Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Après J. C.

L'an $59.

Général quoique vieux eut ordre de marcher contres les
Huns.

Belifaire alla camper hors de la ville, avec environ trois
cens foldats qui l'avoient accompagné dans fes campagnes
précédentes, tout le refte n'étant qu'une populace levée à
la hâte, fans difcipline, & formée des payfans des environs.
Pour remédier en partie à la foibleffe de cette armée,
Belifaire fit creufer un foffé autour de fon camp & allu-
mer par toute la campagne des feux, afin que les Huns
cruffent que les Romains étoient en plus grand nombre.
Après avoir pris toutes ces précautions, avoir envoyé en
embufcade dans un bois deux cens cavaliers bien armés,
& ordonné aux pay ans de faire beaucoup de bruit avec
leurs bâtons, & de jetter en même-tems de grands cris,
il marcha contre un corps de deux mille Huns qui s'é-
toient avancés pour l'attaquer. Dans le tems que l'on
en étoit aux mains, les deux cens cavaliers fortirent de
leur embufcade : les Huns fe trouverent inveftis de toutes
parts & fi refferrés, qu'ils ne pouvoient faire ufage de
de leur arc ni de leurs chevaux. Une pouffiere épaif-
fe, excitée par une quantité de branches d'arbres que
Belifaire faifoit traîner par des foldats
pour faire
paroitre
fon armée plus nombreuse, déroboit aux Huns la vûe
des troupes Romaines. Les Barbares furent obligés de
fe débander & de fe retirer en défordre. Les Romains
qui les pourfuivirent en firent un grand carnage, & l'épou-
vante étoit fi grande parmi les Huns qu'ils n'ofoient méme se
retourner fur leurs chevaux pour faire, fuivant leur coutume,
quelque décharge. Ils perdirent quatre cens hommes dans
cette journée, & l'on prétend qu'il n'y eut perfonne de
tué, & que peu de bleffés du côté des Romains. Le chef
des Huns, Zambergam, n'échappa qu'avec peine, & fe re-
tira dans fon camp où le défordre ne tarda pas à fe met-
tre. Après avoir jetté de grands cris & s'être fait des in-
cifions fur le vifage avec leurs couteaux, les Huns dé-
camperent à la hâte. Pendant qu'ils fe retiroient, un autre
corps de la même nation affiégeoit la ville de Querfonefe.
Jufqu'alors, Germanus qui y commandoit, les avoit tou-

jours repouffés. Les Huns voulurent faire un dernier effort. Ils raffemblerent une grande quantité de rofeaux qu'ils entrelacerent, & dont ils formerent cent cinquante barques. Ils y firent embarquer environ fix cens hommes qui avoient ordre de s'approcher des endroits les moins fortifiés; mais Germanus avec vingt vaiffeaux bien armés les furprit en mer & cuibuta en un moment toute cette flotte; on fit enfuite une fortie fur le refte des Huns, dont on tua un grand nombre. Germanus fut bleffé dans cette action, mais cet échec ne découragea point les Barbares ; & on ne parvint à les faire décamper qu'à force d'argent.

Après J. C. L'an $59.

Il y avoit dans l'armée de Zambergam un chef des Menandre. Huns Outigours, nommé Sondikle ou Saldick, qui étoit attaché à Juftinien. Dans le tems que les Huns s'en retournoient, ce Prince qui craignoit que les Cutrigours ne revinffent en Thrace, après avoir fait des reproches à Saldick au fujet de cette incurfion, effaya de l'engager à faire la guerre à Zambergam, lui promettant la penfion annuelle qu'il donnoit à celui-ci. Saldick quoiqu'ami des Romains ne voulut point accepter ces offres, ni contribuer à la ruine de fa nation; mais il y a beaucoup d'apparence qu'il fe laiffa fléchir dans la fuite. En effet dans le tems que les Cutrigours alloient repaffer le Danube, il leur enleva tout le butin qu'ils avoient fait, ce qui fit naître des divifions qui furent fuivies de guerres civiles. Les Huns fe détruifirent d'eux-mêmes ; leur nom s'eft infenfiblement perdu & ils ont été foumis à d'autres nations avec lequelles on les a confondus depuis. Ainfi ces peu- Reb. get. ples, comme le dit Jornandes, venus des Palus Méotides, pafferent dans la Mefie, la Thrace & la Dace, d'où ils retournerent en Scythie. Ils y fubfifterent pendant long- Niceph de tems fous la conduite de leurs chefs; dans la fuite l'un Conftant. d'eux vint à Conftantinople & demanda à être baptifé. L'Empereur Heraclius y confentit & lui donna le titre de Patrice: la plupart des Grands de la nation imiterent cet exemple & profefferent avec leurs femmes le Christia

nisme.

Jornand de

L'an 18.

Après J. C.

Thurocz.

Ĉe que je viens de rapporter de la grande invasion des Ce Huns en Europe, nous fait voir que ces peuples n'y formerent point un empire; mais que difperfés au nord du Pont-Euxin, de la Géorgie & de la mer Cafpienne, ils y vivoient fous la conduite de différens chefs qui furent foumis pendant un tems à Attila, & qui après fa mort rentrerent dans leurs droits. L'incurfion de ce barbare qui a ravagé l'Italie, la Gaule & la Germanie, ne différe point de celle que Batou-khan fit dans la fuite en Hongrie. Après la mort d'Attila, les Huns qui ne furent plus commandés par un feul chef, & qui par conféquent n'étoient plus fi puiffans, n'oferent faire des courfes dans l'occident & fe firent la guerre les uns aux autres. Il vint de la Tartarie d'autres barbares avec le quels ils furent confondus, & qui firent oublier le nom des Huns. Si l'on peut ajouter quelque foi a recit des Hiftoriens Hongrois, trois mille Huns refterent dans la Pannonie & fe cantonnerent d'abord dans un lieu appellé Czyglamezew; mais dans la fuite craignant que les nations voifines ne vouluf fent fe vanger fur eux des ravages qu'Attila avoit faits, ces Huns fe retirerent dans un autre endroit nommé Erdewelwe en Pannonie & y prirent le nom de Zekel ou de Sicules. Ils ont confervé dans ce pays leur ancienne coutume de faire des incifions fur le bois au lieu d'écri ture, fuivant l'ufage des Scythes, & dans la fuite ils se font joints aux Hongrois.

P

I I.

LES HUNS EUTHALITES.

Après J. C.

1.2.

ENDANT que l'Europe étoit défolée par les ravages prefque continuels que les Huns des Palus Méotides y faifoient, la Perfe étoit pareillement obligée de fe défendre contre les entreprifes d'une autre efpéce de Huns que nos Hiftoriens ont appellé Huns blancs. Ils étoient Procop. de cantonnés dans le Maouarennahar, dans le Kharifme, bel. Pers. & le long de la côte orientale de la mer Cafpienne. Leur capitale fe nommoit Korkandge. La couleur de leur vifage, & la maniere dont ils vivoient, les rendoient différens de ceux qui demeuroient dans le nord, dont le teint étoit bafané. Beaucoup plus policés qu'eux, ils habitoient dans les villes, ils étoient en commerce & contra&oient des alliances avec leurs voifins, ce qui contribua beaucoup à les dépouiller de cette barbarie, que ceux du nord avoient confervée. On les a encore appellés Euthalites, Haïatelites (a), Nephtalites, Atelites, Abtelites & enfin Ci- Theop.le darites. Les Hiftoriens orientaux leur ont donné le nom Prius. de Turcs, qui eft chez eux le même que celui de Huns. Pherdous. Après que les anciens Huns (6) eurent été chaffés du nord de la Chine, la plus grande partie fe retira, comme je l'ai rapporté, dans les pays feptentrionaux voifins de l'Europe: le refte paffa directement à l'occident vers Akfou & Kafchgar, de-là fe répandit dans les plaines qui

(a) D'Herbelot les nomme Haïatelah, & croit qu'ils font les Indofcythes des anciens. Il fe trompe à cet égard. Voyez ce que j'ai dit des Yue-chi Liv. I. p. 42. il ajoute qu'il y a apparence que ces peuples habitent dans le Tibet, & que Barantola capitale de ce pays, eft une corruption

mot Haiahclah Cette conjecture ne

peut avoir lieu, les Euthalites n'ayant ja-
mais demeuré dans le Tibet.

(b) Toutes les époques que j'ai mar-
quées dans cet article ne doivent être
regardées que comme une indication gé-
nérale & vague. Le défaut d'Hiftoriens
ne nous pe met pas de fixer plus exacte-
ment tous ces événemens.

Confeffeur:

Après J. C.

Ven-bientum kao.

D'Herbelot.
Pherdouss.

s'étendent jufqu'à la mer Cafpienne & aux frontières de la Perfe, & comme ces Huns portoient le nom de Te-le ou Tie-lé & qu'ils demeuroient le long du fleuve Oxus ou Gihon, on les a nommés Ab-te-le; ceft-à-dire les Telites d eau. De-là fe font formés les noms d'Abtelites, & par corruption d'Euthalites & de Nephthalites, ce qui a fait croire à quelques-uns qu'ils étoient des Juifsde la Tribu de Nephthali qui avoient été tranfportés dans ce pays dans le tems de la captivité. Toute la nation des Huns en général étoit donc cantonnée & dispersée dans les vaftes contrées qui font à l'orient, au nord & à l'occident de la mer Cafpienne, & s'étendoit depuis Kafchgar jufqu'aux Palus Méotides, & dans le nord jufqu'à Tobolsk en Siberie. Ce n'eft pas que les Huns fuffent les feuls maîtres dans ces vaftes contrées ; il devoit s'y trouver un grand nombre d'autres Scythes qui y demeuroient auparavant. Depuis long-tems le Maouarennahar avoit été la retraite de plufieurs nations orientales. Les Sfu, les Yue - chi, les Ou-fiun étoient venus y habiter fucceffivement. Les Yue-chi qui s'appelloient auffi Getes y devinrent particuliérement très-puiffans, & s'étendirent jufques dans l'Inde. On feroit tenté de les regarder comme les ancêtres de ces Getes qui ont été connus en Europe par plufieurs incurfions qu'ils y ont faites. Quelques Landes des Sfu auroient pû paffer également dans le nord de l'Europe, d'où, après un féjour affez long pour leur faire adopter les mœurs des peuples feptentrionaux, ils feroient def cendus vers le midi fous le nom de Sueves. Quoiqu'il en foit, ces Scythes étoient difperfés dans le Maourennahar, & les Huns, en y arrivant, ont dû se confondre avec eux ; au moins il y a lieu de croire que les Hiftoriens, peu inftruits de la différence qu'il y avoit entre ces peuples, les ont tous défignés fous le feul nom de Huns. C'eft en vain que l'on entreprendroit de les diftinguer ici : ils ne font connus des Hiftoriens Perfans & Romains qu'à l'occafion de quelques courfes paffageres qu'ils ont faites dans le Khorafan & dans les environs.

La Perfe étoit alors fous la domination des Prince.

« AnteriorContinuar »