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On n'alloit gueres confulter l'Oracle d'Apollon, ( & qui eft-ce qui n'y alloit pas, ou qui n'y envoyoit pas ?) fans y apporter quelque offrande; & il falloit que le nombre en fût infini, puifque quoique ce Temple eût été pillé plufieurs fois, comme on peut le voir dans l'Auteur que je copie, Neron en enleva cinq cens Statues toutes de bronze, tant des Hommes illuftres, que des Dieux.

Le Pantheon de Rome.

Rome & l'Italie n'avoient pas moins de Temples que la Grece. On en trouvoit par-tout, & plufieurs étoient remarquables ou par leur fingularité, ou par leur magnificence. On doit mettre au nombre des plus beaux celui de Jupiter, fur le Capitole, & celui de la Paix, qui felon Pline étoient deux des plus beaux ornemens de Rome. Mais comme je n'en connois pas de plus fuperbe, ni de plus folidement bâti que le grand Pantheon, nommé vulgairement la Rotonde, puisqu'il fubfifte encore aujourd'hui dans fon entier, fous le nom de l'Eglife de tous les Saints, aufquels il eft confacré, comme il l'étoit dans le Paganisme à tous les Dieux, je le choisis préferablement aux autres, pour en donner la description. On en peut voir le deffein dans le Tome II. de l'Ant. Exp. par le P. de Montfaucon, qui l'a pris pour le plan dans Serlio, & pour le profil dans Lafreri.

L'opinion la plus commune eft qu'il fut bâti par les foins & aux frais d'Agrippa gendre d'Augufte; il y a cependant des Auteurs qui foûtiennent qu'il étoit plus ancien que lui, & qu'il ne fit que le reparer, & y ajoûter le beau Portique qu'on y voit encore. Quoiqu'il en foit, ce fuperbe édifice, qui ne prend jour que par un trou qui eft au milieu de la voûte, & qui eft fi ingénieusement ménagé qu'il en eft éclairé fuffifamment, eft de figure ronde, & il femble que l'Architecte ait voulu, comme on remarque dans un grand nombre d'autres Temples de la premiere antiquité, imiter en cela la figure du monde. C'eft du moins le fentiment de Pline: Quod forma ejus convexa faftigiatam cœli fimilitudinem oftenderet.

Le Portique, ouvrage d'Agrippa, plus beau & plus furpre

nant

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nant que
le Temple même, eft compofé de feize colonnes
de marbre Granite, chacune d'une feule pierre. Ces colon-
nes ont cinq pieds de diametre, & plus de trente-fept pieds
de hauteur, fans y comprendre la bâfe & le chapiteau. De
ces feize colonnes il y en a huit de face, & huit derriere : le
tout d'ordre Corinthien. Comme on trouva du temps du
Pape Eugene, près de cet Edifice, une partie de la tête
d'Agrippa en bronze, un pied de cheval, & un morceau de
rouë du même metal, il y a apparence que ce grand Homme
étoit représenté lui-même en bronze fur ce Portique, monté
fur un char à quatre chevaux.

Quand jai dit que ce Temple fubfiftoit aujourd'hui en entier, on doit l'entendre du corps de l'ouvrage, pofé fur de fi folides fondemens, que rien n'a été capable de les ébranler. Auffi felon un Architecte Romain, dont le Manufcrit est entre les mains du Pere Montfaucon, ces fondemens étoient une maffe qui non-feulement s'étendoit fous tout l'édifice, mais encore bien avant au-delà de fes murailles. Pour les ouvrages fuperbes, les ftatues, & aures chofes précieufes dont il étoit rempli, tout a été diffipé. Les plaques de bronze doré qui couvroient toute la voûte, furent enlevées par l'Empereur Conftance III. Le Pape Urbain VIII. fe fervit des poutres du même métal pour faire le Baldaquin de faint Pierre & les groffes pieces d'artillerie qui font au Château Saint-Ange. Les ftatues des Dieux, qui étoient dans les niches qu'on voit encore dans l'interieur du Temple, ont été ou pillées, ou enfouies, & il n'y a pas bien long-temps encore, qu'en creusant près de cet Edifice, on trouva un lion de Bifalte, qui est un beau marbre d'Egypte, & puis un autre, qui fervirent à orner la Fontaine de Sixte V. fans parler d'un beau & grand vafe de porphire, qu'on placa près du portique. En general cet Edifice étoit très-magnifique, parfaitement bien bâti, dans de juftes proportions, & il fait encore un des beaux ornemens de la Ville de Rome.

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Ara, imprimé

1636. in 12.

A

CHAPITRE V I.

Des Autels.

PRES avoir traité fommairement de ce qui regarde les Temples, il eft neceffaire de parler des Autels. Mais comme nous fuivons toujours la même methode, en ne rapportant que ce qu'il y a d'effentiel fur chaque fujet, & que nous renvoyons aux meilleurs Traités ceux qui veulent entrer dans de plus longs détails, nous avertiffons d'abord que le P. Berthaud, de l'Oratoire, en a compofé un fur les Autels, (1) Tract. qui laiffe peu de chofes à défirer (1); nous allons en donner fingularis de l'abregé, renvoyant aux Antiquaires pour les figures. à Nantes en Sans nous arrêter à l'étymologie d'Altare, nom qu'on croit communement avoir été donné aux Autels, parce qu'ils font élevés, nous dirons avec Servius, que les Anciens mettoient quelque difference entre Altare & Ara: car quoique le dernier fût employé également lorsqu'il étoit queftion des Dieux du Ciel & de l'Enfer, cependant le mot Altare étoit fpécia lement confacré pour marquer les Autels des Dieux célestes: Novimus, inquit, aras Diis effe fuperis & inferis confecratas, (2) Serv. fur altaria verò effe fuperorum tantùm Deorum (2). Telle étoit la las. Egi. de diftinction de Servius, quoique d'autres Auteurs en mettent une Virg. autre, & difent, qu'on facrifioit aux Dieux céleftes fur des Autels, & aux Dieux terreftres fur la terre même, & dans des foffes aux Dieux infernaux. Le P. Berthaud ajoute, qu'on immoloit les victimes aux Nymples dans des antres & des cavernes.

L'antiquité des Autels n'eft pas douteufe: elle a précedé fans doute, comme nous l'avons déja infinué, la conftruction des Temples, non-feulement parmi les Patriarches, mais auffi chez les Payens. Et comme le culte fuperftitieux du Paganifine a commencé en Egypte, ainsi que nous l'avons dit, il y a apparence que c'eft dans ce pays que furent conftruits les premiers Autels. C'eft auffi le fentiment d'Herodo(3) Var. te, & de Coelius Rhodiginus qui l'a copié (3). La fimplicité ayant toujours fait l'appanage des ufages nouvellement in

Left liv. 16.

ventés, il eft clair que les premiers Autels n'ont été que de fimples monceaux de terre ou de gazon, qui s'appelloient Are cefpititia ou graminea ; ou de pierres brutes, &c. & les Idolâtres imiterent d'abord cette maniere fimple d'élever des Autels, pratiquée par Noé & les autres premiers Patriarches; mais dans la fuite la matiere & la forme des Autels changerent tout-à-fait. Le Paganifme en effet en avoit de differentes formes; de quarrés, de quarrés-longs, de ronds, de triangulaires; comme de differente matiere; de pierre de marbre, de bronze, & d'or même, du moins Herodote (1) le dit de la Table qui étoit dans le Temple de Belus à (1) Liv. 1 Babylone. Paufanias remarque qu'il y en avoit auffi de bois, mais qu'il étoit rare d'en trouver de cette efpece. Celui de Jupiter Olympien n'étoit qu'un tas de cendres; d'autres n'étoient, qu'un fimple amas de cornes de differens animaux : innumeris ftructam de cornibus aram, comme le dit Ovide. Euftathe, qui fait mention de cet Autel (2), dit qu'il étoit à (2) Sur le Ephefe, & qu'Apollon l'avoit conftruit des cornes des chevreuils que Diane avoit tués à la chaffe. Moyfe parle fouvent des cornes des Autels, mais dans un autre fens, n'ayant entendu par-là que leurs angles.

Liv. 8. de l'I

liade.

Les Autels ne differoient pas moins par le plus ou le moins d'élevation, que par leur matiere & par leur forme. Il y en avoit qui n'alloient pas à la hauteur du genou, d'autres alloient jusques à la ceinture; quelques-uns étoient encore plus élevés, fur-tout ceux de Jupiter & des autres Dieux céleftes (3), pendant que ceux de Vefta, & des autres Divini- (3)Vitruve tés terreftres, étoient les plus bas. Parmi ces Autels, il y en liv. 1. ch. 7. avoit de maffifs, d'autres étoient creux par le haut, pour recevoir les libations & le fang des Victimes; d'autres enfin, étoient portatifs, pour s'en fervir dans les voyages, & dans d'autres occafions. Les Autels n'étoient pas tous dans les Temples; il y en avoit dans les Bois facrés, & en plein air au milieu des champs; comme ceux du Dieu Terme, de Sylvain, de Pan, de Vertumne & ceux qu'Epimedes obligea les Atheniens affligés par la pefte, d'élever dans les lieux où des Victimes lachées au hazard, s'arrêteroient. Ce font les mêmes dont parle faint Paul, & qui étoient dédiés aux Dieux

inconnus. Mais il étoit encore plus ordinaire d'élever les Autels fur les montagnes, où étoient auffi fouvent les Bois, facrés; & cette coutume d'aller facrifier fur les lieux hauts, f) Dans les étoit fi ancienne & fi univerfelle, que l'Ecriture Sainte (1) la reproche fans ceffe aux Ifraëlites, & blâme même les meil leurs Rois de ne l'avoir pas abolie: attamen excelfa non tulit.

Livres des

Rois.

Τριβωμός

Comme les Grecs appelloient l'Autel Bonds, ils nommoient Teams, un triple Autel. Il y en avoit un de cette forte dans le Temple d'Efculape à Rome, fuivant une Infcription rapportée par les Antiquaires. Une autre Infcription qui fe trouve dans Fabretti, prouve, felon cet habile homme, que le Tribomos fe trouvoit dans plufieurs autres Temples; & il apparence que c'étoient trois Autels adoffés l'un contre l'au (2) In Eut. tre destinés à trois Divinités. Herodote dit (2) qu'en Egypte, dans un grand Temple d'Apollon, il y avoit Baredior, ces trois Autels étoient pour Latone, pour Apollon, & pour Diane.

(3) Eneid.

liv. 4.

y a

Parmi les Autels que le temps nous a confervés, & dont on trouve la représentation dans les Antiquaires, il y en a de fimples & fans aucune figure, d'autres fur lefquels font des bas-reliefs de plufieurs Divinités, de Génies, de Joueurs de flûtes, & d'autres figures. La plupart ont aux quatre coins des têtes d'animaux, de boeufs, de beliers, &c. Enfin, chaque particulier avoit dans fon Laraire, c'est-à-dire dans le lieu destiné à honorer les Dieux Lares, ou les Dieux Penates, les Génies, & les Junons qui étoient les Génies des femmes, de petits Autels fur lefquels il leur facrifioit.

On avoit grand foin, avant que de facrifier, d'orner les Autels, & on ne manquoit pas d'employer pour cela les choses qu'on croyoit agréables à chaque Divinité. Comme nous aurons occafion dans le Chapitre fuivant de parler des plantes & des arbres qu'on croyoit être particulierement con facrés à chaque Dieu, il fuffit de dire ici que c'étoient des branches de ces arbres qu'on ornoit les Autels.

Il faudroit un volume pour décrire tous les Autels dont parlent les Anciens; le nombre en étoit infini. Athenes & Rome, ainfi que toutes les autres Villes payennes, en étoient remplies. Virgile remarque qu'Hiarbas en avoit élevé cent & autant de Temples, au feul Jupiter (3). On en trouvoit

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