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Conftantinople. Celui-ci devanť 1541. paffer par Venife, il fut reglé que les deux Ambassadeurs iroient enfemble jufques-là ; ils devoient traverfer le Piémont & le Milanès mais Rincon ne pouvant à cause de fon énorme groffeur, foutenir la fatigue du cheval, ils réfolurent de faire leur route par le Pô.

Le Marquis du Guaft avoit fuccédé à Antoine de Leve dans le Gouvernement du Milanès, auquel étoit jointe la partie du Piémont, dont l'Empereur étoit en poffeffion. Dans le Piémont François Langei avoit fuccédé à d'Annebaut, que le Roi avoit rappellé à la Cour pour le mettre à la tête des affaires. La France n'avoit guères alors d'hommes plus fages, ni plus habiles qué Langei; il fe diftinguoit fur-tout par la vigilance & par l'activité ; perfonne ne poffédoit comme lui l'art de choifir & d'entretenir des efpions, il étoit inftruit de tout & d'abord, fa pénétration lui faifoit deviner les projets des ennemis d'après leur caractère, il dirigeoit fes

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1541.

recherches fur ce plan, ce qui les abrégeoit beaucoup, & lui procuroit toujours les avis les plus prompts & les plus certains; on l'avoit vu fervant en Italie, donner au Roi, qui commandoit en Artois, des nouvelles plus sûres & plus promptes fur les affaires de l'Artois même, que le Roi n'en recevoit fur les lieux. Sa périlleufe ambaffade auprès des Princes d'Allemagne, en 1536, lui avoit appris combien l'Empereur refpectoit peu le caractère d'Ambaffadeur, le droit des gens & la vie des hommes, quand ils nuifoient à fes deffeins; c'eft en effet une tache dont il eft impoffible de laver Charles-Quint. La protection qu'il avoit accordée au Duc de Milan, François Sforce, après la mort violente de l'Ambaffadeur Merveille, prouvoit affez que ce meurtre n'avoit été commis que pour lui plaire ; il avoit plus directement & plus ouvertement attenté en Allemagne à la vie de Langei; celui-ci craignit le même fort pour Mém. de la Rincon & pour Fregofe; ils étoient Bellay, 1. 9.

chargés de la même commiffion qu'il 1541 avoit remplie autrefois, d'aller défabufer les Puiffances trompées par Charles-Quint. Langei n'avoit point conçu de vaines allarmes ; des avis certains lui apprirent que le Marquis du Guaft avoit difperfé fur le cours du Pô & des principales rivieres du Piémont & du Milanès, des affaffins auxquels il feroit difficile que les Ambaffadeurs échappaffent; il en avertit ceux-ci, & voulut prendre avec eux des précautions pour affurer & faciliter leur route, s'ils confentoient à la faire par terre. Les Ambaffadeurs rejetterent ce foupçon, & ne voulurent pas croire que l'Empereur fût capable d'un pareil crime. Quelle raifon pourtant d'en douter fi fort après tout ce qui s'étoit paffé? Langei infista & ne put rien gagner, il n'y eut que Rincon qui fut ébranlé, mais il finit par fuivre fon collegue. Langei fut donc obligé de leur fournir des barques & des rameurs.

Il
y avoit deux barques, l'une por-
toit les deux Ambaffadeurs, dans

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l'autre étoit leur fuite. On s'embarque, on part, on néglige les avis 1541. réitérés de Langei. A quelque diftance on reçoit un courier du même Langei, qui avertit qu'il n'y a au cune sûreté à paffer outre, que la perte des Ambaffadeurs eft prefque infaillible, que Langei a reçu à cet égard de nouveaux avis plus preffans, plus circonftanciés; que fi les Ambassadeurs veulent périr, ils ne doivent pas du moins expofer avec eux le fecret de l'Etat : Langei les prie de lui confier leurs papiers & promet de les leur faire tenir sûrement à Venife, s'ils font affez heureux pour pouvoir y arriver. Les Ambaffadeurs, foit confiance, foit honte de montrer de la crainte, s'obstinent à pourfuivre leur route; mais ils envoyent à Langei leurs inftructions; ils recommandent enfuite à leurs rameurs la plus grande diligence; ils voguent toute la nuit, ils paffent Cafal fans aucune mauvaise rencontre le lendemain ils s'avancent jufqu'à Cantaloue, à quel Mém de du Bellay, 1. 9. que diftance de l'embouchure du By

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Tefin; déjà ils s'applaudifsoient d'ar 1541. voir méprifé les vaines allarmes de Belcar. 1. 22. Langei, lorfque deux barques char

n. ss.

gées de gens armés, coupent les deux barques des Ambaffadeurs, féparent la leur de celle de leur fuite, & s'attachant à la premiere, l'environnent & la prennent (1). Une foule d'affaffins y entre. Fregofe & Rincon reconnoiffant trop tard leur imprudence, ne fongent plus qu'à mourir noblement, ils mettent l'épée. à la main, le nombre les accable, ils font maffacrés. Tous les bateliers, tant ceux qui conduifoient la barque des Ambaffadeurs, que ceux qui conduifoient celle des affaffins, & qui apparemment n'étoient pas du complot, furent mis par ordre du Marquis du Guaft dans un cachot des prifons de Pavie, afin que

(1) Beaucaire, 1. 22. n. 55. dit que les Ambafladeurs furent aflaffinés par Georges d'Autriche, Archevêque de Valence en Efpagne, fils naturel. de l'Empereur Maximilien, & que ce Prélat affaffin fut arrêté & mis en prifon à Lyon. Le récit de Beaucaire eft fi court & fi fec, qu'on ne peut vir s'il s'accorde avec celui des Mémoires de du bel lay, auquel on a dû fe conformer.

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