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DICTINES

pourquoi nous nous contenterons feulement de parler des RELIGIEU Réformes établies par les Reverendes Meres Marie de Beau- SES BENEvilliers, Abbeffe de Montmartre, Madelaine d'Efcoubleau REFORME ES de Sourdis, Abbeffe de Nôtre-Dame de Saint-Paul proche MARTRE. Beauvais, & Marguerite d'Arbouzze, Abbeffe du Val de Grace,comme les plus celebres Réformatrices de cet Ordre en France.

Sur la fin du quinziéme fiécle Jean Simon Evêque de Paris, avoit commencé à travailler à la réforme des Monafteres de Benedictines dans fon Diocêfe, l'Abbaïe de Chelles fut la premiere à fe foûmettre à la réforme, & la clôture y fut établie en 1499. Jeanne de la Riviere qui en étoit Abbeffe, pour donner exemple à fes Religieufes, fut la premiere qui fit vœu de clôture, & les Abbeffes ne furent enfuite que triennales: ce qui dura jufqu'en l'an 1543. qu'elles recommencerent à être perpetuelles. Etienne Poncher, qui fut Evêque de Paris après la mort de Jean Simon son prédeceffeur, voulant continuer ce que celui-ci avoit commencé, établit la Réforme dans les Abbaïes de Montmartre, Malnouë, & quelques autres, & dreffa des Constitutions pour les Religieufes Benedictines de fon Diocêfe. Mais cette Réforme ne fubfifta pas long-tems: car l'Abbate de Montmartre étant tombée dans le relâchement, auffi-bien que plufieurs autres, on n'y gardoit plus aucune Obfervance Reguliere, lorfque Marie de Beauvilliers en fut nommée Abbeffe l'an 1596.

DEMONT

Elle nâquit l'an 1574. au château de la Ferté-Hubert en Sologne, & elle eut pour pere Claude de Beauvilliers, Comte de Saint-Agnan, & pour mere Marie Babou de la Bourdaifiere. Elle fut mise dès l'âge de fept ans dans l'Abbaïe de Perray auprès d'une de fes tantes, focur de fa mere, qui en étoit Ábbeffe. Elle n'y demeura que trois ans : car fa tante étant morte, elle entra dans l'Abbaïe de Beaumont, où une autre de ses tantes étoit auffi Abbeffe. A peine eut-elle atteint l'âge de douze ans, qu'elle demanda l'habit avec tant d'inftance,qu'on lui accorda fa demande;& étant arrivée à fa quinziéme année, elle commença fon Noviciat, & prononça fes vœux à l'âge de feize ans l'an 1590. en préfence de plufieurs perfonnes de qualité, qui admiroient fa ferveur, & qui s'étonnoient qu'une Demoiselle fi jeune, & qui étoit une des

RELIGIEU plus belles perfonnes de fon tems, meprisât le monde fi gé SS BENE néreufement & avec tant de joïe & de fatisfaction.

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REFORME ES A peine eut-elle achevé fon facrifice qu'elle prit une forte DE MONT- refolution de fe rendre fidelle à fa vocation, ce qu'elle executa toute la vie ; y étant excitée d'un côté par les bons avis de fa tante, qui l'exhortoit tous les jours de tendre à la perfection fans écouter les répugnances de la nature; & de l'autre, par l'exemple de la Mere de Sourdis, fa coufine germaine, qui par fon grand merite & fes rares vertus fut depuis Abbeffe de Notre-Dame de faint Paul,& réforma ce Monaftere. C'étoit une Religieufe exacte aux Obfervances Régulieres,& dont les difcours étoient fi pieux & fi fervens que la Mere de Beauviliers recherchoit avec empreffement fes conversations dans lesquelles elles s'excitoient mutuellement à la pratique des vertus.

L'Abbeffe de Beaumont exerçoit fa niéce dans les Emplois les plus humbles & les plus laborieux de la Maison. Elle fut long-tems Soû- Grenetiere, travaillant avec les Sœurs Converses à faire du pain, quoiqu'elle fût fort délicate ; & aïant un jour voulu porter un fardeau trop pefant,elle fe rompit une côte, qui n'aïant pas été bien remife lui caufa beaucoup de douleurs le refte de fes jours. Elle vivoit ainsi contente fous la conduite de fa tante, lorfque que M. du Frefne Confeiller d'Etat fon beau frere, obtint pour elle du Roi l'Abbaïe de Montmartre proche Paris,dont il lui envoïa le Brevet pendant qu'il faifoit folliciter à Rome l'expedition de fes Bulles, qui ne furent données que deux ans après. Comme elle fouhaitoit toûjours vivre dans l'obéïffance, elle fut ravie du retardement qu'il y eut dans l'expedition de ses Bulles, & pendant ce tems-là elle ne voulut point écrire à fon beau-frere, afin qu'étant fcandalisé de fon filence & choqué du peu de reconnoiffance qu'elle lui témoignoit de l'attention qu'il avoit à lui faire plaifir, il negligeât la pourfuite de cette affaire & ceffât de travailler pour elle. Mais il ne fe rebuta point de ce procedé, étant perfuadé que l'éloignement qu'elle faifoit paroître pour accepter cette Abbaïe l'en rendoit plus digne ; elle y confentit à la fin, quoique fa tante eût fait fon poffible pour l'en détourner à caufe que l'Abbaïe de Montmartre étoit fort décriée par le peu gularité des Religieufes qui y demeuroient.

de ré

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Les Bulles aïant été expediées l'an 1598. deux Religieuses RELIGIEUde M ontmartre allerent à Beaumont querir leur nouvelle SES BENEAbbeffe. Etant arrivée à Paris elle eut l'honneur de faluer le RIFORMELS Roi qui lui donna deux mille écus pour commencer à répa- DE MONT rer les ruines de fon Monaftere, où elle entra le 7. Février de la même année, & elle fur mise en poffeffion par le Prieur de faint Victor, Grand- Vicaire du Cardinal de Gondy Evêque de Paris. Cette cérémonie fut le commencement de fes inquiétudes fe voïant chargée d'une Maison pauvre & deréglée. Elle y trouva trente trois Religieufes réfoluës de vivre à leur mode & de s'oppofer à tout le bien qu'elle voudroit procurer, à l'exception de deux que Dieu avoit choifies pour être les pierres fondamentales de la Réforme qu'elle y éta

blit.

Le Memoire qu'on lui donna du revenu de l'Abbaïe étoit de deux mille livres, furquoi il falloit païer dix mille livres de dettes. La grange étoit faifie pour ce fujet, la croffe engagée pour deux cens écus, les fermes données à vil prix à caufe des pots de vin qu'on avoit exigés, & la Maison tellement dépourvûë de meubles, qu'on n'en trouva pas affez pour lui garnir une chambre. Il fallut que M. du Fresne meublât la nouvelle Abbeffe depuis fon lit jufqu'à la batterie de cuisine : entre ces meubles il fit tendre dans fa chambre une belle tapifferie; mais cette vertueufe fille la fit ôter parce que cela reffentoit trop la vanité pour laquelle elle avoit beaucoup d'horreur.

Cette grande mifere temporelle n'étoit pas ce qui inquietoit la jeune Abbeffe: fa grande douleur procedoit des déréglemens des anciennes Religieufes, & fon unique foulagement étoit dans la converfation de ces deux Religieufes qu'elle voïoit portées au bien & qui étoient prêtes de donner les mains à la Réforme. Les défordres de cette Maison alloient à l'excès. Il n'y avoit ni clôture, ni pauvreté obfervée, les entretiens de galanteries y étoient fort frequens: s'il y en avoit quelques-unes qui jeûnoient conformément à la Regle, c'étoit malgré elles,parce qu'elles n'avoient ni argent ni amis, & qu'elles ne pouvoient pas faire bonne chere comme les autres. M. du Frefne leur aïant donné douze muids de vin, & leur envoïant toutes les semaines un veau & un mouton, la nouvelle Abbesse établit par ce moïen le foûper en com

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RELIGIEU mun qui n'étoit point en ufage, parce que chaque Religieufe prenoit fon repas à l'heure qu'il lui plaifoit, & que leurs RIFOR ME IS amis leur en procuroient le moïen;mais celles qui affiftoient foûper ne vouloient point écouter de lecture, ni garder

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le filence.

Celles qui fouhaitoient la Réforme ne mangeoient que du pain fort bis, cuit avec du chaume faute de bois, & les jours d'abstinence on leur fervoit du potage fans beure avec des œufs cruds qu'elles aprêtoient au Réfectoire. Enfin la mifere étoit fi grande que M. du Fresne en aïant été averti, leur donna quatre mille cinq cens livres pour acheter du bois pour les chauffer & pour d'autres provifions. Il leur envoïa auffi beaucoup de chofes dont elles avoient befoin, & il obtint encore du Roi pour elles quelques fommes d'argent, qui étant affez confiderables, leur faciliterent les moïens de reparer un peu le mauvais ordre dans lequel étoit l'état du Monaftere,& l'on se servit de l'argent que la dépofitaire gardoit aux particulieres, pour empêcher la vente du bled qui étoit faifi. Les Religieufes en murmurerent beaucoup,il y en eut même quelques-unes qui attenterent à la vie de l'Abbeffe,à laquelle elles donnerent deux fois du poison, qui par un miracle de la puiffance de Dieu n'aïant pas eu fon effet,ne fervit qu'à les aveugler davantage,en forte qu'elles réfolurent d'y emploïer le fer en la faifant poignarder;il y eut pour cela des affaffins apoftés: ce qui étoit fort facile,puifque c'étoit l'ordinaire de voir les amis des Religieufes paffer une partie de la nuit avec elles. Mais un des complices dont Dieu toucha le cœur, en aïant averti une des confidentes de l'Abbeffe, elle évita encore ce coup; ce qui fit que ceux qui avoient l'administration de l'Abbaïe l'obligerent de fortir du Dortoir commun & de fe loger dans une chambre, où il y avoit double porte,commandant à deux Soeurs Converfes de probité d'apprêter ce qui feroit néceffaire pour fa nourriture, avec défense aux autres d'entrer dans la cuifine. Et la dépofitaire qui étoit une de ces anciennes Religieufes qui fouhaitoient la Réforme, prit foin auffi qu'on ne lui préfentât rien qu'elle n'y eût goûté la premiere.

Au milieu de tant de facheux accidens, Dieu confola nôtre Abbeffe par la vifite du Cardinal de Sourdis Archevêque de Bourdeaux fon coufin germain,qui s'intereffa beaucoup

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pour elle & lui fervit à mettre la Réforme dans cette Abbaïe: RELIGIEU mais parce qu'il ne pouvoit pas être fi fouvent auprès d'elle qu'il eût été neceffaire pour ce fujet,il lui donna pour Dire- REFORME ES &teur le Pere Benoît de Canfeld Capucin, qui étoit un Religieux d'une grande vertu. Le Cardinal de Sourdis informa cependant l'Evêque de Paris des défordres de cette Maison, & ce fut à fa follicitation que ce Prélat vint à Montmartre,& commanda à l'Abbeffe & à toutes les Religieufes de ne plus fouffrir que la clôture fût si mal obfervée chez elles,comme étant le moïen le plus court pour retrancher les fcandales & commencer une vie conforme à leur état. Ce difcours fut très mal reçu des Religieufes : elles fe leverent toutes enfemble, & parlerent confufément, fans avoir aucun respect ni pour le lieu où elles étoient,ni pour la dignité Epifcopale, & elles s'emporterent en des injures qui firent horreur à l'Af femblée. La conclufion fut que l'Evêque donneroit ordre à fon Grand-Vicaire de prêter main forte à l'Abbeffe, ce qu'il n'executa pas néanmoins, Dieu le permettant ainfi pour éprouver de plus en plus la fidelité & la conftance de l'Abbeffe.

Le Pere Benoît Canfeld fut d'avis qu'elle dépofât la Prieure & les autres Officieres qui ne vouloient point de Réforme. Elle tint le Chapitre pour cet effet, elle établit Prieure l'une des deux Religieufes qui avoient défiré la Réforme, & fit l'autre Celleriere & Maîtreffe des Novices. Elle donna la clef de la porte à la plus raisonnable des autres, mais elle s'en réserva une afin qu'elle ne pût être ouverte fans fa permiffion. Toutes les anciennes fe leverent avec grand bruit, elles chargerent l'Abbeffe d'injures, proteftant qu'elles ne lui obéïroient jamais, & peu s'en fallut qu'elles ne la frapaffent.

Les chofes étoient en cet état lorfque le Pere Benoît s'en retournant en Angleterre où le défir du martyre l'appelloit; après avoir procuré le retour du P. Ange de Joïeufe dans fon Ordre,il l'obligea de fervir de Protecteur à l'Abbesse de Montmartre, ce qu'il executa avec beaucoup de zele. Il gagna la jeuneffe par fa douceur, de forte qu'il ne demeura que huit des plus anciennes qui vêcurent en leur particulier fans vouloir fe foûmettre aux Obfervances Régulieres,étant toûjours oppofées aux deffeins de l'Abbeffe. La clôture & le

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