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donner celles qu'ils laiffoient en fri» che. Ils nous font, ajoûta-t-il, " le même tort que vous faifoient au"trefois les Sabins, ceux d'Albe & " de Fidene, & que vous font encore tous les jours les Eques, les Volf➡ques & tous vos voifins aufquels les » armes à la main vous avez enlevé » la meilleure partie de leur territoi» re; ainfi ceffez de vous intereffer " pour les Clufiens, de peur de nous apprendre par votre exemple à dé» fendre ceux que vous avez dépouil» lez de leur ancien domaine.

Les Fabius irritez d'une réponse fi fiere, diffimulerent leur reffentiment, & fous prétexte de vouloir én qualité de Médiateurs, conferer avec les Magiftrats de Clufium, ils demanderent à entrer dans la place. Mais ils ne furent pas plutôt dans la ville, qu'au lieu d'agir fuivant leur caractere, & de faire la fonction de Miniftres de la Paix, ces Ambaffadeurs trop jeunes pour un emploi qui exige une extrême prudence, s'abandonnant à leur courage & à l'impetuofité de l'âge, exhorterent les habitans à une vigourcufe défenfe. Pour leur en donner l'exem

ple, ils fe mirent à leur tête dans une fortie, & Q. Fabius chef de l'Ambaffade, tua de fa propre main un des principaux chefs des Gaulois. Brennus juftement irrité d'un telle procedé, ne fe gouverna point en barbare. Il envoya un Heraut à Rome pour demander qu'on lui livrât ces Ambaffadeurs qui avoient violé fi manifeftement le droit des gens; & en cas de refus, cet Envoyé avoit ordre de déclarer la guerre aux Romains.

Le Heraut étant arrivé à Rome. & ayant expofé fa charge, l'affaire fut mise en déliberation. Les plus fages du Senat vouloient qu'on punît ceux qui avoient violé fi manifeftement le droit des gens, ou du moins qu'on tâchât d'appaifer les Gaulois à force d'argent. Mais les plus jeunes emportez par leur cou-. rage, rejetterent cet avis comme indigne du nom Romain. L'affaire fut renvoyée à l'Affemblée du Peuple, & Fabius Ambuftus pere de ces Ambaffadeurs, qui, quoique Patricien, avoit fçu fe rendre agréable au peuple, fit une brigue fi puiffante, que non feulement il vint à bout de fai

An de Ro

me 363.

re renvoyer le Heraut fans fatisfaction, mais il eut encore affez de cre-dit pour faire créer fes enfans Tribuns militaires & chefs de l'Armée qu'onréfolut d'oppofer aux Gaulois. Brennus au retour de fon Heraut, tourna fa colere & fes armes contre les Romains, & marcha droit à Rome. Son Armée étoit nombreuse; tout fuyoit devant lui; les habitans des bourgades & des villages défertoient à fon approche; mais il ne s'arrêta en aucun endroit, & il déclara qu'il n'en vouloit qu'aux Romains.

Les Tribuns militaires fortirent de Rome à la tête de quarante mille hommes. Ils n'avoient gueres moins de troupes que Brennus; mais il y avoit plus d'ordre & d'obéiffance dans l'Armée des Gaulois. Les Generaux Romains depuis la difgrace & l'exil de Camille, n'ofoient agir avec une pleine autorité, & ils étoient réduits à diffimuler la licence & le peu de difcipline de leurs foldats, au lieu de leur commander avec cet empire abfolu qu'exige le fervice militaire. On remarqua même que ces Tribuns avant que de

fortir de Rome, ne facrifierent point aux Dieux, & qu'ils négligerent de confulter les Aufpices: ceremonies effentielles parmi un peuple rempli de fuperftition, & qui tiroit fon courage & fa confiance des fignes propices que les Augures lui annonçoient. Mais rien ne fit plus de tort aux Romains que la multitude des chefs. Il y avoit dans leur Armée fix Tribuns militaires, avec une égale autorité, la plûpart jeunes, & qui avoient plus de courage que de capacité. Ils s'avancerent avec audace au devant des Gaulois qu'ils rencontrerent proche de la riviere d'Allia, à une demie journée de Rome. Chaque nation rangea auffi-tôt fon armée en bataille. Les Romains pour n'être pas enfermez par les ennemis, étendirent les aîles & mirent leurs meilleurs foldats à la droite & à la gauche, ce qui rendit le centre plus foible. Ce fut l'endroit auquel les Gaulois s'attacherent ils eurent bientôt enfoncé & diffipé les cohortes qui occupoient ce pofte. Les deux aîles fe voyant coupées, & leur centre Occupé par les ennemis, prirent la

fuite fans tirer l'épée. Ce fut moins une bataille qu'une déroute generale ; & dans ce defordre le foldat effrayé, au lieu de regagner Rome, dont il n'étoit éloigné que de foixante ftades, fe jetta dans Veïes. An. deRo- D'autres fe noyerent en voulant me 363. paffer le Tibre à la nage: plusieurs Tit. Liv. pourfuivis par les ennemis, tombePlut. in rent fous le fer des victorieux ; quelCamillo. ques-uns feulement qui échaperent

1. s.

à leur fureur fe fauverent dans Ro

me où ils porterent la terreur & la
confternation.Le Senat croyant que
l'Armée entiere avoit été taillée en
pieces, & ne fe trouvant pas de for
ces fuffifantes pour défendre la ville,
jetta dans la fortereffe du Capitole
tous les hommes capables de porter
les armes. On y fit entrer tout ce
qu'on avoit pu ramaffer de vivres:
& afin de les faire durer plus long-
tems, on ne reçut dans la place que
ceux qui étoient capables de la dé-
fendre. La plupart des vieillards
des femmes & des enfans fe trouvant
fans chef & fans deffeins, fe fauve-
rent parmi les champs ou dans les
villes prochaines. Mais les anciens
Senateurs plutôt que
de porter leur

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