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par les fuffrages de l'Affemblée, « je demande que fuivant que vous«, en êtes convenu dans le Sénat, « vous renfermiez toute votre ac- «> cufation dans le feul chef du cri-« me de tyrannie, & que vous en « fourniffiez les preuves & les té- u moins. Car, ajouta ce Conful, à « l'égard des difcours qu'il a tenus. «e. en opinant dans nos Affemblées, co outre que vous n'avez pas droit d'en connoître, le Sénat l'en a « déchargé. Pour juftifier ce qu'il e avançoit, illut tout haut le Sénatus-Confulte qui en faifoit mention: il defcendit enfuite de la Tribune, & ce fut tout le fecoursque cet illuftre Accusé tira de la timide politique du Sénat.

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Sicinius prit la parole, & repréfenta au Peuple qu'il y avoit longtemps que Coriolan defcendu des Rois de Rome, cherchoit à fe faire tyran de fa patrie. Que fa naiffance, fon courage, ce grand nom bre de partifans qu'on pouvoit ap peller fes premiers fujets, ne de voient le rendre que trop fufpect. Qu'on ne pouvoit trop craindre que eerte valeur tant yantée par

les Patriciens ne devînt perni cieuse à fes concitoyens. Qu'il étoit même déja trop criminel dès qu'il s'étoit rendu fufpect & redoutable. Qu'en matiere de Gouver nement, le feul foupçon d'affecter la tyrannie étoit un crime qui méritoit la mort ou du moins l'exil. Sicinius ne voulut pas s'expliquer plus ouvertement avant qu'il eût entendu Coriolan dans fes défenfes, afin de tourner dans une réplique tout le fort de l'accufation contre les endroits moins défendus artifice dont il étoit convenu avec Decius qui devoit parler à fon tour dans cette affaire.

Coriolan fe préfenta enfuite dans l'Affemblée avec un courage digne d'une meilleur fortune, & il n'oppofa aux foupçons que le Tribun avoit voulu répandre avec tant de malignité fur fa conduite, que le fimple récit de fes fervices. Il commença par fes premieres campagnes ; il rapporta toutes les occafions où il s'étoit trouvé, , les bleffures qu'il avoit reçûës les récompenfes militaires dont fes Generaux l'avoient honoré, & enfin

les differens grades de la milice par où il avoit passé. Il expofa à la vûë de tout le peuple un grand nombre de differentes Couronnes qu'il avoit reçûes, foit pour être monté le premier fur la breche dans un affaut, foit pour avoir forcé le premier le camp ennemi, foit enfin pour avoir en differens combats fauvé la vie à un grand nombre de citoyens. Il les appella tout haut chacun par leursnoms & il les cita comme témoins de ce qu'il avançoit. Ces hommes la plûpart Plébeïens fe leverent auffitôt, & rendirent un témoignage public des obligations qu'ils lui avoient. Nous l'avons vû plufieurs fois, s'écrioient-ils, per-«< cer lui feul les bataillons enne- «<< mis les plus ferrez, pour fauver « un citoyen accablé par la foule « des ennemis. C'est par lui feul« que nous vivons, & que nous « nous trouvons aujourd'hui dans « notre patrie, & dans le fein de « nos familles. On lui fait un crime < de notre reconnoiffance; on ac-< cufe ce grand homme & cet excellent citoyen de mauvais def

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» feins, parce que ceux à qui il a » fauvé la vie s'attachent à fa fuite » comme fes Cliens. Pouvons» nous en ufer autrement fans ingratitude? Nous eft-il permis » d'avoir des interêts féparez des » fiens? Si vous ne demandez qu'» une amende, nous offrons tous » nos biens: fi vous l'exilez, nous » nous banniffons avec lui: & fi » la fureur opiniâtre de fes enne» mis en veut à fa vie, qu'on pren"ne plutôt les nôtres. C'eft fon » bien par le plus jufte de tous les » titres: nous ne ferons que lui» rendre ce que chacun de nous. »tient de fa valeur, & nous con» ferverons un excellent citoyen » à la République.

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› Ces genereux Plébéïens en prononçant ces paroles verfoient des larmes en abondance; tendoient les mains vers l'Affemblée en forme de fupplians, & tâchoient de fléchir la multitude. Pour lors Coriolan déchirant fa Robe,montra fon eftomac couvert des cicatrices d'un grand nombre de blef fures qu'il avoit reçûës »C'est pour fauver ces gens de bien, dit-il,

c'eft pour arracher ces bons ci- « toyens à nos ennemis que j'ai « mille fois exposé ma vie. Que les «< Tribuns allient s'ils le peuvent «< de pareilles actions avec les def« feins perfides dont ils me veulent « rendre fufpect. Eft-il vraisembla « ble qu'un ennemi du peuple fe « fût exposé à tant de périls dans « la guerre pour le falut de ce « même peuple qu'on dit qu'il veut « faire périr dans la paix.

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Ce difcours foutenu d'un air noble, & de cette confiance que donnent l'innocence & la verité. fit honte au peuple de fon animofité. Les plus honnêtes gens de cet Ordre s'écrierent qu'il falloit renvoyer abfous un fi bon citoyen. Mais le Tribun Decius allarmé de ce changement, prenant la parole comme il en étoit convenu avec

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Sicinius fon Collegue : » Quoi que le Sénat ne nous permette «< pas, dit-il, dit-il, de prouver les mau-« vais deffeins de cet ennemi du peuple par les difcours odieux « qu'il a tenus en plein Sénat, d'au- « tres preuves auffi effentielles ne «< nous manqueront pas. Je rapport"

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