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étonnent; fi à quelque chofe de grand, elles élevent: mais ceux qui ne font pas capables de s'élever, ou de pénétrer d'un coup d'oeil des rapports trop approfondis, n'admirent que ces rapports bizarres & fenfibles, que les gens du monde faififfent fi bien. Et le Philofophe qui rapproche par de lumineufes fentences les vérités en apparence les plus féparées. réclame inutilement contre cette injuftice les hommes frivoles qui ont befoin de temps pour fuivre ces grandes démarches de la réflexion, font dans une espece d'impuiffance de les admirer, attendu que l'admiration ne fe donne qu'à la furprise, & vient rarement par dégrés.

Les faillies tiennent en quelque forte dans l'efprit le même rang que l'humeur peut avoir dans les paffions. Elles ne supposent pas néceffairement de grandes lumie

res,

elles peignent le caractere de l'efprit; ainfi ceux qui approfondiffent vivement les chofes ont des faillies de réflexions: les gens d'une imagination heureuse, des faillies d'imagination; d'autres des faillies de mémoire; les méchans, des méchancetés; les gens gais, des chofes plaifantes,

&c.

Les gens du monde qui font leur étude de ce qui peut plaire, ont porté plus loin que les autres ce genre d'efprit; mais parce qu'il eft difficile aux hommes de ne pas outrer ce qui eft bien, ils ont fait du plus naturel de tous les dons un jargon plein d'affectation. L'envie de briller leur a fait abandonner par réflexion le vrai & le folide, pour courir fans ceffe après les allufions & les jeux d'imagination les plus frivoles; il femble qu'ils foient convenus de ne plus rien dire de fuivi, & de ne faifir dans

les chofes que ce qu'elles ont de plaifant & leur furface. Cet efprit qu'ils croyent fi aimable eft fans doute bien éloigné de la Nature, qui fe plaît à fe repofer fur les fujets qu'elle embellit, & trouve la variété dans la fécondité de fes lumieres, bien plus que dans la diverfité de fes objets. Un agrément fi faux & fi fuperficiel eft

un art ennemi du coeur & de l'efprit, qu'il refferre dans des bornes étroites; un art qui ôte la vie de tous les difcours, en banniffant le fentiment qui en eft l'ame, & qui rend les converfations du monde auffi ennuyeufes, qu'infenfées & ridicules.

DU GOUT.

LE Goût eft une aptitude à bien juger des objets du fentiment. Il faut donc avoir de l'ame pour avoir du goût; il faut avoir auffi

de la pénétration, parce que c'eft l'intelligence qui remue le fentiment. Ce que l'efprit ne pénetre qu'avec peine ne va pas fouvent jufqu'au cœur, ou n'y fait qu'une impreffion foible; c'est-là ce qui fait que les chofes qu'on ne peut faifir d'un coup d'oeil, ne font point du reffort du goût.

Le bon goût confifte dans un fentiment de la belle nature; ceux qui n'ont pas un efprit naturel, ne peuvent avoir le goût jufte.

Toute vérité peut entrer dans un livre de réflexion, mais dans les ouvrages de goût nous aimons que la vérité foit puifée dans la Nature; nous ne voulons pas d'hypothèses, tout ce qui n'est qu'ingénieux eft contre les régles du goût.

Comme il y a des dégrés & des parties différentes dans l'efprit y en a de même dans le goût. Notre goût peut, je crois, s'étendre

il

tendre autant que notre intelligence; mais il eft difficile qu'il paffe au-delà. Cependant ceux qui ont une forte de talent fe croyent prefque toujours un goût univerfel, ce qui les porte quelquefois jufqu'à juger des chofes qui leur font les plus étrangeres. Mais cette préfomption qu'on pourroit fupporter dans les hommes qui ont des talens, fe remarque auffi parmi ceux qui raifonnent des talens, & qui ont une teinture fuperficielle des régles du goût, dont ils font des applications tout-à-fait extraordinaires. C'eft dans les grandes Villes plus que dans les autres, qu'on peut obferver ce que je dis ; elles font peuplées de ces hommes fuffifans qui ont affez d'éducation & d'habitude du monde, pour parler des chofes qu'ils n'entendent point, auffi font - elles le théatre des plus impertinentes déI. Partie. C

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