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Avant J. C.

l'an 210.

Sfu-ki,

l'Empire devoit appartenir legitimement après la mort. Ce jeune Prince appellé Me-té vivoit tranquillement à la Cour de fon pere, lorfqu'une femme vint mettre entre Tcou-man eux la division (a). Epouse de Teou-man, elle en avoit eu un fils, fur la tête de qui elle vouloit faire paffer la Couronne au préjudice de l'aîné, & Teou-man, qui n'eut point affez de fermeté pour réfifter aux follicitations d'une femme qu'il aimoit, dépofa Me-té, l'éloigna de la Cour & l'envoya comme en ôtage chez des Peuples voifins nommés Yue-chi. Dans ledeffein de le faire périr chez ces Barbares, il leur déclara la guere, perfuadé que les Yue-chi s'en vengeroient fur ce fils; mais il en fut la principale victime. Lie-tai-ki- Les Tartares Yue-chi, battus par Teou- man, chercherent en effet Me-té pour le faire mourir ; mais ce`dernier, qui fut inftruit affez à tems de ce que l'on tramoit contre lui, s'échappa par une prompte fuite & regagna les Etats de fon pere, où fe laiffant entraîner à tout ce que la vengeance peut infpirer de plus cruel, il commit des forfaits que les fuccès effacerent de la mémoire des hommes: & l'on ne vit plus en Me-té qu'un héros, fondateur en quelque façon de l'Empire des Huns.

Han-chu.
Kam-mo.

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Sfu-ki.

Han-chu.

tum-kao.

fu.

Me-té,connu & chéri des Peuples à caufe de fa bravoure, Ven-bien- trouva le moyen de fe former une troupe de dix mille hommes de Cavalerie & se mit à leur tête pour reclamer fes Lie-tai-ki- droits. Lcs Hiftoriens rapportent qu'il inventa une forte de flêches auxquelles il donna le nom de Flêches - refonnantes. Il exerça fes Cavaliers à les lancer d'abord fur des oifeaux, enfuite fur les plus beaux chevaux qui fe recontroient, & la mort étoit la punition de celui qui ne touchoit point au but: enfin, pour s'affurer de plus en plus du courage & de la fidélité de fes foldats, il portà la cruauté jufqu'à faire tirer fur celles de leurs femmes qu'ils chériffoient le plus. Il n'admit à fa fuite que ceux qui éxécuterent fes ordres ; les autres furent mis à mort. Me-té fondit avec fa troupe fur Teou-man, le pourfuivit, le tua avec tous fes gens, & n'épargna en cette occafion ni l'Im

(a) Les impératrices femmes des Tanjou portoient le titre de Yen-chi

l'an

pératrice, ni fon fon fils, ni ceux des Grands qui ne voulurent point fe foumetrre. Tant de meurtres furent les dégrès qui fervirent à élever ce Prince barbare fur le trhône. Avant J. C. Cet événement arriva l'an deux cens neuf avant Jefus-Me-té. Christ, la premiere année du regne d'Ulh-chi Empereur de la Chine, & la vingt-neuviéme du quarante-deuxième cicle Chinois.

tous

Kam-moi

Les Tartares Orientaux fitués au Nord du Leao - tong Sfu-ki étoient devenus alors très-puiffants. Informés de la révolution qui venoit d'arriver chez les Huns, & du grand nombre de mécontens que la cruauté de Me-té avoit fait foulever, ils ne fongerent qu'à porter la guerre dans fes Etats, pour s'y enrichir par les vols & les brigandages, ou lui ravir quelques-unes de fes Provinces. Une chofe, qui chez toute autre Nation que des Tartares auroit été méprisée, fixa l'attention des Grands & fervit de prétexte pour faire la guerre. Me-té avoit dans fes haras un cheval de prix qui faifoit, dit-on, mille li (a) en un jour. Les Tartares Orientaux le firent demander par des Ambaffadeurs qu'ils envoyerent Su-ki. exprès. Me-té affembla les chefs de la Nation étoient d'avis qu'on ne l'accordât pas aux Tartares; mais l'Empereur ne croyant pas ce motif fuffifant pour rompre avec fes voifins, fit remettre le cheval. Cette conduite ne fervit qu'à augmenter l'orgueil & l'infolence des Tartares Orientaux. Ils crurent en avoir impofé aux Huns. Devenus plus entreprenans, ils exigerent de nouveau qu'on leur donnât une des femmes de l'Empereur, & ce Prince, qui ne cherchoit que la paix, la remit malgré l'avis de fon Confeil, proteftant que fon attachement pour une femme ne le conduiroit jamais à rendre fes fujets malheureux, en les obligeant de foutenir une guerre avec des voisins redoutables. Mais plus il s'efforçoit de maintenir la paix, plus les Tartares Orientaux s'empreffoient de trouver des moyens pour la rompre. Il y avoit alors un terrain abandonné qui fervoit à féparer les deux Nations, mais qui étoit de la dépendance des Huns. Les Tartares Orientaux vou

(4) C'eft une expreffion Chinoife pour fignifier un cheval qui peut faire de grandes courfes. Li eft une mcfure Chinoife.

l'an 209. Me-té.

loient qu'on le leur abandonnât, & les Chefs des Huns, Avant J. C. confidérant le peu d'avantage que l'on retiroit de cette terre, paroiffoient affez indifférens à cet égard. Il n'en fut pas de même de Me-té. Cette terre n'étoit point un bien qui lui fût c'étoit une partie des Etats propre, fes anque cêtres lui avoient laiffés ; c'étoit un bien appartenant à ses fujets, & dont il ne croyoit pas pouvoir difpofer comme il avoit fait de l'Impératrice & de tout ce qu'on avoit exigé jufqu'alors. D'ailleurs ces demandes réitérées des Tartares Orientaux l'irritoient. Il monta à cheval, ordonna que tous fes Cavaliers le fuiviffent, & fit mourir ceux qui refterent les derniers à éxécuter fes ordres. Il furprit les Tartares qui n'étoient point préparés à le recevoir; il les défit, tua leur Roi, fit un grand nombre de prifonniers & emmena quantité de troupeaux. Les reftes de cette Nation se fauverent dans les montagnes de Tartarie situées au Nord de la Province de Pekim, dans le pays qui porte aujourd'hui le nom de Cartchin: ils s'y partagerent en Heou ban deux bandes qui formerent deux Nations confidérables dont il fera fouvent fait mention dans la fuite, & qui ont été très-puissantes dans la Tartarie. Les uns ont pris le nom Sien-pi qui étoit celui des montagnes qu'ils avoient choifies pour faire leur demeure, & les autres, pour la même raison, étoient appellés Ou-huon. Ces deux Nations parloient la même langue, & avoient à peu de chofes près les mêmes coûtumes.

Ven-bientum-kao.

ehou.

Han-chou. Ven bientum-kao.

Après que les Tartares Orientaux eurent été ainfi difperfés, Me-té tourna fes armes victorieufes du côté de l'Occident & du Midi. Il battit les Tartares Yue-chi qui habitoient vers Kua-tcheou & Cha-tcheou.Il foumit les hordes des Tartares qui demeuroient dans le pays d'Ortous & fit le dégât jufques dans la Province de Tai, aujourd'hui Ta-tum-fou dans le Chanfi. Ces victoires le rendirent maître en peu de tems de tous les pays que les Tfin avoient enlevés aux Huns. Ses nombreuses armées qui étoient de trois cent mille hommes, & les guerres civiles qui affoibliffoient la Chine, lui donnerent la fupériorité fur tous fes voifins, & il devint le plus puiffant Monarque qui fût alors dans ces extrémités Orientales de l'Afie.

Ce

Ce Prince, de même que fes ancêtres, portoit le titre de Tanjou ou Chen-ju, qui eft une abbréviation de Tcemli-xo-to-tan-jou (a), c'eft-à-dire fils du Ciel dans la langue des Huns. Son nom de famille étoit Lien-ti-chi (b). Il avoit fous lui deux (c) principaux Officiers, l'un de la gauche & l'autre de la droite, c'est-à-dire, l'un de l'Orient & l'autre de l'Occident, qui portoient le titre de Roi. Celui de la gauche demeuroit à Cham-kou, pays fitué dans le territoire de Pao-gan-tcheou,& fon Gouvernement s'étendoit du côté de l'Orient jufqu'à la Corée. L'autre demeuroit dans la Province de Cham, à préfent Yen-gan-fou dans le Chensi, il commandoit à tous les peuples qui habitent vers l'Occident, du côté deCha-tcheou & duTou-fan ou Tibet. Le Tanjou, car c'eft ainfi que je l'appellerai dans la fuite, réfidoit quelquefois à Yun-tchong aujourd'hui Ta-tum-fou dans le Chanfi. On voit par-là que ces Huns poffédoient la partie

(4) Dans la Langue des Huns, Teengli fignifie le Ciel, & Ko-to-tan-ju fils fe1on Ma-tuon-fin dans fon Ven-bien-tumKao. L'Hiftorien des Han donne une autre explication de ce terme: Teeng-li le . Ciel, Koto, fils & Tan-jou grande & large figure; c'est à-dire, la grande reffemblance du fils du Ciel. Teeng-li eft une altération du mot Tangri qui fignifie encore Dieu, dans la langue des Turcs de Conftantinople.

(b) Il y avoit chez les Huns après la famille de Lien-ti-chi ou Hiu-lien-ti-chi, ou Lan-ti-chi, qui étoit celle du Tanjou, trois autres principales, les plus nobles de toutes celles qui formoient la Nation. La premiére nommée Hou-yen chi, la feconde Lan-chi, & la troifiéme Su-po-chi. Le Tanjou s'allioit toujours dans la premiére & la troifiéme ; dans la fuite on a ajouté une quatriéme nommée Hicou-lin-chi. La famille Hou Hien-chi tenoit toujours la gauche ; c'est-à-dire, qu'elle avoit le pas Tur les autres.

(c). Les differentes charges de l'Empire des Huns font,

1. Le Hien-vam de la droite & celui de la gauche.

2°. Le Ko-li-vam de la droite & celui de la gauche.

3°. Le Ta-tciam de la droite & celui de la gauche.

4°. Le Ta-tou-goei de la droite & celui de la gauche.

5°.Le Ta-tam-hou de la droite & celui de la gauche.

6°. Le Ko-tou heou de la droite & celui de la gauche.

Par la droite ils entendent l'Occident & par la gauche l'Orient; ce côté étoit le plus noble comme il l'eft encore aujour d'hui chez les Turcs, & c'eft pour cela que celui qui devoit fucceder au Tanjou portoit toujours le titre de Hien-vam de la gauche,c'étoit comme le Vice-Roi d'O

rient.

Tous ces grands Officiers excepté les Ko-tou-heou avoient dix mille hommes de Cavalerie fous leur commandement, leurs charges étoient héréditaires. Il y avoit enfuite des Officiers de mille hommes, de cent hommes & de dix hommes, divifion qui répond à celle qui fubfiftoit du tems de Genghif-khan qui avoit donné le commandement de ces troupes a des Chefs de Touman, ou de dix mille hommes,qui avoient fous eux des Chefs d'Hezare ou de mille hommes, ceux-ci des Chefs de Sede ou de cent &, ces derniers des Chefs de Dehe ou de dix hommes.

D

Avant J. C.
Me-té.

Su-ki.

Han -chu.

Ven bien

tum-kao.

Me té.

Septentrionale des Provinces de Chenfi, de Chanfi & de Avant J. C. Petcheli. Tout ce vafte Empire étoit gouverné par vingtquatre principaux Officiers qui commandoient chacun un corps de dix mille Cavaliers. Ils avoient fous leurs ordres des Chefs de mille hommes, de cent hommes& de,dix hommes; mais les deux plus grands Officiers de la Cour du des Tanju étoient le Hien-vam de la gauche & celui de la droite. Le premier étoit toujours regardé comme l'héritier préfomptif de la Couronne & le fucceffeur à l'Empire. Hien-vam en Chinois & Tou-chi dans la Langue des Huns Han-chou. fignifie Roi fage. Ces charges ou dignités étoient héréditaires dans les familles.

Sfu-ki.

Sfu ki.

A la premiere Lune de chaque année tous ces Officiers, grands & petits, tenoient une Affemblée générale à la Cour du Tanjou & y faifoient un facrifice folemnel à la cinquiéme Lune ils s'affembloient à Lumtching où ils facrifioient au Ciel, à la Terre, aux Efprits & aux Ancêtres. Il fe tenoit encore une grande Affemblée à Tai-lin dans l'Automne, parce qu'alors les chevaux étoient plus gras, & on y faifoit en même tems le dénombrement des hommes & des troupeaux ; mais tous les jours le Tanjou fortoit de fon camp, le matin pour adorer le Soleil, & le foir la Lune. Sa tente étoit placée à gauche, comme le côté le plus honorable chez ces Peuples, & regardoit le couchant. Sa principale réfidence étoit en Tartarie à la montagne In-chan, fituée au Nord du Leaotong, où il avoit un très-grand nombre d'ouvriers qui fabriquoient des arcs & des fléches.

Ces anciens Huns dans leurs funérailles obfervoient certaines pratiques que nous voyons encore en ufage chez les Tartares. Leurs cercueils étoient ornés de chofes précieuses (a) comme d'or, d'argent & de bijoux, à proportion des richeffes

(a) En plufieurs endroits de la grande Tartarie, vers les frontieres de la Siberie, on voit, dit l'Auteur des remarques fur l'Hiftoire Généalogique des Tatars, des petites colines fous lefquelles on trouve des fquelettes d'hommes accompagnées de fquelettes de chevaux&de plufieurs

fortes de petits vafes & joyaux d'or &
d'argent. L'on y trouve même des fque-.
lettes de femmes avec des bagues d'or
aux doigts. On a cru en conféquence
que
la Tartarie avoit été habitée ancien-
nement par des Peuples beaucoup plus
civilifés & que ceux qui y font à présent

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