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Un genre de vie fimple & éloigné de toute intrigue n'a pu fournir aucun événement pour cette vie. Je me bornerai donc à dire qu'il avoit une forte de difficulté dans le caractère, effet naturel de la grande folitude à laquelle il s'étoit livré dès fa jeuneffe. L'idée feule qu'on vouloit manquer à la place qu'il occupoit à l'Académie le rendoit quelquefois épineux dans fes affemblées. Il étoit fobre, d'une probité exacte, affable, & exempt des goûts dont les plus grands hommes fe laiffent fi fouvent dominer; fon cœur étoit excellent; ceux qui le voyoient affiduement obtenoient aifément fa confiance; il ne pouvoit se perfuader, malgré les fréquentes expériences, qu'ils fuffent capables de le tromper.

Vancleve a été un de nos bons Sculpteurs, & un de ceux qui ont le plus travaillé de nos jours. L'amour de fon art le dominoit tellement, que pour s'y livrer plus librement, il fe leva conftamment, durant le cours de fa vie, à quatre heures du matin. Extrêmement curieux de bien faire, fes premières idées le contentoient peu, il revenoit deffus, & lorfqu'elles étoient arrêtées, le choix & l'imitation de la nature lui faifoient recommencer le même travail. La dif

ficulté de l'avoir fans ceffe fous les yeux, l'avoit déterminé à mouler beaucoup de figures de femmes entières. Ces guides avoient cela d'utile, qu'ils l'empêchoient de s'écarter trop de la nature, mais ils n'étoient pas exempts de féchereffe; notre artiste l'auroit évitée en travaillant d'après des deffins. Faut-il s'étonner que les Sculptures de Vancleve foient quelquefois privées d'une foupleffe qui caractérise la chair, & fans laquelle on peut reprocher aux meilleurs ouvrages d'être maniérés ?

Notre artiste qui avoit paffé par les différens grades de l'Académie, fut élevé en 1715 à celui de recteur, & enfin à celui de chancelier en 1720. Il mourut à Paris à l'âge de quatre-vingtfept ans, le dernier jour de l'année 1732. Il n'eut qu'un fils Sculpteur qu'il perdit en 1710, âgé de vingt-huit ans. Ce fils avoit fait le voyage de Rome, & étoit agréé à l'Académie.

AUGUSTIN CAYOT, né à Paris en 1667, travailla quatorze ans fous Vancleve, & fut reçu académicien en 1711. On voit de lui, à NotreDame, deux anges adorateurs au maître autel, & dans les falles de l'Académie, le défespoir de Didon au moment du départ imprévu d'Enée.

PIERRE FRANCAVILLE(1). Né à Cambrai en 1648, ce Sculpteur étoit

d'une famille noble de la Flandre. Dès l'âge le plus tendre, il montra un goût décidé pour le deffin, & dans fes amusemens mêmes, il faifoit paroître une imagination aussi singulière que féconde. Ses parens, dont les vues étoient bien différentes, s'emprefsèrent de le confier à un maître lui apprendre les belles lettres. pour On lui recommanda furtout d'ufer de la plus grande févérité envers fon élève, toutes les fois qu'il employeroit à l'exercice des arts fes heures de récréation. L'efprit du jeune homme, quoique contrarié dans fon goût dominant, s'appliqua avec tant de fuccès à des études qui n'étoient pas de fon choix, que le maître & fes parens en furent également étonnés.

Cependant il découvre dans la maison paternelle un galetas que perfonne ne fréquentoit. Il y porte auffitôt de la terre, de la cire, du linge, & autres chofes néceffaires à la pratique de l'art qu'il chérit. Ses précautions pour dérober

(1) Baldinucci,

fes occupations, aux yeux de fon père, furent bientôt inutiles; on découvrit fon attelier, & tous fes meubles furent jetés par la fenêtre. Une févère réprimande qui accompagna cet acte d'autorité paternelle, rendit encore le jeune homme plus fenfible à ce malheur. Il ne s'occupa plus que des moyens de quitter la maifon de fon père pour fe confacrer à la Sculpture. Celui auquel il s'arrêta fut de demander la permiffion de voyager en France, afin d'apprendre la langue qui lui feroit, difoit-il, d'un grand fecours dans la carrière des belles-lettres. Il avoit alors feize ans: fon père lui permit d'aller à Paris, & mit le comble à fa joie en lui procurant une liberté fi defirée.

Arrivé dans cette capitale, Francaville ne rouva plus d'obstacle à franchir. Son goût, fon choix, je dirois prefque un efprit de contradiction lui firent choifir un bon maître de deffin, chez lequel il refta l'efpace de deux ans. Il s'étoit lié d'amitié avec plufieurs collègues d'étude qu'il fuivit en Allemagne, & il s'arrêta à Infpruck. Un Sculpteur en bois qui entendoit affez bien les règles du deffin &- des proportions plut à Francaville; il travailla chez lui durant cinq ans. La manière de ce Sculpteur

devint la fienne dans des morceaux dignes de l'approbation générale. Le maître charmé de ce talent précoce, en parla à l'archiduc Ferdinand, qui témoigna beaucoup d'envie de le connoître. Francaville avoit l'efprit fort orné, & fa converfation fur des matières intéreffantes charma l'archiduc.

Notre artiste resta fix ans à Inspruck, au bout defquels il partit pour Rome avec l'agrément du prince. On devine affez l'objet de ce voyage. L'archiduc lui avoit donné des lettres de recommandation pour Florence, adreffées à Bologna, qui le reçut à bras ouverts. Il n'oublia rien pour le mettre en état de fe diftinguer dans fon art Ce fut un grand avantage pour lui de trouver en cette école plufieurs jeunes gens, la plupart flamands, occupés uniquement des arts & des mathématiques; c'eft ce qui lui donna une fi grande affection pour la ville de Florence. Il difoit à ce fujet, qu'il n'en avoit trouvé aucune auffi remplie d'excellens fujets en tout genre.

Un noble florentin nommé l'abbé Antoine Bracci, amateur des arts, poffédoit, en 1574, une maison de campagne à deux lieues de cette ville. Il vouloit l'orner de ftatues faites par un

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