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s'en convaincre il n'y a qu'à lire les Anciens, & fur-tout Paufanias, qui s'eft particulierement attaché à les décrire, &c qui en parle prefque à chaque page de fon Voyage de la

Grece.

Parmi tant de Temples, Vitruve en admiroit fur-tout qua tre, qui étoient bâtis de marbre, &. enrichis de fi beaux or nemens, qu'ils faifoient l'admiration des plus habiles connoiffeurs, & étoient devenus la regle & le modele des bâtimens dans les trois ordres d'Architecture, le Dorien, l'Ionien, & le Corinthien. Le premier de ces beaux ouvrages étoit le Temple de Diane à Ephefe, dont on vient de voir la defcription. Le fecond celui d'Apollon dans la ville de Milet, l'un & l'autre d'ordre Ionique. Ce celebre Architecte mettoit dans le troifiéme rang le Temple d'Eléufis bâti en l'honneur de Cerès & de Proferpine, qu'I&tinus fit d'ordre Dorique, d'une si vaste étendue qu'il étoit capable de contenir trente mille perfonnes; car il s'en trouvoit du moins autant, & fouvent plus, à la célébration des Myfteres de ces deux Déeffes (1). D'abord, remarque Vitruve, ce Temple étoit fans colonnes au dehors, pour laiffer plus de place & de liberté aux cérémonies religieufes qui fe prati- L.9. p. 365. quoient dans les Sacrifices; mais Philon dans la fuite y ajoûta un Portique magnifique. Le quatrième étoit le Temple de Jupiter Olympien à Athenes, d'ordre Corinthien. Il avoir été commencé d'abord par les foins de Pififtrate; mais les troubles qui fuivirent fa mort, laifferent pendant près de trois cens ans l'ouvrage imparfait, jufqu'à ce qu'enfin Antiochus Epiphane Roi de Syrie, fe chargea de faire la dépenfe néceffaire pour achever la Nef, qui étoit fort vafte, & pour les colonnes du Portique. Coffutius, Citoyen Romain, habile Architecte, fut choifi pour exécuter ce grand ouvrage; & il y réuffit fi bien, qu'il y eut peu d'édifices qui l'égalaffent en grandeur & en magnificence.

Pour fuivre le deffein que je me fuis propofé, je choisis deux de ces Temples, celui de Jupiter Olympien, & celui d'Apollon à Delphes, qui étoient les deux plus magnifi

ques.

(1) Voyez Herod. L. 8. c. 65. & Strab.

Le premier, felon Paufanias (2), & la Statue de Jupiter (2) In Eliac. qu'on y admiroit, étoient le fruit des dépouilles que les

Eléens avoient remportées fur les Pifans & leurs Alliés, Iorfqu'ils faccagerent la ville de Pife. Ce Temple, dont Libon originaire du pays avoit été l'Architecte, étoit d'ordre. Dorique, & tout environné de colonnes par dehors, enforte que la place où il étoit bâti formoit un fuperbe Peristyle. On avoit employé à cet édifice des pierres du pays, mais qui étoient d'une nature & d'une beauté finguliere. La hauteur de ce Temple, depuis le rez de chauffée jufqu'à fa couverture, étoit de foixante & huit pieds, fa largeur de quatre-vingt quinze, & fa longueur de deux cens trente. La couverture étoit non de tuiles, mais d'un beau marbre tiré du Mont Pentelique, & taillé en tuiles. Du milieu de la voute pendoit une Victoire de bronze doré, & au-deffous de cette Statue étoit un bouclier d'or, fur lequel on voyoit la tête de Meduse; & aux deux extremités de la même voûte étoient auffi fufpendues deux chaudieres dorées. Par dehors, au-deffus des colonnes, regnoit autour du Temple un cordon, auquel étoient attachés vingt & un boucliers dorés, confacrés à Jupiter par Mummius, après le fac de Corinthe. Sur le fronton de devant étoit représenté avec un art infini, le combat de Pelops avec Enomaüs, & Jupiter au milieu. Enomaüs & fa femme Sterope, une des filles d'Atlas, le char à quatre chevaux, & Myrtil l'Ecuyer de ce Prince, étoient à la droite du Dieu; Pelops, Hippodamie, & l'Ecuyer avec fes chevaux, occupoient la gauche. Toutes ces figures étoient d'un Peonien, originaire de Thrace. Le fronton de derriere, ouvrage d'Alcamene, le meilleur Statuaire de fon temps, après Phidias, repréfentoit le combat des Centaures, & des Lapithes, à l'occasion des nôces de Pirithous. Une grande partie des travaux d'Hercule étoit fculptée dans l'interieur de cet édifice ; & fur les portes qui étoient toutes d'airain, on remarquoit entre autres chofes, la chaffe du Sanglier d'Erymanthe, & les explois du même Hercule contre Diomede: Roi de Thrace, contre Geryon,, &c. Enfin, car on ne peut pas tout détailler, il y avoit deux rangs de colonnes qui foutenoiens deux galeries fort exhauffées, fous lefquelles on paffoit pour arriver au Trône de Jupiter.

Ce Trône & la Statue du Dieu étoient le chef-d'œuvre

de Phidias, & l'Antiquité n'offroit rien de fi magnifique, ni d'auffi parfait. La Statue d'une immenfe hauteur, étoit d'or & d'yvoire, fi artiftement mêlés qu'on ne pouvoit la regarder fans être frappé d'étonnement. Ce Dieu portoit fur la tête une couronne qui imitoit parfaitement la feuille d'olivier, & tenoit à fa main droite une Victoire, auffi d'or & d'yvoire, & de la gauche un Sceptre d'une extrême délicateffe, & où reluifoient toutes fortes de métaux, qui foûtenoit une Aigle. La chauffure & le manteau du Dieu étoient d'or, & fur le manteau étoient gravés toutes fortes d'animaux & de fleurs. Le Trône étoit tout brillant d'or & de pierres précieuses. L'yvoire & l'ébene, les animaux qui y étoient représentés, & plufieurs autres ornemens y faifoient par leur mêlange, une agréable varieté. Aux quatre coins de ce Trône étoient quatre Victoires, qui fembloient fe donner la main pour danfer, fans parler de deux autres qui étoient aux pieds de Jupiter. Les pieds du Trône, du côté du devant, étoient ornés. de Sphinx, qui arrachoient de tendres enfans du fein des Thebaïdes ; & au-deffous on voyoit Apollon & Diane qui tuoient à coups de fleches les enfans de Niobé. Quatre traverses qui étoient aux pieds du même Trône, & qui alloient d'un bout à l'autre, étoient ornées d'une infinité de figures d'une extrême beauté; fur une étoient représentés sept vainqueurs aux jeux Olympiques; on voyoit fur une autre Hercule prêt à combattre contre les Amazones, & le nombre des combattans de part & d'autre étoit de vingt-neuf. Outre les pieds du Trône, il y avoit encore des colonnes qui le foutenoient. Enfin une grande baluftrade, peinte & ornée de figures, enfermoit tout l'ouvrage. Panenus, habile Peintre de ce temps-là, y avoit repréfenté avec un art infini, Atlas qui foutient le ciel fur fes épaules, & Hercule qui femble prêt à fe charger de ce fardeau, Thefée & Pirithous, le combat d'Hercule contre le Lion de Nemée, l'attentat d'Ajax fur Caffandre, Hippodamie avec fa mere, Promethée enchaîné, & mille autres fujets de l'Hiftoire fabuleufe. A l'endroit le plus élevé du Trône, au-deffus de la tête du Dieu, étoient les Graces & les Heures, les unes & les autres au nombre de trois. Le pied-d'eftal, qui foutenoit toute cette maffe,

étoit auffi orné que le refte. Phidias y avoit gravé fur or, d'un côté le Soleil conduifant fon char, de l'autre Jupiter & Junon, les Graces, Mercure, & Vefta. Venus y paroiffoit fortir du fein de la mer, & être reçue par l'Amour, pendant que Pitho, ou la Déeffe de la perfuafion, lui préfentoit une couronne. Apollon & Diane n'avoient pas été oubliés fur ce bas-relief, non-plus que Minerve & Hercule. On remarquoit au bas de ce pied-d'eftal Amphitrite & Neptune, & Diane ou la Lune qui paroiffoit galoper fur un cheval. Enfin un voile de laine, teint en pourpre & brodé magnifiquement, préfent du Roi Antiochus, pendoit du haut jufqu'en bas. Je ne dis rien des autres ornemens de ce fuperbe édifice, ni du pavé qui étoit du plus beau marbre, ni des préfens que plufieurs Princes y avoient confacrés, ni du nombre infini de Statues qui y étoient, ainsi qu'aux environs. On peut fur tout cela confulter Paufanias, qui m'a fourni cette defcription. J'ajoûte feulement que pour juger de la grandeur de la Statue de Jupiter, fur laquelle les Anciens ne font pas d'accord, il fuffit d'obferver que le Trône & la Statue alloient depuis le pavé jufqu'à la voûte, dont j'ai marqué l'élevation. On n'aura pas de peine à avouer qu'un pareil ouvrage, d'une fi vafte étendue, d'une élevation fi confiderable, où l'or mêlé avec l'ébene & l'yvoire jettoit un grand éclat, où l'on voyoit tant de figures, de bas-reliefs & de peintures, le tout de la main des plus grands Maîtres, devoit faire un effet bien agréable fur ceux qui entroient dans le Temple. N'oublions pas de dire que cet édifice étoit d'ordre Dorique, le plus ancien de tous les ordres d'Architecture, & celui en même temps qui convient le mieux aux grands ouvrages.

Temple d'Apollon à Delphes.

Si le Temple d'Apollon à Delphes n'étoit pas auffi magnifique, pour fa ftructure, que celui que je viens de décrire, il étoit beaucoup plus riche par les préfens immenfes qu'on y avoit envoyés de toutes parts. Je dis plus riche, fi toutefois on peut eftimer le chef-d'oeuvre de Phidias. D'abord le Temple de Delphes fut très-peu confidérable. Une caverne, d'où fortoient quelques exhalaisons, qui donnoient de la vivacité

& de l'enthousiasme à ceux qui s'en approchoient, ayant fait croire qu'il y avoit quelque chofe de divin, on établit un Oracle en cet endroit, comme je l'expliquerai dans un plus grand détail, en parlant des Oracles (1). Le concours qu'at (1) Voyez tira cette prétendue merveille, obligea les habitans du voi- le Chap. 16. finage à confacrer ce lieu, & on y bâtit d'abord une Chapelle, ou plûtôt une Cabane faite de branches de laurier. On dit, ajoûte Paufanias (2), que des abeilles y éleverent une (2) In Phoɑ feconde Chapelle qui étoit de cire, & qu'Apollon l'envoya aux Hyperboréens. On voit bien que ce n'eft qu'une fable, que j'expliquerai dans le Chapitre des Oracles, & Paufanias en a jugé de même. Le troiliéme Temple de Delphes fut bâti de cuivre ; ce qui ne doit pas paroître fort étonnant, comme le remarque l'Auteur que je viens de citer, & que je copie prefque mot-à-mot; puifqu'Acrifius Roi d'Argos avoit fait faire une chambre de cuivre pour y enfermer fa fille Danaé ; & que l'on voyoit encore de fon temps à Sparte le Temple de Minerve Chalciacos, ainfi appellé parce qu'il étoit tout de cuivre. Mais que ce Temple, dit Paufanias, ait été bâti par Vulcain, c'eft ce qu'il ne croyoit pas, ni qu'il y eût au lambris des Vierges d'or qui avoient une voix charmante, comme Pindare l'avoit imaginé, fans doute d'après les Sirenes d'Homere. Les Anciens n'étoient pas d'accord fur la maniere dont ce Temple avoit été détruit. Les uns difoient que la terre s'étoit entr'ouverte, & l'avoit englouti; les autres, que le feu y ayant pris, le cuivre dont il étoit fait fe fondit. Quoiqu'il en foit, ce Temple fut bâti une quatrième fois, & il eut pour Architectes Agamede & Trophonius: pour lors on n'y employa que de la pierre. Cet édifice fut coufumé par les flames, la premiere année de la cinquante huitiéme Olympiade. Le dernier enfin, qui fubfiftoit du temps de Paufanias, & qui étoit le plus grand & le plus riche, avoit été conftruit par les foins des Amphictyons, des deniers que les Peuples avoient confacrés à cet ufage.

Quoique nous n'ayons pas de defcription détaillée de ce dernier Temple, il est aise de juger de fon étendue, & des richeffes immenfes qu'il renfermoit, par le foin qu'eurent tant de Rois, & des Peuples entiers, d'y envoyer des préfens.

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