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robe une bénédiction qui m'étoit dûe. Mais mon père, ajoûta-t-il, n'avez- Cн. XX vous point réfervé une bénédiction pour moi? Ifaac répondit: Je l'ai établi votre Seigneur: je lui ai affujetti tous fes frères: je lui ai aifuré la polfeffion du bled & du vin : après cela, mon fils, que me refte-t-il à faire pour vous? Efa lui repartit: N'avez vous donc, mon père, qu'une feule bénédiction? Je vous conjure de me benir auffi. En difant cela, il jetroit de grands cris mêlez de larmes mais il ne put jamais obtenir de fon pére qu'il révoquât ce qu'il avoit prononcé en faveur de Jacob. Ifaac, lui dit feulement: Votre demeure fera dans un pays fertile,. & engraiffé par la rofée du ciel: vous vivrez de l'épée, & vous ferez affujetti à votre frére. Mais il viendra un temps où vous fecouerez le joug.

Heb. 12.1

Efau conçut à ce fujer une haine mortelle contre fon frère, & il difoit en lui-même : Le temps de la mort de mon pére viendra & je tuerai alors mon frère jacob. Rebecca en ayant été avertie, fit venir Jacob, & lui dic: Voila votre frére Efau qui menace de vous ruer. Croyez-moi, mon fils, partez, & allez-von-en à Haran chez Laban mon frère & demeurez y quelque

CH. XX.

temps, jufqu'à ce que la colère de vo
tre frére foit appaifée, & qu'il ait ou
blié ce que vous lui avez fait. J'en-
voierai ensuite, & je vous ferai revenir
ici. Pourquoi perdrai-je mes deux fils.
en un même jour ? Elle parla enfuite
à Ifaac, & lui fit entendre qu'il falloit
que Jacob allât eu Méfopotamie, cher-
cher une épouse dans fa famille. La vie,
lui dit-elle, m'eft devenue ennuyeufe à
caufe des filles de Chanaan [ qu'Efau
a épousées. ] Si Jacob épouse une fille
de ce pays-ci, je ne pourrai furvivre
[à ma douleur.]

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

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[ Ifaac étant devenu vieux. Il avoit alors cent trente-fept ans, & Jacob foixante & dixLept.

[Ses yeux s'obscurcirent &c. JIfaac porta cet Genese to 3. état fi trifte pendant plus de quarante ans, puilqu'il mourut âgé de 180 ans. Les livres, qui font la confolation de ceux qui peuvent avoir des lecteurs, n'étoient point encore écrits. La folitude & l'exil dans un pays étranger, dont tous les habitants étoient infidelles, devoient joûter beaucoup d'amertume & de trifteffe à de fi longues ténébres. Qui eût attendu, après tant de promeffes, une vie fi malheureufe en apparence, & une fi pénible vielleffe? Preuve évidente que ces promeffes regardent une autre vie, & d'autres biens, puifqu'un homme fi

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faint eft privé durant tant d'années de la vûe même de la Terre promife. Ce caractére d'un CH. XX, homme qui ne voit plus les chofes préfentes ; à l'égard de qui elles font comme n'étant pas; qui eft mort pour elles, comme elles font détruites & paffées pour lui; eft bien digne d'un homme plein de foi comme Ifaac, immolé dès fa jeuneffe en facrifice, vivant de préré, caché dans la folitude & le filence, & plus furement encore dans le fein de l'humilité.

[J'ignore le jour de ma mort. ] Il vécut plus de quarante ans depuis; & il eft aifé de comprendre ce qu'une fi longue préparation ajoûta à la vertu d'un homme déja fi faint, fi détaché de cette vie, & fi occupé de l'autre. Il pen foit tous les jours à mourir, & ajoftoit à l'excellente difpofition de voyageur & d'étranger, celle d'un homme qui touchoit prefque au terme, qui voyoit de fort près fa patrie, qui attendoit à chaque moment l'Epoux, & qui étoit prêt à lui ouvrir au moindre fignal. Dieu qui lui avoit révélé tant de chofes, lui avoit caché le temps de fa mort, comme il lui avoit autre fois caché l'événement de fon facrifice fur la montagne de Moria; afin que fa foumiffion & fon obéiffance fuffent plus parfaites; & que ne pouvant mourir qu'une fois, il eût néanmoins le mérite de s'offrir tous les jours à la

mort.

[Rébecca entendit ces paroles, .... les & rapporta à Jacob &c.] Nous avons vû dans le ch. xvIII. Efau céder à Jacob fon droit d'aî neffe; & nous allons voir Jacob lui enlever la bénédiction paternelle. Qui fe renfermeroit uniquement dans ce que l'Ecriture rapporte de ces deux événements, n'y verroit rien de merveilleux, ni de divin, Tout y paroit conduit,

Ibid.

ou par le hazard (car c'eft ainfi qu'on parle) CH. VIL ou par des paffions, des vues, & une prudence toute humaine. Efau affamé, entre par hazard dans le moment que Jacob vient d'appréter un plat de lentilles. Il defire passionnément de manger de ce mers. Jacob qui le connoit violent dans fes defirs, profite habilement de cette rencontre, pour le faire renoncer à fon droit d'aîneffe. Dans la fuite Rébecca entend

que

pár hazard ce dit Ifaac à Efau : elle le rapporte à Jacob; & comme elle aime ce fils p.us tendrement que l'autre, elle entreprend de faire tomber fur lui la bénédiction du pére. Ils coviennent ensemble des moyens de tromper le vieillard aveugle: tout leur réuffit; & auta t par bonheur que par adreffe, Jacob eft beni avant le retour de fon frére. Telle eft l'idée que l'efprit humain prend naturellement de route cette hiftoire, quand il ne la regarde que d'une vue fuperficielle.

Mais l'Ecriture, avant même que ces deux enfants fuffent nez, nous a appris que par le décret de Dieu l'aîné devoit ê re affujetti au plus jeune que Dicu aimoit Jacob, & qu'il haiffoit Efaii. Par là, tout change à notre égard. Ce qui nous paroiffoit l'effet du hazard, eft l'accompliffement de la volonté éternelle & immuable de Dieu. L'homme parle, agit, imagi-, ne c'es expédients, épie les moments, profite des occafions. Mais tour eft conduit par la main invisible du Tout-puiffant: il préfide à tour: il régle tout, & fait que tout concourt à l'exécu tion de fes defleins de miféricorde fur Jacob, & de justice sur Efaii. C'eft ce qui fe paffe dans tous les temps, & perfonne n'y penfe.

La différence qu'on doit remarquer entre les événements ordinaires, & celui-ci, c'eff

Sulfaac, Rébecca, & Jacob qui agiffent & qui parlent ici, font des juftes très-parfaits, ani CH. XX. mez de l'Esprit faint, conduits par des vues fupérieures à la nature, uniquement appliquez à fuivre Dieu, & à faire fon œuvre : au lieu que la plupart des hommes, femblables à Efau, ne font remuez que par des paffions injuftes. Mais Dieu fçait également fe fervir du mal qu'il trouve dans les uns, & du bien qu'il met dans les autres, pour accomplir ce qu'il a réfolu.

[Mon fils ivez le con eil que je vais vous donner &c.] On eft d'abord étonné du dessein de Rébecca, & furtout de la confiance avec laquelle elle raffure Jacob, & lui répond du fuccès. Mais c'eft une preuve de la grande foi qu'elle avoit aux promeffes de Dieu. Depuis qu'il lui avoit été révélé que le plus jeune de fes enfants jouiroit des droits de l'airé, fa for la tenoit attentive à tous les événements, & aux occafions que la Providence de Dien feroit naître pour l'accompliffement de fa parole. L'ouvrage étoit commencé par la ceffor & le ferment d'Efai: mais il falloit que le droit d'aîneffe fut confirmé à Jacob par la bénédiction du pére. Rébecca voyant donc qu'Ifaac fe préparoit à benir Efai; qui dans les deffeins de Dieu ne devoit point être beni; elle ne doute plus que ce ne foit là le moment décifif qu'elle artendoit; & elle fe tient fi affurée que Jacob fera beni, qu'elle fe charge fans hefter de la malédiction qu'il craignoit d'attirer fur lui.

[Je fuis au votre fils aîné. Si l'on s'arrêtoit aux dehors, & comme à l'écorce de ce que l'Ecriture rapporte ici de Jacob; il ne paroftroit guére poble de juftifer de menfenge nifes actions, ni fes paroles. Car il affure qu'il eft Efau, avec deffein de le faire croire à fon

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