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LE

ROI DE COCAGNE,

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente le pays de Cocagne.

SCÈNE I.

ALQUIF, PHILANDRE, LUCELLE, ZACORINĮ (

GUILLOT.

PHILANDRE.

ENFIN, après avoir traversé tant de mers,
Essuyé tour à tour mille périls divers,
De tant de fiers géants combattu la puissance,
Nous sommes arrivés dans ce lieu de plaisance.
C'est par vous, sage Alquif, divin magicien..

ALQUIF.

Sans moi votre valeur ne vous servoit de rien.
J'ai su calmer les flots, dissiper les tempêtes
Qu'un démon malfaisant déchaînoit sur vos têtes.
Je vous ai conservé, me voilà satisfait.

PHILANDRE.

Qui pourra yous payer d'un si rare bienfait?

ALQUIF.

Le plaisir d'avoir pu vous rendre ce service.
Votre bras vous a su tirer du précipice,
Où ces maudits géants vous avoient entraîné,
Mais enfin sur la mer le courage est borné;
La valeur ne met point à l'abri d'un orage.
Mon art seul vous pouvoit garantir du naufrage,
Il l'a fait; et le prix de ce puissant secours
Je le trouve à pouvoir couronner vos amours:
Vivez heureux, Philandre, avec votre Lucelle,
Elle toujours constante, et vous toujours fidèle.
Dans cette île goûtez les plaisirs les plus doux.

ZACORIN.'

Oui, mais par parenthèse, en quels lieux sommes-nous ? J'ai vu de beaux châteaux, une belle campagne.

ALQUIT.

Vous êtes, mes amis, au pays de Cocagne.

ZACORIN.

Au pays de Cocagne! allons vite manger,
Dans quelque bon endroit cherchons à nous loger.

GUILLOT.

Oui, morgué! c'est bien dit, cherchons notre pitance; Je crevons tous de faim.

ALQUIF.

Un peu de patience,

ZACORIN.

Depuis près de deux jours je n'ai mangé ni bu:
Mon estomac en gronde, et veut être repu.

PHILANDRE.

Sommes-nous mieux que vous?

GUILLOT.

Vous nous la baillez belle.

Votre amour vous nourrit avec votre Lucelle.

PHILANDRE.

Comment?

ZACORIN.

Il a raison; dans tous vos déplaisirs,

Vous avalez des pleurs, vous gobez des soupirs,
Vous croquez des baisers, et dans tout le voyage...
Mais que demande ici ce grotesque visage?

Voyons.

PHILANDRE.

SCÈNE II.

ALQUIF, PHILANDRE, LUCELLE, BOMBANCE,

ZACORIN, GUILLOT.

BOMBANCE.

JE viens savoir qui vous amène ici.

ZACORIN.

La faim, et le plaisir de vous y voir aussi.

BOMBANCE.

Vous êtes bien tombés, nous vous ferons grand'chère; Quelles gens êtes-vous ? il ne me faut rien taire.

PHILANDRE.

Je fais profession de chevalier errant.
Ayant pour cette dame eu quelque différent,
Et dans l'occasion embrassé sa querelle,
Je me suis vu contraint de partir avec elle.
Après bien des périls, un destin plus heureux
Nous a conduits enfin dans ces aimables lieux.

BOMBANCE.

Vous ne pouviez choisir un séjour plus tranquille.
Le roi sera ravi de vous donner asile.

Il le faut avouer, ma foi, c'est un bon roi,
Joyeux, de bonne humeur, à peu près comme moi.

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Et ce qu'on entend dire

'De ce charmant pays, est-ce une vérité?

BOMBANCE.

Oui, l'on le peut nommer un séjour enchanté,
Et je doute qu'au monde il en soit un semblable

ZACORIN.

Est-il vrai qu'on y passe et jour et nuit à table,
Qu'on y marche en tout temps sans crainte des voleurs,
Qu'on n'y souffre avocats, sergents ni procureurs,
Que l'on n'y plaide point, qu'on n'y fait point la guerre
Que sans y rien semer tout vient dessus la terre,
Que le travail consiste à former des souhaits,
Que l'on y rajeunit, et que de nouveaux traits..

BOMBANCE.

Il n'est rien de plus vrai, mais prêtez-moi l'oreille.
Je vais vous raconter merveille sur merveille.
Quand on veut s'habiller, on va dans les forêts,
Où l'on trouve à choisir des vêtements tout prêts:
Veut-on manger? les mets sont épars dans nos plaines,
Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines,

Les fruits naissent confits dans toutes les saisons.
Les chevaux tout sellés entrent dans nos maisons.
Le pigeonneau farci, l'alouette rôtie,

Nous tombent ici bas du ciel comme la pluie.

Dès qu'on ouvre la bouche, un morceau succulent..

ZACORIN.

Ma foi, j'ai beau l'ouvrir, il n'y vient que du vent.

BOMBANCE.

L'heure n'est pas venue,

attends que le roi dîne.

ZACORIN.

Ils sont long-temps-là-haut à faire la cuisine.
En attendant le roi, ne nous pourriez-vous pas
Faire pleuvoir toujours ici deux du trois plats?

BOMBANCE,

Il n'est pas encor temps : le peuple élémentaire,
Qui sans se faire voir met ses soins à nous plaire,
A son heure réglée à travailler pour nous.

PHILANDRE.

Un peuple élémentaire a commerce avec vous?
Et quel est-il ce peuple?

BOMBANCE.

Un peuple ami des hommes; Les Sylphes, les Undains, les Salmandres, les Gnomes.

LUCELLE.

Comment! vous prétendez que dans chaque élément Il soit un peuple?

BOMBANCE.

Oui.

ZACORIN.

Quoi! dans l'air?

Théâtre. Com. en vers. 4.

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