En entrant dans la maifon du Réfident, nous le trouvâmes à la porte où il étoit venu recevoir Son Excellence; ils montérent ensemble, & T'Ambaffadeur de France eut toujours la droite. Après qu'ils eûrent parlé d'affaire, ils dînérent, & toute fa fuite fut fervie avec autant de magnificence que de profufion; on but à la santé du Roy, & enfuite à celle de l'Empereur.

manie

cele

Le dix de Novembre fut le De jour du Bairan des Turcs; c'eft- quelle à-dire de leur Pâque, qu'ils ce- re les lebrent avec folemnité, après Turcs avoir jeûné pendant la révolu- brent tion d'une Lune. Leur jeûne leur confifte à ne point manger pen- & leur dant le jour, & ils pouffent la Romafuperftition jufqu'à ne pas prendre une goutte d'eau ; & ce qui eft plus infuportable pour eux,

ils

Bairan

dan.

ils n'oferoient même fumer, & l'on puniroit fort rigoureufe-, ment une perfonne qui n'auroit pas obfervé le jeûne avec cette régularité, fur-tout s'il avoit joint à fon intempérance, la prévarication de la Loi, qui deffend aux Turcs de boire du vin. Dans le dernier Romadan il y eut un malheureux qui fut trouvé yvre, & on lui fit avaler du plomb fondu, dont il mourut fur le champ. Mais par une bizarrerie qui fait bien voir que les paffions trouvent toûjours leur compte, la plupart des Turcs fe dédommagent bien la nuit de l'abftinence qu'ils ont observée dant le jour; dès que les étoiles commencent à paroître, ils fe mettent à table & paffent la nuit à faire bonne chere & à fumer: ainfi leur mortification confifte à renverser l'ordre de la nature,

pen

&

7

&à joindre à une continence-ri-
goureuse une débauche immo-
dérée Dès que le Bairan eft ar-
rivé, les Turcs ne gardent plus
aucune mesure ; ils s'enyvrent
la plûpart & courent comme des
furieux dans les rues, ce qui fait
qu'on n'ofe prefque y paroître
alors, parce qu'ils frapent fou-
vent, fans aucun égard, ceux
qu'ils rencontrent, ce qui ne
doit pourtant s'entendre que de
la canaille, qui dans tous les Païs
du monde n'a pas plus de rete-
nuë; car les Turcs ne font ici, à
la fin de leur Carême, que ce
qu'on fait ailleurs avant que de le

commencer.

du Sul

Le Grand Seigneur fit en ce Ordontems-là un Réglement pour la nance Marine, qui pourroit avoir, s'il tan conétoit bien executé, des fuites cernant la Ma avantageuses à l'Empire Otto- inc man. Il deffendit de fabriquer à

Tome I.

B

l'a

B

Départ

l'avenir des Saiques & des Lon dres, qui font les Bâtimens or dinaires dont les Marchands fe fervent pour le transport de leurs marchandises, & il ordonna qu'on ne fit plus que de bons Vaiffeaux, dont les moindres feroient de so..canons, & les plus forts de 90. afin d'être en état de résister aux Corfaires qui leur font une guerre déclarée ; & fur ce qu'il fut reprefenté à Sa Hauteffe, que les Raïs ou Capitaines qui montoient ces fortes de Bâtimens étoient presque tous Chrétiens, & qu'ils devien droient trop redoutables s'ils venoient à commander des Vaiffeaux plus forts, il répondit qu'on auroit foin deformais de ne les confier qu'à des Officiers

Turcs.

Après avoir fait quelque re

de l'Au- cherche de Médailles à Conftan

& la

tinople, je réfolus de faire un pour la Voyage par terre dans la Macé- Thrace doine; ainfi aiant loüé deux che Macévaux d'une Caravane qui y al- doine, loit, je partis le 9 Novembre, & après une heure de chemin j'arrivai à un gros Bourg nommé Evafere, qui eft le lieu où les Caravanes s'affemblent pour aller à Salonique. Le 11. tout le monde partit, quoiqu'il fit une fort groffe pluie, & nous commençâmes à traverser la Romanie ou la Thrace. Comme ce Païs eft rempli de Montagnes du côté du Nord, les Voyageurs fuivent le bord de la Mer, où les chemins font moins difficiles.

de la

Cette partie de la Turquie, Deferi qu'on appelloit autrefois le ption Roiaume de Thrace, fut nom- Thramée Romanie, depuis que les ce ou Empereurs d'Orient Y eûrent nie, B 2 éta

Roma