décendus dans Chèvres. la matrice de la Chévre, ou que dans un feul œuf il y ait eu deux foetus renfermez , ce qu'il n'eft pas extraordinaire de voir. Quelques Auteurs difent qu'il y a des Chévres qui en font jufqu'à trois, cela n'eft pas impoffible par les mêmes raifons qu'on vient d'apporter ; cela dépend de la nature qui fe jouë bien fouvent dans la génération des animaux, & non pas d'une fécondité que bien des gens de campagne croyent ordinaire à une Chévre, ce qui fait qu'ils confeillent pour le profit de la chair qu'on tire de ce bétail, de faire choix de femelles de ce temperamment, mais il ne faut quelquefois que la premiere ventrée pour les défabufer de leur

erreur.

Lors donc qu'une Chévre a donné deux Chévreaux, il faut pour ne point l'épuifer de lait en prendre un, & le faire alaiter par une autre Chévre qui n'aura point de petit, elle ne lui refusera point ce bon office; ces animaux en cela font d'un naturel fort docile, & nous l'experimentons tous les jours à l'égard des Chévres qu'on donne pour nourrice à des enfans, & qui vont d'elles-mêmes au berceau leur prefenter le tetin.

On peut traire les Chévres l'efpace de quatre ou cinq mois deux fois Profit du par jour, foir & matin; elles rendent par jour, quand elles font bonnes lait de Ché laitieres deux pintes de lait ; ce qui eft d'un revenu confiderable pour vre. ceux principalement qui en nourriffent beaucoup, fi l'on a égard auffi au peu de dépenfe qu'il faut faire pour les nourrir. On ne laiffe les Chévreaux fous leurs meres que quinze jours ou trois semaines qu'on les vend aux Rotiffeurs, aprés lequel temps on commence à les traire; s'il y a quelque femelle qu'on veuille garder pour en multiplier la race, on la laiffera teter deux mois, puis on l'envoira aux champs avec fa mere poury brouter ce qu'elle y trouvera ; ce qu'on dit icy regarde les lieux, où on n'éleve que tres-peu de Chévres & feulement pour avoir du lait pour aider à fuftenter la maifon, ainfi que cela fe pratiqué parmi les pauvres gens à la campagne, qui n'ont pas toujours le moyen de nourrir des Vaches.

Mais dans les pays où l'on voit beaucoup de ce bétail, & où le com- Utilité des merce en eft confiderable, tant par rapport au lait, dont on fait des fro- Boucs. mages, qu'au fujet des peaux de Bouc qu'on en tire pour differens ufages, on agit bien autrement qu'on ne vient de dire, le profit ne confifte pas en ces lieux à vendre les Chévreaux; s'il s'en débite quelques-uns, ce n'eft pas une affaire, mais on les laiffe tous croître en vue de garder les femelles pour le lait, & les mâles, qui font les Boucs, pour en avoir les peaux & la chair quand ils ont cinq ans, on les appelle Menons en certains endroits.

Et pour faire que ces Boucs foient de grand débit, on les châtre, & on n'en laiffe pour la multiplication de l'efpece que ce qu'on juge à pro

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dans les a

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pos en avoir befoin, & felon que nous avons dit, qu'il falloit de Chévres pour un Bouc. Ils croiffent bien mieux quand ils font châtrez que lorfqu'ils font entiers, & leur chair en a bien meilleur goût, parce qu'il fe fait dés lors en eux une entiere ceffation de cette exhalaifon Ou infpiration feminale d'odeur forte & comme puante, laquelle a coûtume de fe répandre dans toutes les parties du corps du Bouc, d'y augmenter la chaleur du fang, & des autres humeurs ; & enfin, d'y rendre les efprits animaux plus acres & plus vigoureux au lieu que lorfqu'on a ôté les tefticules aux Boucs, le fang en eft moins huileux & moins chaud, toute fa portion pour lors n'étant employée qu'à remplir les vaiffeaux, & enfuite appliquée & ajoutée aux parties en furabondance de nourriture qui engraiffe ce bétail.

Proprietez Quelques Médecins fe font avifez de défapprouver l'ufage de la chair de de la chair Chévre dans les alimens, à moins qu'elle ne foit jeune, parce, difent-ils, que de Chévre fans cela elle eft dure & difficile à digerer ; & que faire donc à la campagne, limens. quand les Chévres ont rendu du profit pendant quatre ou cinq ans, quoi les jetter, à la voirie ? on eft meilleur ménager que cela, le Domeftique s'en accommode fort bien, & la chair de cet animal qui fe digere tres bien dans l'estomac des gens de travail, les nourrit beaucoup, & les fortifie de

Effets du

Bouc.

même.

On rapporte à ce fujet, qu'un certain Athlete de Thebes avoit coûtume de fe nourrir de chair de Chévre, & qu'il furpaffoit en force tous les autres Athletes de fon temps. Il peut en arriver la meme chofe aux perfonnes qui en mangent, & qui font tres-robuftes; la Chévre eft un animal vif, agile, & leger, & qui par confequent contient beaucoup de principes exaltez, & qui peuvent communiquer à ceux qui en vivent des efprits tres-vifs & tres-actifs.

Le Bouc, quand il est châtré, & qu'il eft gras, fournit un aliment folide, & qui eft tres propre pour les gens qui travaillent beaucoup, on en fale, comme on a dit, pour la provifion de la maifon, la Chévre le fale auffi, elle n'eft pas à la vérité fi délicate.

Le Chévreau eft ce qu'il y a de meilleur dans les alimens; à l'égard de ce bétail, il faut qu'il foit fort jeune, qu'il ait deux mois, tetant encore, & qui n'ait point mangé d'herbes, fa chair nourrit beaucoup, fe digere aisement, & produit un aliment qui eft folide : à mesure que le Chévreau avance en âge, fa chair devient dure, mais elle trouve à la campagne des dents capables de la broyer, & des eftomacs pour la cuire. Le lait de Chévre fe caille affez aisément, c'est pourquoy on en fait de tres bons fromages en Languedoc & en Provence, de la maniere que Chévres, nous l'avons dit dans l'article des Fromages faits du lait de Vache. Il n'y ses effets. a rien autre chofe à y obferver: l'ufage qu on fait du lait de Chévre en Médecine eft affez commun, il convient aux perfonnes d'un temperamment humide, il eft un peu aftringent.

Profit du lait de

Suif &

Le fuif & la moüelle du Bouc font propres pour ramollir, pour réfoumoüelle de dre & pour adoucir, ils paffent auffi pour fortifier les nerfs.

Bouc, fes

vertus.

On fe fert de la fiente de Chévre pour réfoudre, déterger les playes, Fiente de les deffecher, & pour lever les obftructions des vifceres, étant prife in

terieurement; on l'applique auffi exterieurement pour réfoudre les tumeurs Chévre, fes froides, & pour les autres maladies où il faut atenuer les humeurs.

vertus.

On fait un cataplafme de fiel de Chévreau mêlé avec de la mie de Fiel de pain, des blancs d'oeufs, & de l'huile de laurier, & on l'applique fur le Chévreau, nombril pour guérir la fièvre quotidienne.

les vertus.

Sang de

Le fang de Bonc, tiré de fes tefticules ayant été deffeché au foleil, fifte au venin, excite les fueurs, les urines & les mois aux femmes; la Bouc, fes dofe eft depuis vingt grains jufqu'à deux dragmes prifes interieurement vertus, dans du vin blanc.

Maladies des Chèvres.

Uelques-uns difent avoir remarqué que les Chévres ne font jamais

Qlans fièvre, mais il faut dire que c'eft une fauffe opinion qu'on a

de ces animaux, dautant que fi cela étoit, la chair n'en feroit
pas fi faine,
& ne fe conferveroit pas fi bien qu'elle fait, car le fang qui fermente
continuellement, lorfqu'on a la fiévre, laiffe toûjours beaucoup d'humeurs
corrompues dans fa circulation.

Ce n'eft pas quelquefois que ces animaux ne puiffent être attaquez d'un mal, dont les fymptômes ne different point de ceux de la fièvre, & qu'on pourroit appeller, Fiévre putride, où peftilentielle, à caufe du grand dégât en peu de temps qu'elle caufe dans un troupeau.

Quand les Chévres font atteintes de ce inal, elles maigriffent en peu Fievre pefde temps, & quoiqu'elles foient fort alertes, on les voit tout d'un tilentielle. coup languiffantes & abatues & en meurent bien fouvent. On dit que ce mal leur vient par une trop grande abondance de pâturage qui les remplit de Colum. I. trop d'humeurs, & leur met trop le fang en mouvement.

C'est pourquoy lorfqu'on en voit quelques-unes dans un troupeau attaquées de ce mal, il faut les en feparer, & faigner tout le refte, ne les laiffer paître qu'une fois le jour, & les tenir de repos jufqu'à ce que le fang foit tranquille.

7.C. 7

L'Hydropifie eft une maladie à laquelle les Chévres font fujettes, on Hydropific reconnoît ce mal à l'enflûre qui leur furvient au ventre, par un amas d'eau qui s'y fait; & pour les en guérir on leur fait adroitement une ponction fous l'épaule, pour donner moyen à cette humeur de s'écouler par cette incifion; on met aprés cela un emplâtre de therebentine fur la plaïe.

Si aprés qu'une Chévre a mis bas, il luy furvenoit quelque enflûre à Matrice la matrice, ou que l'arrierefaix ne foit pas bien venu, prenez trois demi enfiée, ou feptiers de gros vin, ou moût cuit, & le faites aprés avaller à la Ché- arrierefaix vre; au defaut de ce moût, fervez-vous de vin rouge, il aura le même retenu. effet.

Le mal fec eft encore une maladie qui furvient aux Chévres, on appelle Mammelainfi ce mal, parce que les mammelles leur deffechent entierement, de les defle maniere qu'elles n'ont plus de lait ; les grandes chaleurs leur caufent cette chées. infirmité. Pour y remedier, on les laiffe un peu enfermées, on les nourrit à l'Etable de feuilles d'arbres ou de vigne, qu'on a foin de cueillir, & on leur frotte les mammelles de lait bien gras, ou pour le mieux avec de la crême. C cij

Il y a encore d'autres infirmitez dont elles font atteintes, & qu'elles ont de communes avec les Brebis, on y aura recours lorfqu'elles leur furviendront, elles en ont tous les fymptômes tant exterieurs qu'a

terieurs.

CHAPITRE XVI.

Qu'il n'y a rien qui apporte plus de profit à une Maison de Campagne qu'un Troupeau de Brebis & de Moutons. Manicre

de gouverner ce bétail: fes proprietez.

E n'eft pas d'aujourd'huy que l'experience nous fait voir, que les bêtes à laine font celles d'entre les beftiaux qui apportent le plus de profit à la campagne, tant à caufe de leur toifon & de leurs peaux, que de leur chair, de leur lait, de leur graiffe & de leur fumier. Nous détaillerons plus amplement ces avantages dans la fuite de ce Chapitre. Une Maifon de Campagne, une Ferme fans Brebis, et un corps fans ame. Le bétail à laine engraiffe la terre: il eft vray que dans les païs marécageux il ne faut pas fonger d'en nourrir, le Mouton aime marcher à fec, & paître fur des colines, ou dans des champs où l'eau ne féjourne pas long-temps. Les pâturages trop gras luy engendrent trop de mauvaises humeurs, il luy faut du ferpolet, & d'autres herbes odoriferantes qui naiffent fur les lieux élevez. Mais avant que de rien dire davantage de ce bétail, choififfons luy un Berger qui foit capable de le conduire avec affection & avec douceur, qui fache le garantir des loups, & le réveiller quelquefois au fon de fa mufette, puis aprés nous nous mettrons en devoir de chercher nôtre troupeau.

Comment il faut faire choix d'un Berger.

UN Berger, pour être bien choifi, doit avoir l'humeur pacifique, & fort pour fes Brebis; il doit être alerte; car ce bétail lui donne fouvent de la tablature, robufte pour fupporter toutes les intemperies de l'air, fidele, c'est à dire, qu'il ne faffe point tort à fon Maître en fon Troupeau en l'attribuant au Loup: il ne faut point qu'il foit yvrogne, blafphemateur ni corrompu. Tous ces vices font préjudiciables à ce bétail & le font négliger: ce n'eft pas qu'à la verité il ne foit fort difficile de trouver de ces gens groffiers exempts de ces défauts ; car fouvent, comme ils n'ont d'autre guide que la nature, il est rare qu'ils ne fe laiffent emporter à tout ce qu'il y a de plus mauvais. Un Berger peut conduire cent Moutons ou Brebis, & méme cent cinquante. Si on luy donne un petit garçon pour l'aider, le Troupeau n'en fera que mieux conduit.

Nous ne fommes plus dans ces premiers temps, où l'innocence regnoit parmi les Bergers, où ce n'étoit que fimplicitè & que douceur, & où ils faifoient tout leurs plaifirs d'avoir inceffamment l'oeil fur leurs Trou

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