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nous qu'afin de ne nous pas bleffer: nous expliquons, felon notre paffion, leur charitable & prudente retenue; nous l'attribuons à la mauvaise opinion qu'ils ont conçûe de nous, fans que nous y ayons donné lieu: & cela nous entretient dans notre mauvaise humeur. Comme nous fommes toujours avec eux, & que nous épions toutes leurs actions tous les mouvemens de leurs yeux & de leurs mains, toutes leurs paroles & leur contenance même, il eft impoffible que nous n'y trouvions dequoi nous confirmer dans nos pensées, parce que nous prenons tout dans un fens qui s'y rapporte; s'ils ont des communications fecrétes avec quelque perfonne, la moindre apparence nous perfuade que nous en faifons le fujet; s'ils oublient de nous parler de quelque affaire qui nous regarde, ou de nous rendre quelque bon office que nous attendons d'eux, nous en concluons qu'ils n'ont pas pour nous l'affection qu'ils avoient autrefois, & qu'ils devroient encore avoir.

Nous fommes alors fort exacts à nous representer les moindres fautes qu'ils peuvent faire à notre égard; nous leur imputons même fouvent des

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intentions qu'ils n'ont jamais eues; & au contraire nous nous juftifions tellement, que nous ne croyons pas avoirrien fait, dont ils ayent pû se bleffer que s'ils fe plaignent de quelqu'une de nos actions, ou de nos paroles, nous comptons cela entre les preuves que nous prétendons avoir de leur mauvaife difpofition, fans laquelle nous nous perfuadons qu'ils verroient fort bien que nous n'avons aucun tort; enfin pendant que nous les accufons de manquer à la charité qu'ils nous doivent, nous manquons nous-mêmes à celle que nous leur devons; nous nous éloignons d'eux, après nous être imaginez fans raison, qu'ils s'éloignent de nous : & nous faifons d'un fi mauvais fonds la matiere d'une infinité de plaintes.

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I.

Lorfque nous avons offenfé Dieu; il eft jufte de nous en fouvenir avec douleur, & avec amertume; nous ne fçaurions en reffentir trop de peine, & il feroit même à defirer qu'elle fût fi continuelle, fi forte & fi vive, que nous reprefentant à tout moment combien nous fommes coupables; & nous faifant oublier toutes les chofes vaines & fuperflues, elle nous portât à faire penitence toute notre vie.

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Un pere a raifon de s'affliger, quand il voit que quelqu'un de fes enfans meprife fes avertissemens, qu'il manque à fes devoirs & qu'il s'abandonne au déreglement & à la débauche; mais

il faut que cette affliction l'oblige d'employer toute fon adreffe & fa force, pour le ramener à son devoir; &

que s'il ne peut y réuffir par tous fes foins, il tâche au moins d'obtenir de Dieu la converfion de fon fils, par fes humiliations & fes prieres.

Ce feroit une dureté inexcufable à un Pasteur, de ne point gemir des defordres des ames que Dieu lui a commifes, & de voir leur perte fans en être touché; il ne doit pas même se contenter de répandre des larmes fur les malheurs qui arrivent à fon troupeau; il faut encore que fon zele lui faffe entreprendre les chofes les plus difficiles pour chercher fes brebis égarées qu'il n'épargne rien pour les fecourir; & qu'au lieu de les abandonner, il expofe fa vie pour leur falut.

Enfin il eft fi peu vrai que nous ne devions avoir aucune peine des pechez qui fe commettent dans le monde; qu'au contraire, il nous eft im – poffible de n'en avoir pas autant que nous avons de charité pour Dieu; car fi nous l'aimons veritablement, nous ne pourrons nous empêcher de reffentir toutes les injures qu'on lui fait:& ainsi les chrétiens devant toujours pleurer de

ce qu'ils ont offenfé Dieu, & de ce que les autres l'offenfent, ils ne peuvent jamais être fans triftefle en cette

vie.

Quelque legitime néanmoins que foit leur trifteffe, elle est fort inutile, fi elle ne les porte à faire penitence de leurs fautes, & à fecourir de toutes leurs forces, ceux dont il déplorent les chûtes.

II.

Il y a une autre trifteffe, qui eft comme naturelle, & que l'on ne peut blâmer. Un homme qui perd fon pere, fon frere, fon ami, en doit être touché: & faint Paul ne défend point de pleurer ces perfonnes lorsque la mort nous les ôte; il veut feulement que notre douleur foit moderée, & telle que doit être celle des chrétiens qui efperent une autre vie après celle-ci, & qui font profeffion de fe foumettre en toute chofe aux ordres de Dieu.

Quoiqu'il fût à defirer que nous euf

fions affez de fermeté & de conftance pour fupporter avec joie toutes les douleurs & les incommoditez des maladies; cette vertu néanmoins étant très rare, c'eft une foibleffe pardonna

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