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envisage le gouvernement, la valeur, les Etats & les richeffes; & il fut le plus grand de tous les Rois.

On a toujours admiré dans les fondateurs des Empires un concours de grandes vertus. Les belles inclinations font l'honnête homme, & les grandes qualités font les grands

Rois.

Les actions des fondateurs ont êté ordinairement fi prodigieufes, que le récit en eft plus fouvent regardé comme un jeu de l'efprit, que comme une vérité éxacte de l'hiftoire. Leurs Nations les ont élevés audeffus des hommes, elles les ont égalés aux Dieux : les Etrangers se sont portés vers l'autre extrémité, ils les ont regardés comme des héros fabuleux.

Xénophon confacra fon élégante plume à la gloire de Cirus, chef de l'Empire des Perfes : la trop grande perfection où le héros eft élevé, a fait perdre toute (3) créance à l'hiftorien. La postérité a cru que Xénophon avoit

,

(3) C'eft une erreur qui eft com- | mune à Gracian & à plufieurs Savans de regarder la Ciropédie de Xénophon, comme un Roman. Platon eft le premier qui a donné lieu à cette erreur. Je conjecture, dit-il, livre 3 des Loix que Cirus a été un habile Général & qu'il avoit un grand foin des bonnes mœurs; mais il me paroit qu'il n'a pas fuivi les véritables régles de la politique, ni fçu la maniére dont il faut gouverner une maifon, puifqu'il a fait élever fes fils par des femmes. Mais eft-ce dire que la Ciropédie de Xénophon foit un Roman? Ciceron parle plus afirmativement, fans qu'il paroiffe qu'il ait pu avoir d'autre fondement que ce paffage de Platon mal entendu : Cirus ille ( dans fa premiére Lettre à fon frére Quintus) a Xenophonte non ad historie fidem fcriptus

moins

eft, fed ad effigiem jufti imperii. Une diftinction fimple & naturelle éclaircit toute la dificulté. Il y a deux chofes dans la Ciropédie de Xénophon, qu'il faut confidérer & ne point confondre: Les faits, & les inftructions dont cet Hiftorien l'a remplie. Les faits font vrais, il eft vrai femblable que les inftructions font fauffes. Xénophon dont la probité & la fincérité éclatent dans fes autres Ouvrages, déclare positivement qu'il a tiré les faits qu'il raporte, des Archives des Rois de Perfe. Son hiftoire s'acorde parfaitement avec ce que l'Ecriture Sainte nous aprend de Cirus & de fes conquêtes. Enfin Hérodote lui-même convient que l'histoire de Cirus fe racontoit de trois maniéres: qu'il avoit choifi celle qui avoit cours dans l'Ionie, où le peuple êtoit mal dif.

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moins représenté ce qu'avoit êté Cirus, que ce qu'il devoit être.

Le fondateur d'un Empire eft fils de fa propre valeur; fes fucceffeurs joüiffent de fa grandeur & de fa gloire : il faut que fur la couronne de fes mérites, il fonde celle de fon Etat ; qu'elle ressemble au diamant en éclat & en durée : les uns naiffent Rois, les autres le deviennent.

Romulus fut un prodige en valeur & en capacité; il fonda la Monarchie Romaine, auffi confidérable par fa durée que par fa grandeur; il laissa à ses Romains, comme le plus précieux de tous les apanages, cette vertu & cette valeur qui les acompagnérent dans toutes leurs entreprises: ils s'emparérent de la plus grande partie du monde; & leur Empire, un des plus petits dans fon origine, devint par leurs victoires un des plus grands & des plus puiffants.

Ces héroiques vertus font des faveurs de la divine Providence; ce ne font point les fruits d'un mérite particu

lier.

Charlemagne & Constantin, fréres par leur grandeur, furent fils de cette élection fuprême : ils fondérent les deux Empires Chrétiens; l'un en Orient, l'autre en Occident.

Que tous les fiécles vantent à jamais les vertus qui brillérent dans le véritable (4) Géryon d'Espagne ; ces trois héros

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héros qui élevérent leurs Empires fur celui des Mores, Garcias Ximénés (5) de Sobrarve, Pélage (6) des Asturies, Alfonfe Henri (7) de Portugal : leurs Monarchies fe font acruës à l'envi l'une de l'autre ; chacune s'est étenduë en diférentes parties de l'Univers.

Efpagne, mais en Epire. Rien de fi incertain que ces traits d'hiftoire dont l'antiquité & la fable, rendent l'éclairciffement prefqu'impoffible.

toient retirés dans les montagnes des Afturies. Il combatit les Mores avec fuccès durant l'efpace de 20 ans que dura fon régne. Il est toujours repréfenté armé, une épée nuë à la main, parce qu'il gagna beaucoup de batailles & prit beaucoup de villes.

(5) Garcias Ximénés fut éla Roy par les Chrétiens, qui s'êtoient retirés dans les montagnes entre l'Aragon & la Catalogne. Il combatit valeureufe- (7) Alfonfe Henri, le premier Roy ment contre les Mores, & mourut en de Portugal, êtoit fils d'Henri de Bour778. On compte depuis lui jufqu'à Ra-gogne de la Maifon de France. Alfonfe mire, le premier Roy d'Aragon, fept VI Roy de Caftille, pour récompenfer fucceffeurs ; mais la fuite n'en eft pas Henri de fes fervices, lui donna fa fille bien dévelopée. Les Hiftoriens n'expli- Térafia en mariage; & lui affigna pour quent point ce que c'étoit que ce Royau-dot une partie de la Galice, & le Porme de Sobrarve, en forte qu'on auroit tugal à condition qu'il en feroit la conaujourd'hui de la peine à décider, fi quête fur les Mores. Alfonfe Henri navéritablement il y a eu un pays qui fe quit de ce mariage: il poursuivit les foit ainfi apellé, ou fi ce nom ne ti- conquêtes de fon Pére; les Mores étonroit fon origine que d'un miracle nés de fes progrès s'affemblérent au nomqui eut donné lieu à ces premiers Prin-bre de 400 mille hommes commandés ces de prendre pour armes, une croix par cinq Rois. Ce Prince les défit enfur un arbre, & pour titre Rois de So-tiérement, & en mémoire de cette vicbrarve. Il y a des cartes où fe trouve le toire prit pour armes cinq écuffons. Renom de Sobrarve, comme fi c'êtoit ce- fendius raporte dans fon traité des Anlui d'une province : cette raifon n'eft tiquités de Portugal, qu'avant la batailpoint abfolument fufifante pour déci-le, les principaux Chefs de fon armée der la dificulté.

lui demanderent au nom des foldats la (6) Pélage iffu de la race Royale des permiffion de le faluer comme leur Roy; Geths, commença de régner en 718, qu'Alfonfe leur répondit, que le titre quelque tems après la défaite de Ro- de leur Général êtoit fufifamment hodéric. Il changea les armes des Rois norable, & qu'il n'en envioit point Goths contre un lion de gueules dans d'autre : que fes Capitaines lui repréun champ d'argent, qui étoient les ar- fentérent qu'ils en combatroient avec mes du Royaume de Léon, & il joi-plus d'ardeur, qu'ils en vaincroient gnit le titre de Roy de Léon à celui de Roy des Afturies: depuis les Rois ne prirent plus le titre de Rois Goths. Il fut élu Roy par les Chrétiens qui s'ê

avec plus de gloire, & qu'ils en mourroient avec plus de fatisfaction : qu'en même tems le bruit des inftrumens militaires & les cris des Soldats fe firent

Il faut de la valeur pour acquérir des couronnes, & de la prudence pour les conferver. Aléxandre sçut conquérir, mais il n'afermit (8) point fes conquêtes, foit que par envie il ne voulut point qu'aucun de ses fucceffeurs le pût égaler, foit que par orgueil il crut que perfonne n'en êtoit capable.

Tamerlan remplit tout l'Orient de terreur, fans s'affurer (9) aucune poffeffion : barbare cométe qui difparut avec la même promtitude qu'elle s'êtoit formée. De nos jours Gustave Adolfe (10) de Suéde fembloit vouloir l'i

miter.

entendre, Vie & victoire à Alfonfe Henri, premier Roi de Portugal. Il place cet événement en l'année 1133.

Je

rabe Ahmet quichagrin du facagement de Damas fa patrie, fait un portrait afreux de Tamerlan. Une troifiéme qui (8) Cette pensée préfente un fens eft la feule vraïe a êté écrite par un Aufaux. Aléxandre conferva fes conquêteur contemporain, & a êté traduite tes: fon Empire fut partagé après fa par M. Petis de la Croix. Tamerlan, mort entre ses Généraux, qui par ref- quoiqu'en dife Gracian, affura la Perfe pect pour la mémoire, ne prirent le ti- à fa poftérité qui y régna après lui. tre de Rois que long-tems après : ainfi Houmayon fon petit-fils, établit l'EmAléxandre conferva fes conquêtes,mais pire du Mogol dont joüiffent encore auil ne les tranfmit point à un fucceffeur jourdhui fes defcendans. marqué. La Monarchie qu'il avoit conquife tomba, non parce qu'Aléxandre n'eut point de fucceffeurs, mais parce qu'il en eut trop.

(9) Le vrai nom de Tamerlan êtoit Timur. On l'apelle Tamerlan ou plutot Timurlenk, c'est-à-dire, Timur le boiteux : c'étoit un Prince Tartare qui defcendoit par femmes de Ginghis. Il eft faux qu'il fut fils d'un berger:il naquit l'an 1344 & mourut l'an 1415, après 36 ans de régne: il vainquit Bajazet l'an 1402. Nous avons de lui trois hiftoires, une par Jean du Bec Abbé de Bellozane, c'eft un Roman. Cet Abbé dit l'avoir traduite d'un Auteur Arabe, mais on croit qu'il l'a inventée. Une feconde de Vaultier, traduite de l'A

(10) Le Grand Gustave fuccéda à fon Pére en 1611 à l'age de 18 ans, & fe rendit formidable à toute l'Europe. Il résista en même tems aux Rois de Danemarc, de Pologne & au Czar de Mofcovie; il prit la Livonie furles Polonois; il paffa la mer en 1630 ;il secourut la ville de Stralfund en Pomeranie, affiégée alors par les Impériaux: il les ataqua enfuite dans la même Province, dans le Mékelbourg & ailleurs, remportant victoires fur victoires. Ce fut avec le même fuccès qu'il parcourut en deux ans & demi les deux tiers de l'Allemagne. Il fut tué de deux coups de piftolet dans la bataille de Lutzen le 16 Novembre 1632.

Je ne regarde point comme fondateur d'un Empire celui qui lui a donné quelque principe imparfait, mais celui qui l'a établi & afermi.

Le puiffant Empire des Turcs doit beaucoup à Ottoman (11) fon premier Empereur, il doit encore plus à Mahomet le conquérant (12) qui l'établit à Conftantinople : cet Empire lui eft redevable de ses vastes poffeffions, & de fa puissance redoutable.

Le vaillant Pharamond commença la Monarchie des François, Clovis facré avec une onction céleste (13) l'établit

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(11) Ottoman n'eut d'abord que des François. J'apelle, dit cet Hiftorien, le titre de Prince des Turcs, dont il Fondateur de la Monarchie Françoise dans hérita de fon Pére. Ce ne fut qu'après les Gaules, celui de nos Rois qui s'y est fait les grandes conquêtes qu'il fit dans l'A- un Etat,qui n'en a point été chaffé par les fie mineure fur les Grecs, qu'il prit la Romains, mais qui s'y est maintenu en pofqualité de Sultan, l'an 1296 qui eft la feffion de fes conquêtes,& les a laiffées com véritable époque de l'Empire Ottoman. me un héritage à fa poftérité. Peu de nos Il mourut après 26 ans de régne: il eft Hiftoriens ont atribué cette gloire à Pharafurnommé dans l'Hiftoire le Conqué-mond. Nul de ceux qui ont écrit quelques

rant.

(12) Mahomet II, dit le Grand, fuccéda à fon Pére Amurat II en 1451, & régna 31 an: Prince courageux, prudent, politique, & plus favant que ne le font ordinairement les Princes Ottomans; mais d'ailleurs d'une débauche infame, d'une extrême cruauté, fans probité & fans religion, fe moquant également de la créance des Chrétiens, comme de la fuperftition de fes péres. Il affiégea & prit Conftantinople en 1453. Il foumit l'Empire de Trébifonde; il fit de plus grandes conquêtes que tous les autres Empereurs Turcs. Il prit plus de deux cent villes, & s'il faut ajouter foi à l'infcription qu'il ordonna de mettre fur fon tombeau, il avoit deffein de conquérir Rhodes la forte, & la fuperbe Italie.

من

fiécles après Grégoire de Tours & Frédegaire, n'hésite à en faire honneur à Clodion fon fucceffeur. Tous parlent enfuite de Mérovée & de Childeric,comme de deux Princes déja établis dans les Gaules, qui n'ont fait qu'étendre les limites du Royaume de France; & nos Modernes les ont fuivis aveuglément. Je crois pouvoir montrer que nul deces Rois avant Clovis, n'eft demeuré en poffeffion d'aucune partie de ce qu'on apelle aujourdhui le Royaume de France, & que Clovis a êté non feulement le premier Roy Chrétien, mais encore le premier Roy des François dans les Gaules. Ce fentiment n'a point prévalu; le tombeau de Childéric trouvé à Tournai, eft une forte preuve que ce Roy régnoit en deçà du Rhin. Les Savans modernes ne regardent point Pharamond comme le premier Roy des François ; c'eft fuivant le (13) Gracian a penfé comme le P.Da- fentiment le plus univerfellement fuiniel, que Clovis a établi la Monarchievi, à Clodion qu'il faut commencer.

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