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D. Hal.

Plutarq.

Tit. Liv. à la campagne. Il s'appelloit Numa Pompilius, homme de bien, fage, modéré, équitable, mais peu guerrier, & qui ne pouvant fe donner de la confidération par fon courage, chercha à fe diftinguer par des vertus pacifiques. 11 travailla pendant tout fon regne à la faveur d'une longue paix, à tourner les efprits du côté de la Religion, & à infpirer aux Romains une grande crainte des Dieux. Il bâtit de nouveaux temples: il inftitua des fêtes, & comme les réponfes des Oracles & les prédictions des Augures & des Arufpices faifoient toute la religion de ce peuple groffier, il n'eut pas de peine à lui perfuader que des divinitez qui prédifoient ce qui devoit arriver d'heureux ou de malheureux, pouvoient bien être la caufe du bonheur ou du malheur qu'ils annonçoient : la vénération pour ces Eftres fupérieurs d'autant plus redoutables qu'ils étoient plus inconnus, fut une fuite de ces préjugez. Rome fe remplit infenfiblement de fuperftitions; la politique les adopta & s'en fervit

utilement pour tenir dans la foûmiffion un peuple encore féroce. Il ne fut même plus permis de rien entreprendre qui concernât les affaires d'Etat fans confulter ces fauffes divinitez; & Numa pour autorifer ces pieufes inftitutions, & s'attirer le refpe&t du peuple, feignit de les avoir reçûës d'une Nimphe appellée Egerie qui lui avoit révélé, difoit-il, la maniere dont les Dieux vouloient être fervis. Sa mort, après un regne de 43. An de Roans, laiffa la Couronne à Tullus me 81. Hoftilius, que les Romains élurent pour troifiéme Roi de Rome. C'étoit un Prince ambitieux, hardi, entreprenant, plus amateur de la guerre que de la paix, & qui fur le plan de Romulus ne fongea à conferver fon Etat que par de nouvelles conquêtes.

Si la conduite pacifique de Numa avoit été utile aux Romains pour adoucir ce qu'il y avoit de féroce & de fauvage dans leurs moeurs, le caractére fier & entreprenant de Tullus ne fut pas moins An de Ro néceffaire dans un Etat fondé me 82. par la force & la violence, & environ

né de voisins jaloux de fon établifment. Le peuple de la ville d'Albe faifoit paroître le plus d'animofité, quoique la plupart des Romains en tiraffent leur origine, & que la ville d'Albe fût confiderée comme la métropole de tout le Latium. Différens fujets de plaintes réciproques & ordinaires entre des Etats voisins, allumerent la guerre, ou, pour mieux dire, l'ambition feule, & un efprit de conquête, leur firent prendre les armes. Les Romains & les Albains fe mirent en campagne. Comme ils étoient voifins, les deux armées ne furent pas longtems fans s'approcher; on ne diffimuloit plus qu'on alloit combattre pour l'Empire & la liberté. Comme on étoit prêt d'en venir aux mains, le Général d'Albe, foit qu'il redoutât le fuccès du combat, ou qu'il voulût feulement éviter l'effufion du fang, propofa au Roi de Rome de remettre la deftinée de l'un & de l'autre peuple à trois combattans de chaque côté, à condition que l'Empire feroit le prix du parti victorieux. La

propofition fut acceptée ; les Romains & les Albains nommerent chacun trois Champions; on D. H. 1. 3. voit bien que je veux parler des Horaces & des Curiaces. Je n'en- Tit, Liv. trerai point dans le détail de ce Dec. 1.1.1. combat: tout le monde fçait que C.25. les trois Curiaces & les deux Horaces périrent dans ce fameux An de Rome 87. duel, & que Rome triompha par le courage & l'adreffe du dernier des Horaces. Le Romain rentrant dans la ville, victorieux & chargé des armes & des dépouilles de fes ennemis, rencontra fa foeur qui devoit époufer un des Curiaces. Celle-ci voyant fon frere revêtu de la cotte d'armes de fon amant qu'elle avoit faite elle-même, ne put retenir fa douleur ; elle répandit un torrent de larmes ; elle s'arracha les cheveux, & dans les tranfports de fon affliction, elle fit les plus violentes imprécations contre fon frere.

Horace fier de fa victoire, & irrité de la douleur que fa foeur faifoit éclater mal à propos au milieu de la joye publique, dans le tranfport de fa colere lui paffa fon épée

au travers du corps: » Va, lui dit

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il, trouver ton amant, & porte » lui cette paffion infenfée, qui te » fait préférer un ennemi mort à la

gloire de ta patrie. " Tout le monde déteftoit une action si inhumaine & fi cruelle. On arrêta auffi-tôt le meurtrier: il fut traduit devant les Duumvirs Juges naturels de ces fortes de crimes: Horace fut condamné à perdre la vie, & le jour même de fon triomphe auroit été celui de fon fupplice, fi par le confeil de Tullus Hoftilius

n'eût appellé de ce jugement devant l'Affemblée du Peuple. Il y comparut avec le même courage & la même fermeté qu'il avoit fait paroître dans fon combat contre les Curiaces. Le peuple crut qu'en faveur d'un fi grand service, il pouvoit oublier un peu la rigueur de la Loi. Horace fut renvoyé abfous, plûtôt, dit Tite-Li»ve, par admiration pour fon courage, que par la juftice de fa » caufe. Nous n'avons rapporté cet événement, que pour faire voir par le confeil que donna le Roi de Rome à Horace d'en ap

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