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ad Julian.

Je crois que l'exercice du cerceau étoit divifé en deux efpéces, tant parmi les Grecs que parmi les Romains, & que la premiére s'appelloit cricelafia, de deux mots Grecs qui fignifientAgitation du cerceau.* Suivant le témoignage Lib. Collect. vI. d'Oribafe, celui qui devoit faire cet exercice, prenoit un grand cercle autour duquel rouloient plufieurs anneaux, & dont la hauteur alloit jufqu'à l'eftomach. Il l'agitoit par le moyen d'une baguette de fer à manche de bois. Il ne le faifoit pas rouler fur la terre, car les anneaux inférés dans la circonférence ne l'auroient pas permis: mais il l'élevoit en l'air, & le faifoit tourner au - deffus de fa tête en le dirigeant avec fa baguette. Voilà pourquoi Oribase dit qu'on n'agitoit pas le cerceau fuivant fa hauteur, mais tranfverfalement.

Le mouvement communiqué au cerceau étoit quelquefois très-rapide, & alors on n'entendoit pas le bruit des anneaux qui rouloient dans la circonférence. D'autres fois on l'agitoit avec moins de violence, afin que le fon des petits anneaux produisît dans l'ame un plaifir qui procurât un agréable délaffement. Cette réflexion d'Oribase nous apprend que le jeu du cerceau étoit regardé comme un exercice capable de contribuer à la fanté du corps. Il y en avoit une feconde espéce, dans laquelle, au lieu de fe fervir d'un grand cercle, on en employoit un beaucoup plus petit, & pareil à celui que j'ai fait graver. Il me paroît que c'eft proprement le trochus des Grecs & des Romains. Conviv. p. 876. Xénophon nous en apprend l'usage en parlant d'une Danfeufe qui prenoit à la main douze de ces cerceaux, les jettoit en l'air, & les recevoit en dansant au fon d'une Aûte. Il n'eft point parlé dans ce paffage des petits anneaux inférés dans la circonférence du trochus; mais il en eft fait mention dans plufieurs épigrammes de Martial, & entr'autres dans celle-ci.

édit. de 1625.

* Keixinaría: de xeix que l'on a dit par métathèse pour xipx, cercle; & de inaría, agitation,

Garrulus in laxo cur annulus orbe vagatur,

Cedat ut argutis obvia turba trochis?

Les deux efpéces de cerceaux dont je viens de parler ne différoient entr'eux que par la grandeur. On les diftingue avec peine, quand ils font fimplement représentés fur les bas-reliefs. Mercurialis en a fait graver un dont Ligorius lui avoit envoyé le dessein, d'après un monument élevé en l'honneur d'un Comédien. La circonférence eft chargée de huit anneaux, à l'un defquels eft attachée une fonnette,& outre cela de neuf fiches ou chevilles, qui fort lâches dans leurs trous augmentoient le bruit des anneaux, & produifoient le même fon que les baguettes qui traversoient les fiftres. Sur un tombeau gravé dans le Recueil de Pietro Santi Bartoli, on voit un autre cerceau à-peu-près femblable à celui que je viens de décrire. Il a des anneaux, des chevilles, & de plus un oifeau qui paroît y être attaché: fingularité qui ne donneroit lieu qu'à des conjectures bien vagues. Je n'examine pas fi les deux cerceaux indiqués par ces monumens doivent être mis dans la premiére claffe, ou dans la feconde. Il me fuffit d'obferver que celui que j'ai fait graver est d'une très-belle confervation, & peut-être le feul qui foit parvenu jufqu'à notre temps. Comment l'a-t-on laiffé fortir de Rome, fans l'avoir au moins publié ?

No. III.

CE vase a dix pouces de hauteur: fon anfe furmonte sa forme d'environ deux pouces, & fon plus grand diamétre est d'un peu plus de cinq pouces. La belle forme de ce morceau m'a engagé à le placer dans ce Recueil, quoique l'on puiffe ne le pas regarder comme antique. Mais les Antiquaires les plus fcrupuleux ayant fait graver des monumens d'après des copies deffinées, j'ai crû qu'on ne me fçauroit pas mauvais gré de rapporter une chofe moulée fur l'antique. Je fçai même que plusieurs grands Artistes, tels

Lib. XIV. Epig.

CLXIX.

par

que Polydore, Perrin del Vague, Jérôme de Carpi, Batista Franco, &c. pleins d'eftime pour le bel antique, ont deffiné beaucoup de ces fortes de vafes, & qu'ils peuvent avoir donné le trait de celui-ci, dont l'anfe & l'évasement laissent quelque chofe à défirer. Cependant je ne déciderai point cette queftion affez peu importante, mais difficile le peu d'ornemens de ce morceau, qui n'eft que de terre recouverte d'un vernis jaspé de blanc & de noir. Le lieu où il a été fabriqué ou moulé mérite qu'il en foit fait mention, & j'efpère qu'on fera bien aife d'apprendre les petits détails fuivans. Il n'eft pas douteux que ce vafe ne foit forti de la manufacture qui s'étoit établie à Urbin ou à Faënza fur la fin du XV. fiécle, & dont la matiére prit le nom de la derniére de ces deux villes, parce que ce fut le lieu où l'on exécuta pour la premiére fois ces vafes & ces plats en terre verniffée & coloriée. L'ufage même en devint très-commun. Raphaël, par amour pour le lieu de fa naiffance, & par intérêt pour un établissement à la tête duquel étoit un de fes parens, engagea vraisemblablement tous fes éléves à donner des deffeins pour les ouvrages de cette manufacture. Ils continuérent d'en envoyer longtemps même après la mort de ce grand Artifte, qui peut-être en a fourni lui-même quelques-uns; mais ni lui ni fes éléves n'ont jamais eu d'autre part à ces ouvrages. Les deffeins dont je viens de parler furent peints par ouvriers qui n'avoient point d'autre métier. On ne reconnoît que trop leur peu d'intelligence, & la médiocrité de leur talent, aux incorrections de tous les genres que l'on remarque aifément dans ces fortes de fayences. Ce feroit faire tort à la réputation de Raphaël, & à celle de son école, que de mettre fur leur compte l'exécution d'ouvrages aufli imparfaits par rapport à la peinture; car pour les formes il étoit moins ailé de s'écarter de celles que ces habiles gens leur traçoient, & c'eft-là précisément ce qui rend ces vafes précieux. Il s'en trouve de meryeilleufement

des

beaux. J'en ai vû plufieurs qui me feroient croire que non contens des deffeins fournis par les meilleurs Peintres d'alors, les Maîtres de la manufacture d'Urbin prenoient encore des vases antiques pour modéles, ou les faifoient mouler. Celui-ci eft fans doute de ce nombre. J'ai vû auffi quelques morceaux de cette même manufacture enrichis d'arabesques d'une excellente maniére, dans le goût de ces ornemens en ufage chez les Romains, & que Jean da Udiné a principalement fait revivre. Les peintures de ce genre font, à mon gré, celles de toutes qui ont le mieux réussi dans la manufacture d'Urbin. Enfin ces ouvra→ ges fe répandirent dans toute l'Europe; & ceux qui fubfiftent encore font admis aujourd'hui dans de riches cabinets, dont ils font un des plus beaux ornemens. Il faut cependant convenir qu'ils demandent beaucoup de choix. La découverte de la Chine se fit lorsque cet établissement étoit dans fa plus grande force, & le commerce répandit la porcelaine. On oublia alors ce qui fe fabriquoit en Europe pour le même usage; & loin de chercher à perfectionner fes propres ouvrages, on se livra à la recherche de ceux en qui fe rencontroient fur-tout la beauté de la matiére, l'éclat des couleurs, & la délicateffe du travail. Non-feulement on ne fut pas rebuté par le mauvais goût de leur forme, mais ce mauvais goût prévalut; & bientôt on n'imagina plus qu'il fût poffible d'avoir, pour l'usage & pour l'ornement, d'autres morceaux que ceux qui venoient de la Chine ou du Japon. La médiocrité de leur prix contribua beaucoup encore à les faire réuffir. Il ne fut plus queftion de ce qui s'étoit fait jufqu'alors en Italie : les fabriques tombérent, & ne fe font plus relevées.

Les anecdotes que l'on vient de lire doivent intéresser les Curieux, parce qu'elles ont un rapport direct à plufieurs parties des Arts, & qu'elles font une espèce de fuite les ouvrages de ce genre. En effet, les terres cuites, la couverte des Egyptiens, les travaux des Etrufques, la

pour

fayence, enfin la porcelaine, complettent en quelque façon
ce qui nous eft connu dans cette matiére. Il eft même à
propos de faire de pareilles obfervations dans un tempsoù
I't urope, à qui la fabrique de la porcelaine ne fçauroit plus
échapper, paroît difpofée à s'en occuper plus que jamais,
& à ne négliger ni les bonnes formes, ni l'étude des orne-
mens qui conviennent à chaque chofe. Il eft d'ailleurs fi
important de joindre la beauté de l'exécution à l'éclat & à
perfection de la matiére, que les Directeurs de ces manu-
factures redoubleront fans doute leurs efforts pour y par-
venir, en se souvenant néanmoins que la couverte qui
amollit les vives-arêtes, ne permettra jamais à cette matière
l'exécution précise d'aucune figure, dont la vûe puiffe
procurer une entiére fatisfaction. Il en eft de même des
miniatures & des petits tableaux avec des fonds de ciel,
dont l'expreffion ne fçauroit être parfaite. L'émulation
anime considérablement nos Artistes; & il y a lieu de croire
que
la manufacture de Vincennes, protégée par le Roi,
fervira bientôt de modéle à toute l'Europe. La perfection
de la matiére, la fageffe des formes, les recherches fça-
vantes fur les couleurs, la belle façon de travailler, &
l'imitation furprenante des fleurs font de grands préjugés
pour avancer, que fi les ouvrages de la Chine ont fait
tomber autrefois ceux de l'Europe, celle-ci s'en vengera en
produifant des morceaux dans le même genre infiniment
au-deffus.

PLANCHE LXXXII.

N. I.

CE monument eft fans doute le même que celui que le P. Bonanni a fait graver dans le Museum Kircherianum, PL. II. & qui avoit été trouvé à Rome au commencement de ce fiécle. M. Crozat l'avoit apporté d'Italie, & c'eft depuis fa mort que j'en ai fait l'acquisition. Il faut qu'on l'ait caffé

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