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en public que la liberté du peuple eft en peril. Ils briguent & ils caba- An de Ro lent en particulier. Enfin ils fe don- me. 353, nerent tant de mouvement,que dans 354 la prochaine élection & la fuivante, ils firent nommer desPlebeïens pour Tribuns militaires : nouvelle révolution dans le gouvernement de la République, mais dont les fuites furent funeftes à l'Etat par differens avantages que les ennemis de Rome remporterent fur les Armées commandées par des Plebeïens.

Un mal contagieux fucceda à ces difgraces. Le peuple confterné, eut recours aux Dieux; les Temples étoient remplis jour & nuit d'hommes, de femmes & d'enfans qui im ploroient leur clemence. Les Duum. An. de Re virs après avoir confulté les Livres me 354 facrez des Sybilles, ordonnerent le Letifterne. C'étoit une ceremonie 1. 5. c. 13 Tit. Liv. ancienne, pendant laquelle on def- Aug de cendoit les Statues des Dieux de Civ. I. 31 leurs niches on leur fervoit pen- C. 17. dant huit jours des repas magnifiques, comme s'ils euffent été en état d'en profiter; les citoyens, chacun felon leurs facultez, tenoient table Tome II.

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ouverte. Ils y invitoient indifferemment amis & ennemis; les étrangers fur-tout y étoient admis; on mettoit en liberté les prifonniers, & on fe feroit fait un fcrupule de les faire arrêter de nouveau après que la fête étoit finie.

Les Patriciens profitant de cette difpofition des efprits, tournerent en myftere de Religion ces difgraces de la République. Ils les attribuerent à la colere des Dieux irritez de ce que dans les dernieres éle&tions on n'avoit pas eu égard aux familles Nobles, qui feules avoient l'intendance des facrifices. De pareilles raifons plus fortes que toutes les harangues des Tribuns du peuple, entraînerent les efprits de la multitude. Tout le monde regarda les difgraces de la République comme des interpretes infaillibles de la An de Ro- volonté des Dieux : & de peur de les irriter davantage, on ne manqua

me 355.

pas
dans l'élection fuivante de ren-
dre le Tribunat militaire aux feuls
Patriciens.

On n'avança pas beaucoup au fiege, & tout l'effort des armes Romaines fe termina à ravager les ter

res des ennemis. La guerre fut encore plus malheureufe l'année fuivante, & on obligea les Tribuns militaires, dont on n'étoit pás content, d'abdiquer leur dignité, fous prétexte qu'on avoit manqué d'obferver quelque ceremonie dans les aufpices qu'on avoit pris pour leur élection : prétexte dont les deux partis fe fervoient tour à tour pour faire dépofer les Magiftrats qui ne leur étoient pas favorables. On eut recours dans cette occafion, comme dans une calamité publique, à un Dictateur. M. Furius Camillus fut élevé à cette fuprême dignité, qu'il ne dut qu'au befoin que la République crut avoir d'un auffi grand Capitaine: conjoncture où fans brigue & fans effort un merite fuperieur fe trouve naturellement en fa place. On avoit déja obfervé que dans tous les emplois où Camille avoit eu des Collegues, fa rare valeur & fà haute capacité lui avoient fait déferer tout l'honneur du commandement, comme s'il eût commandé en chef; & on remarqua depuis que pendant fes Dictatures il gouvernoit avec tant de douceur &

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de moderation, , que les Officiers qui étoient foumis à fes ordres croyoient partager fon autorité. Il Plutar. in nomma pour General de la Cavavita Cam. lerie P. Cornelius Scipion, & mit Diod-1.14. fur pied en même-tems un puiffant

corps de troupes. Le peuple couroit à l'envie s'enrôler fous fes enfeignes: tout le monde vouloit fuivre à la guerre un General que la victoire n'avoit jamais abandonné, Les alliez même lui envoyerent of frir un puiffant fecours compofé de leur plus floriffante jeuneffe. Le Dictateur fe rendit d'abord au camp qui étoit devant Veies; fa préfence feule rétablit la difcipline militaire qui étoit bien affoiblie depuis la divifion ou la défaite des Tribuns militaires. On ferra la place de plus près, & par fon ordre on releva les forts que les ennemis avoient ruinez. Il marcha enfuite contre les Fa fifques & les Capenates qu'il défit en bataille rangée; & après cette victoire qui lui laiffoit la campagne libre, il revint au fiége qu'il pouffa avec beaucoup d'ardeur.

Les affiegez ne fe défendoient pas avec moins de courage. Le Di

Яateur craignant de ne pouvoir emporter d'affaut & à force ouverte, une place où il y avoit une ar mée pour garnifon, eut recours à la fappe & aux mines. Ses foldats à force de travail, & à l'infçu des af fiegez, s'ouvrirent une route fecrete qui les conduifit jufques dans le Château. Ils fe répandirent de-là dans la ville; une partie alla charger par derriere ceux qui défendoient encore les murailles; d'autres rompirent les portes,&toute l'Armée entra en foule dans la place. Le An de Romalheureux Veien éprouva d'abord me 357. la fureur des victorieux. On ne pardonna qu'à ceux qu'on trouva defarmez, & le foldat encore plus avare que cruel, courut au pillage avec la permiffion de fon General.

La longueur du fiége, les périls qu'on y avoit courus, l'incertitude même du fuccès, tout cela fit recevoir à Rome avec des tranfports de joye, la nouvelle de la prise de cette place. Tous les Temples furent remplis de Dames Romaines,& l'on ordonna quatre jours de prieres publiques en actions de graces : ce qui n'avoit point encore été pratiqué

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