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demanda aux cardinaux fi elles pouvoient être ob-
fervées
par des Chrétiens, ou diffimulées par des

pasteurs.

AN. 1167.

Les légats lui demanderent enfuite s'il vouloit s'en tenir à leur jugement, touchant les differens qu'il avoit avec le roi. Il répondit, que quand lui & les fiens feroient pleinement rétablis dans tous les biens dont on les avoit dépouillez, il obéïroit volontiers à la juftice, & fe foûmettroit à ceux dont le pape lui ordonneroit de fubir le jugement. Que cependant il étoit trop pauvre pour être obligé à foûtenir un procés, ne fubfiftant même qu'aux dépens du roi de France. Il ne voulut pas recufer le cardinal de Pavic, quoi qu'il crût en avoir sujet, pour ne pas s'engager dans un nouveau procès avant que d'être reftitué. Les légats lui demanderent encore s'il vouloit répondre devant eux aux évêques qui avoient appellé au pape contre lui, parce qu'ils étoient prefens. Il répondit de même, qu'il n'avoit reçû aucun ordre du pape fur ce fujet ; & que quand il l'auroit reçû, il feroit ce qui feroit raifonable. Le lendemain le roi de France 1. ep. 27. donna audience aux légats & juftifia Thomas au fujer de laguerre, affurant même avec ferment que ce prélat lui avoit toûjours confeillé d'entretenir la paix avec le roi d'Angleterre.

Les légats allerent rendre compte au roi d'Angleterre de ce qui s'étoit paffé à la conference; & pour cet effet, ils fe rendirent à Argentan le dimanche vingt-fixiéme de Novembre. Le roi vint deux licuës au devant d'eux, & les conduifit jufques

XLV.

Conference d'Ar

gentan.

à leur logis. Le lendemain après la messe il les apAN. 1167. pella affez matin, ils vinrent chez lui & entrerent au confeil dans fa chambre avec les archevêques, les évêques & les abbez qui y furent admis. Après qu'ils curent été renfermez environ deux heures ils fortirent, & le roi conduifit les légats jufques à la porte de la chapelle en dehors, & dit publiquement devant eux : Puiffai-je ne jamais voir aucun cardinal! il les renvoïa avec tant de précipitation, qu'encore que leur logis fût affez proche, on n'attendit pas que leurs chevaux fusmais on leur donna des chevaux qui fe trouverent par hazard les plus près devant la chapelle. Ainfi les légats s'en allerent accompagnez de quatre perfonnes au plus. Les archevêques, les évêques & les abbez demeurerent avec le roi & rentrerent au confeil dans la chambre. Aprés qu'ils y furent demeurez presques jusques à l'heure de vêpres, ils allerent trouver les légats, paroiffant tous avoir le vifage troublé, y aïant été quelque tems, ils retournerent à leurs logis.

fent venus

&

Le lendemain mardi après avoir demeuré chez le roi jufques à midi, les prélats allerent trouver les légats portant de part & d'autre des paroles fecretes. Le mercredi vingt-neuf qui étoit la veille de S. André, le roi fortit de grand matin avec des chiens & des oiseaux pour aller à la chaffe: ce qu'on crut qu'il faifoit exprès pour s'abfenter. Cependant les évêques s'affemblerent affez matin dans la chapelle du roi, puis dans la chambre, & après y avoir

AN. 1167.

XLVI.

Thomas.

yavoir tenu confeil, ils allerent à l'églife près de laquelle les légats étoient logez. Les légats y furent appellez pour entendre ce qu'on devoit propofer, & ils y prirent feance au milieu, àïant à leurs côtez les archevêques de Roüen & d'Yore, les évêques de Vorchestre, de Sarifberi, de Baïeux, de Londres, de Chicheftre & d'Angoulefme, avec plusieurs abbez & une grande multitude de laïques. Alors Gilbert évêque de Londre se leva,& adresfant la parole aux légats, il dit : Vous avez oüi di- Appel contré re que nous avons reçû des lettres du pape & nous les avons en main. Elles portent que quand vous nous appellerez nous allions vous trouver, & que vous avez plein pouvoir de terminer l'affaire qui eft entre le roi & l'archevêque de Cantorberi, & entre nous & ce même prélat. C'eft pourquoi aïant apris vôtre arrivée en ces quartiers, nous fommes venus vers vous, prêts à intenter action ou à répondre, & à nous en tenir à vôtre jugement. Le roi offre la même chose, c'est-à-dire, d'approuver la fentence que vous prononcerez entre lui & l'archevêque quelle qu'elle foit. Puis donc qu'il ne tient ni au roi, ni à vous, ni à nous que l'ordre du pape ne s'execute, on l'imputera à qui il appartient. Mais parce que l'archevêque fait tout précipitamment, fufpend & excommunie avant que d'admonefter: nous prévenons par un appel fa fentence prématurée. Nous l'avons déja interjetté, nous le renouvellons, & cet appel comprend toute l'Angleterre.

Enfuite l'évêque de Londres expliqua ainfi la

differend entre le roi & l'archevêque. Le roi lui AN. 1167. demande quarante mille marcs d'argent, à cause des revenus dont il avoit la recette quand il étoit chancelier : à quoi il répond, qu'il n'étoit obligé à aucun compte quand il fut promû à l'archevêché ; & quand il y auroit été obligé, il en auroit été rendu quitte par fa promotion. Car il croit que l'ordination aquitte les dettes comme le batême remet les pechez. L'Evêque rapporta enfuite les caufes de l'appel, que lui & les autres évêques d'Angleterre avoient interjetté : savoir leur oppreffion & le péril du fchifme, que le roi auroit peut-être embraffé s'ils avoient obéï à l'interdit de l'archevêque. Il dit auffi que l'archevêque décrioit le roi à cause de ses ordonnances; & là il déclara publiquement, que le roi levoit la défense d'appeller à Rome, qu'il l'avoit fait en faveur des pauvres clercs, mais qu'il la levoit à cause de leur ingratitude: qu'en matiere profane ils plaidaffent devant le juge laïque, en matiere ecclefiaftique, qu'ils demandaffent leur renvoi. L'évêque de Londres propofa enfin fes griefs particuliers contre l'archevêque, & dit: Il veut me foûmettre à une servitude nouvelle, m'obligeant à envoïer fes lettres par toute l'Angleterre, à quoi quarante couriers ne me fuffiroient pas. Il a exempté de ma jurifdiction environ quarante églises, & il a fon doïen à Londres, devant qui il prétend que leurs caufes doivent être portées. Ainsi je fouffre plus de vexation de fa part qu'aucun autre évêque,

L'évêque de Sarifberi adhera à cet appel tant pour lui, que pour l'évêque de Vincheftre. L'archidiacre de Cantorberi & un moine de la même église appellerent auffi : & tous demanderent aux legats des apôtres ou lettres d'appel, qui leur furent accordées. Les legats quitterent le roi le mardi d'après le premier dimanche de l'Avent, c'est-àdire le cinquième de Decembre ; & en cette fepa ration le roi pria les légats avec grande humilité d'interceder auprès du pape, pour le délivrer abfolument de l'archevêque; il répandit même des larmes & le legat Guillaume parut en répandre : mais le légat Otton eut peine à s'empêcher de rire, jugeant apparemment que ces larmes n'étoient pas ferieufes. Le légat Guillaume envoïa un de ses clercs porter en diligence au pape les nouvelles de ce qui s'étoit paffé ; & le roi fui envoïa aussi deux deputez. Le famedi neuviéme de Decembre les légats étant à Evreux envoïerent encore deux deputez au pape, pour lui denoncer l'appel des prelats d'Angleterre. C'eft ce que contient la relation qui fut envoïée auffi-tôt à S. Thomas par un de fes

confidens.

An. 1167.

On voit quelques autres circonftances dans une 1. p. 26; lettre de Jean de Sarifberi à l'évêque de Poitiers, où il dit : qu'après la conference de Gifors les légats trouverent le roi fi troublé, qu'il se plaignoit publiquement d'être trahi par le pape, & menaçoit de le quitter, s'il ne lui faifoit justice de l'archevêque de Cantorberi. Après plufieurs confeils tenus de part & d'autre, où le roi confultoit tan

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