Imágenes de páginas
PDF
EPUB

& levant les mains, prit Dieu à témoin, que ce n'étoit pas fon ouvrage : & pour finir ces miferes, il fit continuer fes travaux.

XXXVIII.
Violences des

Les féditieux continuoient auffi leurs violen- xxxvIII. ces. Simon accufa le pontife Matthias d'être pour féditieux. les Romains, & le condamna à mort, fans lui vi. Bell, 8.15. permettre de fe défendre; quoique ce pontife l'eût fait entrer lui-même dans la ville. Simon fit auffi mourir les trois fils de Matthias à fes yeux : & quoiqu'il demandât à mourir le premier, il ne put obtenir cette grace; & leurs corps demeurerent fans fépulture. Simon fit encore perir dixfept autres perfonnes confidérables. Il fe rendit fi odieux, que Judas, un de ceux qui commandoient fous lui, voulut livrer aux Romains une tour dont il avoit la garde : mais Simon le prévint & le fit mourir avec fes complices, au nombre de dix. D'un autre côté Jean qui étoit enfermé dans le v1.6.16. temple, ne pouvant plus piller le peuple, pilla le temple même. Il fondit plufieurs des pieces qui étoient confacrées à Dieu; & même des vaiffeaux néceffaires pour le fervice : des coupes, des plats, des tables difant à fes gens, que l'on pouvoit hardiment se servir pour Dieu, de ce qui étoit à Dieu : & que le temple devoit nourrir ceux qui le défendoient. Ainfi ils confumoient fans fcrupule l'huile deftinée aux facrifices, & le vin facré, dont ils prenoient fans mesure.

:

Cependant quelques-uns du peuple s'écha. VI.C.26, poient toûjours pour passer aux Romains, & se

VI. c.ult.

fauver de la famine. Ils étoient en flez comme des hydropiques, & crevoient bientôt de la nourriture qu'ils prenoient tout d'un coup avec excés, à moins que d'ufer d'une grande difcrétion. Un de ces transfuges fut furpris par des Syriens, comme il ramaffoit des pieces d'or dans fes excrémens. Car il y avoit une grande quantité d'or dans la ville; & ils l'avoient avalé, pour le dérober aux recherches exactes des féditieux. Le bruit fe répandit dans le camp, que ces transfuges étoient pleins d'or. En forte que les Arabes & les Syriens leur ouvroient le ventre, & cherchoient dans leurs entrailles. En une nuit on en trouva deux mille ainfi éventrez. Tite l'ayant apris, penfa d'abord envoyer de la cavalerie, pour tirer fur les coupables. Mais voyant qu'ils étoient en plus grand nombre que les morts: il fe contenta d'a peller les chefs des troupes auxiliaires, & même des fiennes, car quelques Romains auffi étoient accufez de cette barbarie : & declara qu'il puniroit de mort quiconque en feroit convaincu. Nonobftant cette défense, les Syriens & les Arabes en éventrerent encore plufieurs, feulement ils fe cachoient des Romains; mais la plûpart ne trouverent rien, & commirent inutilement cette cruauté.

Mannée, un des transfuges, raconta à Tite, que par une feule porte, dont il avoit la garde, on avoit enlevécent quinze mille huit cens quatre-vingts corps: depuis le 14. d'Avril où le fiege

avoit commencé, jufques au premier de Juillet;
& cela des pauvres seulement, que l'on enterroit
aux dépens du public : ce qui l'obligeoit à les
compter pour payer les porteurs. Les parens en-
terroient les autres. D'autres transfuges dirent que
l'on avoit jetté par les portes fix cens mille corps
de pauvres. Le refte ne fe pouvoit compter. Et
comme il n'étoit plus poffible d'enlever les pau-
vres; on les entafloit dans les plus grandes mai-
fons, que l'on fermoit quand elles en étoient
pleines. Ces transfuges ajoûtoient, que la mefu-
re de bled fe vendoit un talent, qui eft au moins
deux mille livres : & que comme on ne pouvoit
plus aller dehors cueillir des herbes, il y en avoit
qui foüilloient jufques dans les égouts, où ils
cherchoient de vieille fiente de bouf: & man-
geoient ce qu'auparavant ils n'auroient pû regar-
der. Les Romains étoient touchez du feul récit
de ces miféres: mais les Juifs factieux n'étoient
touchez de les voir. Leur fureur en augmen-
pas
toit: & ils marchoient fans horreur fur les mon-
ceaux de corps dont la ville étoit pleine, pour
aller au combat contre les étrangers, avec des
mains enfanglantées du meurtre de leurs ci-
toyens. Ce n'étoit plus l'efperance de vaincre,
mais le defefpoir de fe fauver, qui leur donnoit
du courage.

Les Romains firent de nouvelles plateformes avec bien de la peine, à caufe de la rareté du bois, qu'il faloit aller chercher jusques à quatre-vingts

VII. Bell. I.

VII. Bell. 4.

ge

XXXIX.

fon cufant.

VII. 7.

dix stades, c'est à-dire prés de quatre lieuës, &
ils en dépouillerent tout le païs : en forte que les
environs de Jerufalem, auparavant délicieux à
voir, furent entierement défigurez & mécon-
noissables. Enfin aprés des combats furieux, Tite
prit la fortereffe Antonia: la ruina, & vint jus-
ques au temple le 17. de Juillet jour auquel le
Tamide ou facrifice perpetuel avoit ceffé faute
d'hommes, pour
, pour l'offrir ce qui affligeoit extré-
mement le peuple. Tite effaya encore par Jofeph,
& par lui-même d'obliger les féditieux à fe ren-
dre, fans forcer le lieu faint, mais inutilement. Il
vint aux attaques, & ferendit maître des deux ga-
leries exterieures du temple, qui le fermoient au
feptentrion, & à l'occident. Les Juifs avoient dé-
ja brûlé une partie de ces galeries, & les Romains
acheverent.

Cependant la famine croiffoit toûjours dans Mere qui man- la ville. Sur la moindre apparence de nourriture dans une maison, c'étoit une guerre : & les perfonnes les plus cheres en venoient aux mains. Les voleurs couroient comme des chiens enragez la gueule béante: frapoient aux portes, & rentroient aux mêmes maisons, deux ou trois fois en une heure. On mettoit tout fous la dent: même ce qui ne feroit pas à l'ufage des bêtes les plus fales. Ils ne laifferent, ni leurs ceintures, ni les courroyes de leurs fandales, ni les cuirs de leurs boucliers. On mangeoit les restes de vieux foin : on en ramaffoit jusques aux moindres brins, dont

une

une petite quantité fe vendoit au poids, quatre dragmes attiques: on eftime la dragme, environ huit fous de nôtre monoye.

Une femme nommée Marie, fille d'Eleazar d'audelà du Jourdain,diftinguée par fon bien & par fa naiffance, fe trouva comme les autres enfermée dans la ville Les féditieux lui prirent tout ce qu'elle avoit aporté, & enfin le refte de fes joyaux; & jufques à la nourriture, qu'elle pouvoit trouver de jour en jour. Outrée de douleur, elle les chargeoit d'injures & de maledictions: faifant fon poffible pour les obliger à la tuer. Enfin preffée de la faim & du defefpoir, elle prit fon enfant qu'elle nourriffoit de fon lait : & le regardant avec des yeux égarez, elle dit : Malheureux enfant, à qui est ce que je te garde? Eft-ce pour mourir de faim, ou pour devenir efclave des Romains, ou pour tomber entre les mains de ces féditieux encore pires ? Elle le tue, le rôtit, en mange la moitié, & cache le refte. Aufli-tôt les féditieux accoururent, attirez par l'odeur de la viande ; & tirant leurs épées menaçoient lå femme de l'égorger fur le champ, fi elle ne la leur montroit. Je vous en ay gardé une bonne part, dit-elle, & leur découvrit ce qui reftoit de fon enfant. Ils furent faifis d'horreur, & regardant fixement ils demeuroient im-. mobiles & hors d'eux-mêmes. Elle continua : C'est mon enfant, c'eft moi qui l'ai tué : vous en pouvez bien manger aprés moi. Vous n'êtes pas plus délicats qu'une femme, ni plus tendres qu'une

Tome I.

LI

« AnteriorContinuar »