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tout favant qu'il étoit, ne trouvoit dans toute l'hifAN. 167. toire de l'églife, aucun exemple plus ancien pour autorifer les papes à dépofer les fouverains.

XLIII.

en Normandie.

Les deux légats que le pape Alexandre avoit acArrivée des légats cordez au roi d'Angleterre pour terminer l'affaire de S. Thomas de Cantorberi, partirent de Rome, le premier jour de Janvier 1167. mais ils n'arriverent en Normandie où étoit le roi, que vers la fin de l'été. Depuis leur départ le pape aprit que Jean d'Oxford triomphoit du bon fuccès de sa négociation â Rome; & qu'il publioit que ces légats venoient pour juger l'archevêque & le condamner, & que le pape avoit déja exempté de fa jurisdiction plufieurs prelats, & plufieurs autres perfonnes confidérables d'Angleterre. Le pape aprit aufli que ces bruits qui couroient troubloient non-feulement l'archevêque, mais le roi de France & les feigneurs de fon roïaume. C'est pourquoi il écrivit aux deax cardinaux légats Guillaume de Pavie & Otton, qu'ils travaillassent de tout leur pouvoir à consoler l'archevêque, à lui ôter rout foupçon & le réconcilier avec le roi d'Angleterre ; & que jufqu'à ce que cette réconciliation fut entierement faite, ils ne fiffent rien d'important dans fes terres, & n'entraffent point dans son roïaume, quand même il le voudroit. Autrement, ajoûte-t-il, vous nous expofcriez & vous auffi, à plufieurs mauvais difcours. La lettre eft dattée de Latran le feptiéme de

11. ep. 23.

Mai.

Le pape écrivit auffi au roi de France, pour lui donner part de l'envoi des légats & le prier d'em

ploïer fes offices pour la réconciliation de l'archevêque avec le roi d'Angleterre. Et en cas,ajoûte-t-il, qu'elle ne fe puiffe faire, nous voudrions bien, fi vous l'aviez agréable, & s'il fe pouvoit fans choquer les perfónnes confidérables de vôtre roïaume, qu'il y exerçât nos pouvoirs en qualité de legat. C'étoit pour confoler Thomas de la fufpenfion de fon pouvoir en Angleterre, que le pape lui vouloit donner cette légation en France: mais il est remarquable qu'il demandoit pour cet effet le confentement du roi & des grands.

An. 1167.

II. ep. 14.21. 22.

On void les plaintes de Thomas fur l'envoi des 1. ep. 165. légats Guillaume & Otton, par les lettres qu'il 1. p. 167. écrivit dés qu'il en cut la premiere nouvelle, par une lettre du fofidiacre Pierre Lombard au pape, où il marque l'indignation du roi de France, qui menaçoit de défendre aux légats l'entrée de fon roïaume; enfin par une lettre de Jean de Sarifberi, ep. ult. où il dit que le roi d'Angleterre fe vantoit d'avoir le pape & tous les cardinaux dans fa bourse, & de jouir des mêmes prérogatives que fon aïcul, qui étoit dans fes états roi, légat, patriarche, empercur, & tout ce qui lui plaifoit. Puis il ajoûte: Qu'auroient pû lui donner de plus les antipapes Octavien & Gui de Ciême ? On écrira ceci dans

les annales de l'église Romaine, que le pape, touché des prieres & des ménaces du roi d'Angleterre, dont il a fouffert fi long-tems les excès intolerables, a dépouillé de fes pouvoirs fans forme juridique, un prélat exilé depuis prés de quatre ans avec une infinité d'innocens, pour la cause de Dieu

Vita 11. c, 22.

& la défense de la liberté, non parce qu'il l'a meAN. 1167. rité, mais parce qu'il a plû au tyran. C'est au pape à pourvoir à fa confcience, à fa réputation & au fa1. ep. 165. lut de l'églife. Les deux légats étoient fufpects à 11. ep. 10. l'archevêque, mais particulierement Guillaume de 13. ep. 19. 20. 25. Pavic, qu'il regardoit comme fon ennemi déclaré & entierement livré au roi. Il lui écrivit à lui-même qu'il ne le recevoit point pour juge; & il lui avoit écrit des letrres encore plus dures qu'il fupprima par le confeil de Jean de Sarifberi.

Chr.Gervaf.1167.

Ĉette année 1167. la guerre se ralluma entre les deux rois de France & d'Angleterre, pour la ville de Toulouse & pour d'autres caufes, entre lesquelles on comptoit comme la principale, l'affaire de faint 11. ep. 34. Thomas de Cantorberi. Le pape l'aïant apris écrivit aux deux legats Guillaume & Otton, d'emploïer tous les moïens poffibles pour rétablir la paix entre ces deux princes, dont l'union étoit fi importante à l'églife. Il leur défend. expreffement d'entrer en Angleterre & de fe mêler des affaires de ce roïaume, principalement des confecrations des évêques, avant la pleine réconciliation de l'archevêGervaf. p. que Thomas avec le roi. La lettre eft dattée de Benevent le vingt-deuxiéme d'Août 1167. Pour cet effet les légats vinrent à Sens conferer avec l'archevêque, j'entens l'archevêque de Cantorberi, afin de négocier la paix. De-là ils allerent vers le roi d'Angleterre ; & le trouvant trop opiniâtre dans son fentiment, ils prirent jour pour une conference avec l'archevêque, à l'octave de la S. Martin. Le roi d'Angleterre avoit dit aux légats que Thomas

étoit la cause de la guerre, & qu'il étoit allé fur les lieux, animer contre lui le roi de France & le comte de Flandres.

An. 1167.

11.

XLIV. Conference de

La conference se tint au jour marqué dix-huitiéme de Novembre 1167. entre Trie & Gifors, qui Giforts. étoit la frontiere de France & de Normandic. L'ar- . cp. 27. 28. 30. chevêque de Rouen s'y rendit avec les légats: mais les évêques & les abbez d'Angleterre que le roi avoit appellez demeurerent à Roüen, l'archevêque de Cantorberi étoit accompagné de quelquesuns de ceux qui l'avoient fuivi dans fon exil. Les légats parlerent les premiers relevant la charité du pape, le foin qu'il avoit de l'archevêque, les fatitigues & les périls qu'ils avoient effuïez dans ce voiage. Ils reprefentoient encore le befoin de l'églife & le malheur du tems, la grandeur du rci d'Angleterre, l'amitié & les bienfaits dont il avoit prévenu l'archevêque, & l'honeur qu'il lui avoit toûjours rendu : enfin fes plaintes contre lui, particulierement touchant la guerre dont il le faifoit l'auteur. Sur tout cela ils demandoient à l'archevêque comment ils pourroient appaifer le roi, ajoûtant qu'il y falloit emploïer de fa part beaucoup de

modération & d'humilité.

L'archevêque s'étant retiré à part délibera avec les fiens, puis il commença par rendre graces au pape & aux legats, répondit aux plaintes du roi, & reprefenta les torts qu'il avoit faits à l'église. Quant à la foûmiffion que les légats lui demandoient, il répondit, qu'il la readroit au roi la plus grande & la plus refpectueufe qu'il lui fcroit poffi

ble, fauf l'honeur de Dieu & le fien, la liberté & AN. 1167. les biens de l'églife, leur demandant s'il у avoit à augmenter ou diminuer de ces conditions. Les légats répondirent, qu'ils n'étoient pas venus lui donner confcil, mais le lui demander & tenter les voïes de la réconciliation : puis ils ajoûterent, qu'il faloit venir en particulier, & lui demanderent s'il vouloit promettre en leur prefence d'observer les coûtumes dont les rois avoient joüi du tems de fes prédeccffeurs, & rentrer ainfi dans les bonnes graces du roi. Il répondit, qu'aucun roi n'avoit jamais exigé cette promeffe d'aucun de fes prédeceffeurs ; & que jamais il ne promettroit d'obferver des coûtumes manifeftement contraires à la loi de Dieu, aux prérogatives du faint fiége & à la liberté de l'églife, que le pape avoit condamnées à Sens en leur prefence, & contre lefquelles il avoit depuis lui-même prononcé anathêmc.

On lui demanda encore s'il vouloit du moins promettre de diffimuler & tolerer ces costumes. Il répondit par le proverbe : Qui ne dit mot confent ; & que le roi prétendant être en poffeffion de ces coûtumes, fi on ceffoit de s'y oppofer, & que l'autorité des légats y intervint, elles fembleroient établies pour lui & pour les autres. Thomas ajoûta qu'il aimoit mieux être toûjours en exil & mourir pour la juftice fi Dieu l'avoit ordonné, que de faire une telle paix au préjudice de son falut & de la liberté de l'églife. Car c'eft en ce cas que Dieu défend aux évêques de fe taire fous peine de damnation. On lut les articles de ces coûtumes, & il

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