Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Differt. de M.

& peut-être celui qu'on croyoit le plus irrémiffible. Lucain
parlant des arbres que Cefar fit abbattre près de Marseille,
pour en faire des machines de guerre, peint bien la conster-
nation des Soldats qui refufoient de fe prêter à cet ouvrage,
jufqu'à ce que ce Prince prenant une coignée, en abbatit un
lui-même. Saifis d'un refpect religieux pour la fainteté de ce Bois,
ils croyoient que s'ils avoient la temerité d'en vouloir couper quel-
que arbre, la coignée rebrousseroit fur eux.

Sed fortes tepuere manus, motique verendâ
Majeftate loci, fi robora facra ferirent,
In fua credebant redituras membra lituras.

Cependant il étoit permis de les élaguer, de les éclaircir, & de
couper les arbres qu'on croyoit attirer le tonnerre. Les Anciens
nous ont confervé l'hiftoire de quelques-uns de ces Bois fa-
crés, comme de ceux de Lucine, de la Déeffe Feronie
d'Augufte, & de quelques autres. Ils fe reffembloient tous,
& étoient tous en une égale veneration.

L Parmi

CHAPITRE VIII.

Des Afyles.

ES Temples, les Autels, & les Bois facrés ayant été les Payens des lieux d'afyle pour les criminels, il faut expliquer en quoi confiftoit le droit d'afyle, quels en étoient les privileges, & découvrir quelle en fut l'origine.

Dès-que les hommes ont commencé à deftiner des lieux (1) Voyez au culte des Dieux (1), pour les reconnoître dans ces enExtrait de la droits d'une maniere authentique & folemnelle, comme Simon fur les leurs Maîtres & les arbitres de leur destinée, & qu'ils ont Afyles. efperé d'en obtenir du fecours, ils ont cru qu'ils y étoient des Bel. Lettr. préfens d'une maniere particuliere; & dès-là pour ne pas paT. 3.P.37. roître inflexibles à l'égard des autres, lorfqu'ils cherchoient à flechir les Dieux en leur faveur, il eft très-croyable qu'ils regardoient ces lieux facrés où les coupables fe retiroient, comme des afyles inviolables.

Mem. de l'Ac.

(1) Mach. L. 2. c. 40.

Deut.

fué. 20.

4. Jo

Le Tabernacle, & le Temple de Jerufalem étoient des lieux d'Afyle (1), & fans doute que les premiers Autels élevés par les Patriarches l'étoient auffi, puifque Moyfe exclut les affaffins, qui fe refugioient auprès de ceux qu'il avoit élevés lui-même. Les Villes de refuge defignées par Moyfe, & établies par Jofué, étoient auffi des afyles (2). Le Paganisme (2) Num. 35 qui avoit imité plufieurs ufages du Peuple de Dieu, en avoit auffi fans doute pris celui du droit d'afyle; ainfi l'époque de la fondation des premiers Temples & des Autels parmi eux, feroit, fi on la fçavoit, celle de l'origine de ce droit. Tout ce qu'on peut affûrer c'eft qu'il eft très-ancien, fans qu'on puiffe déterminer au jufte le temps où il a commencé. Nous fçavons par Paufanias (3), que Cadmus l'accorda à la Ville, (3) in Beot. ou à la Citadelle qu'il fit conftruire en Beocie; & il y a apparence, comme le remarque M. Simon, que ce Prince, originaire de Phenicie, & voifin de la Palestine, ayant appris combien le concours des Coupables & des Debiteurs dans les Villes de refuge parmi les Juifs, avoit fervi à les peupler, employa le même moyen, pour attirer des habitans dans la fienne. Thefée pour Athenes, & Romulus pour sa nouvelle ville (a), uferent de la même politique, fi nous en croyons Plutarque (4). Diodore de Sicile (5) affûre que Cybele avoit fondé le droit d'afyle dans la Samothrace. Hercule l'Egyptien paffoit pour l'auteur de celui de Canope: celui de Diane Stratonia à Smyrne, & celui de Neptune Tenéen devoient leur institution à la réponse des Oracles.

(4) in Thef.

(5) in Rom.

L. 3.

Mais comme ce droit accordé aux Coupables, non seulement dans les Temples & près des Autels, mais dans les Villes mêmes qui prétendoient l'avoir, & en jouiffoient veritablement depuis un temps immemorial, auroit pû avoir des fuites fâcheufes, & autorifer le crime par l'efperance de l'impunité, l'asyle n'étoit que pour des delits involontaires. C'eft ce que repondoient les Atheniens, fuivant Thucydide (6), aux reproches des Beociens, en leur faifant enten- (6) Hist. L. 4. dre que leurs Autels n'étoient des afyles, que pour ces fortes de crimes. Nous fçavons par Tite-Live (7) que le meur

(a) Cet afyle de Romulus étoit entre deux Bois facrés, & fut nommé pour cela, inter duos lucos.

(7) Dec. 5. L. 9.

trier du Roi Eumenès, fut obligé d'abandonner le Temple de Samothrace, où il s'étoit refugié.

Ainfi les afyles étoient proprement pour les fautes involontaires, pour ceux qui étoient opprimés par une puiffance injufte, pour des efclaves outragés par des maîtres cruels, & pour des débiteurs traités indignement. Mais comme l'abus fe mêle toujours parmi les ufages les plus fagement établis, les criminels même condamnés à mort, trouvoient un afyle affûré dans le Temple de Pallas à Lacedemone; les banqueroutiers dans celui de Calydon en Etolie; les efclaves fugitifs dans celui de la Déeffe Hebé, à Phlius; & dans celui (1) Pol. L. 4. de Diane à Ephefe (1). Ce n'étoient feulement les Villes & les Temples qui fervoient d'afyle; les Bois facrés, les Autels en quelque lieu qu'ils fuffent, les Statues des Dieux, celles des Empereurs, & les Tombeaux des Heros, avoient le même privilege; & il fuffifoit qu'un coupable fût dans l'enceinte de ces Bois, ou qu'il eût embraffé un Autel, ou la Statue de quelque Dieu, pour être en fûreté. Le droit d'afyle une fois faifi, le criminel demeuroit aux pieds de l'Autel ou de la Statue, & s'y faifoit apporter à manger, jufqu'à ce qu'il pût se fauver commodement, ou appaifer fes Parties.

Pauf. in Cor.
Cioer. 6. in.
Verrem.

pas

L'afyle ne fut pas toujours inviolable; ou on en arrachoit quelquefois de force le coupable, ou on l'y laiffoit mourir de faim, foit en lui coupant les vivres, ou en murant le lieu où il s'étoit refugié, comme firent les Ephores à l'égard de (2) In Pauf. Paufanias, ainfi que nous l'apprenons de Cornelius Nepos (2). La fainteté des afyles auroit fans doute été violée plus fouvent qu'elle ne l'a été, fans les châtimens que les Dieux & les hommes avoient établis contre les profanateurs. J'ai dit les Dieux, parce que les calamités qui fuivoient quelquefois la profanation de ces lieux, étoient regardées comme l'effet de la vengeance divine. Ce fut en effet le jugement que l'on porta au fujet des maux qui defolerent l'Epire, après le meurtre de Laodamie, qui fut tuée dans le Temple de Diane. Voici comme Justin raconte cette hiftoire. Il ne reftoit dans toute l'Epire, du fang royal, que Neréis & Laodamie fă fœur. La premiere époufa le fils de Gelon Roi de Sicile,

& Laodamie qui s'étoit refugiée à l'Autel de Diane, y fut affommée par le peuple: mais les Dieux vengerent ce facrilege par des fleaux & des calamités, qui firent perir presque toute la Nation. A la fterilité, à la famine, à la guerre civile, fuccederent d'autres guerres qui acheverent de tout perdre; & Milon, celui-là même qui avoit porté le coup mortel à cette malheureuse Princeffe, devint furieux jufqu'au point de se dechirer les entrailles, & expira dans les douleurs le douziéme jour après le meurtre (1)..

(1) Juftin

On porta le même jugement, à l'occafion de la maladie Liv. 28. honteufe qui termina les jours de Sylla, qui avoit violé le droit des afyles. Les Oracles confultés après de pareilles profanations, prefcrivoient, non feulement pour les coupables, mais pour des villes entieres, des expiations folemnelles, ou des reparations publiques; & c'eft ainsi que les Lacedemoniens furent obligés d'élever deux Statues d'airain au malheureux Paufanias, dans le lieu même où il étoit mort.

Quoique M. Simon, dont je viens d'abreger la Differtation, femble croire que tous les Temples, les Bois facrés, les Autels, &c. fuffent des afyles, il y à cependant beaucoup d'apparence que tous ces lieux ne jouiffoient pas de ce droit, car les exceptions que font les Anciens, en l'attribuant à certains lieux, fans rien dire des autres, en font, felon moi, une preuve convaincante. Ainfi, fuivant Servius, le Temple de la Mifericorde étoit un lieu d'afyle à Athenes, & apparemment à Rome où l'on en bâtit un à la même Divinité. De même, le Temple de Diane d'Ephefe, jouiffoit du même droit, fuivant Ciceron (2); auffi bien que celui qui étoit bâti (2) in Ver en l'honneur de la même Déeffe en Epire, comme nous l'apprenons de Juftin (3).

Quoiqu'il en foit, les afyles cauferent plus de maux, par l'impunité qu'ils procurerent aux coupables, qu'ils ne firent de bien en fauvant quelques innocens, & Tibere, comme nous l'avons dit, fut obligé de les abolir.

rem.

(3) L. 28.

CHAPITRE I X.

Des Statues des Dieux, & de quelle maniere on les reprefentoit.

A

PRES avoir parlé des Temples & des Autels, il eft neceffaire de dire quelque chofe des Statues des Dieux, des lieux où on les plaçoit, & de la maniere dont ces mêmes Dieux étoient reprefentés. Pour renfermer dans quelques bornes une matiere qui d'elle-même eft très-étendue, j'examinerai 1°. ce qu'étoient les figures des Dieux avant que l'art de la Sculpture fût inventé. 2°. Ce qu'elles furent, lorfque cet art étoit encore groffier & imparfait. 3°. Le point de perfection où la Statuaire fut portée dans la fuite. 4°. La matiere qu'on employoit aux Statues des Dieux. 5. L'extrême grandeur, & l'extrême petiteffe de quelques-unes de ces figures. 6°. Les lieux où on les plaçoit le plus ordinairement. 7o. Enfin, par quels fymboles les Dieux y étoient diftingués.

Pour le premier article, il fuffit de fe rappeller ce que nous avons dit dans le Chapitre IV. fur la maniere groffiere dont on reprefentoit les Dieux, avant que l'art de la Sculpture fût en ufage. Il eft impoffible, & en même temps inutile de rechercher en quel temps, & par qui cet art fut inventé. Son origine fe perd dans la plus profonde antiquité. Il fuffit de fçavoir que les Egyptiens le poffedoient du temps de Moyfe, & peut-être long-temps auparavant. Les Statues de leurs Dieux, dont il eft parlé dans les Livres de ce faint Legiflateur, & celles de leur Dieu Apis, trop fidelement imitées par les Ifraëlites, qui l'adorerent dans le defert, fous la forme d'un boeuf ou d'un veau, le prouvent fans replique; & je ne doute pas que dans le temps même que les Peuples encore barbares & groffiers adoroient ou des maffes informes, ou de fimples troncs d'arbres, la Sculpture ne fût alors connuë non feulement en Egypte, mais encore dans la Syrie & les Pays voisins. Car les arts originaires des Pays que je viens de nommer, ne penetrerent que peu-à-peu dans l'Occident.

« AnteriorContinuar »