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·Ce que c'est généralement parlant, avec des Inftructions curieufes &utiles fur la Culture des Terres labourables, & des labours qui leur conviennent ; Comment & quand il faut les leur donner.

N appelle Labourage une certaine quantité de terres plus ou moins confiderable qu'on cultive, pour en tirer du bled tous les ans, on les partage ordinairement en trois parties égales ; l'une pour y femer les bleds, l'autre eft destinée pour les Mars, ou la femaille des menus grains, & l'autre pour la Caflaille, qu'on appelle Sombres en certains pays. Le labourage eft encore pris pour la maniere de labourer les terres : c'est en ce sens que nous en parlerons icy.

Quand on fe propofe le deffein de conduire un labourage, ce n'eft pas. une petite entreprife; il y a bien des chofes qu'il faut neceffairement fçavoir fi l'on veut y réüffir, & fans ces connoiffances, on n'y travaille qu'à fon préjudice. Tâchons fur cet article important de fatisfaire nos Lecteurs, & d'apprendre aux gens bien intentionnez pour les travauxde la Campagne tout ce qu'ils peuvent ignorer quand ils veulent les embraffer.

Aprés donc avoir attentivement examiné le terroir où l'on demeure, avoir démêlé les differens temperammens des terres qu'il contient, & confulté le ciel, aux influences duquel elles font fujettes, & felon que nous l'avons enfeigné dans le premier Livre, il ne refte plus qu'à fçavoir non feulement fe preferire un ordre dans fes travaux, mais encore de prendre garde que rien ne les interrompe, & ne s'oppofe à l'heureux fuccés qu'on en attend.

Nous fommes redevables à la nature d'une infinité de fruits differens, mais ce n'est qu'à force de cultiver les terres qu'elle ouvre fon tréfor pour nous les donner ; & quoiqu'un grain de froment, d'avoine, d'orge ou d'autres grains fe connoiffent toûjours à leur figure en quelqu'endroit qu'ils puiffent croître, cependant la diverfité des climats demande pour les faire venir, qu'on en cultive le fond differemment.

Des differentes cultures des Terres.

on laboure la terre avec des Boeufs, là avec des Chevaux, en d'autres endroits avec des Mulets ou des Mules, & ailleurs avec des Anes. feulement. On fe fert dans un pays de Charruës à roües, attelées de cinq ou fix animaux qui la tirent, & l'ufage en d'autres veut qu'on laboure avec des Charruës fans roues. Les Boeufs en certaines Contrées portent le joug attaché à leurs cornes, & tirent ainsi le harnois, & en d'autres, c'eft par le moyen d'un collier, à la maniere des Chevaux ; il semble que cette

Cato. de re Ruft.

Remarques utiles.

méthode contredife entierement à l'idée qu'on s'eft formée de tout temps fur la maniere que ces animaux doivent être attelez.

Dans la Beauffe & en bien d'autres endroits les terres font tracées en longs fillons larges de cinq ou fix pas, enfermez dans le milieu de deux raïes paralleles, ayant un entre deux en voûte pour faciliter l'écoulement des eaux des pluyes. On laboure ailleurs en petits fillons compofez feulement de quatre à cinq rayes, & chaque Pays a fa maxime établie fur la coûtume de fes Ancêtres, & dont on ne veut point déroger, on s'en eft bien trouvé, on s'en contente, & cela fuffit.

Dans l'Ile de France on enfemence les terres à la herse, ainsi qu'en plufieurs autres endroits, ce qui en rend la fuperficie des terres fort unie: apparemment que ce terroir eft un terroir leger, & qui a befoin de toute l'eau qui peut l'arrofer pour le rendre fertile, car fans cela les terres imbibées fouvent des pluyes d'automne ne pourroient point du tout fe labourer. Qu'on aille dans une partie de la France, fitôt que les bleds font moiffonnez & mis en gerbe, on les tranfporte à la Grange pour les battre à l'aire & à loifir pendant l'hyver qu'on ne fcait prefque plus à quoy s'occuper au dehors à la campagne, au contraire les bleds ne font pas plutôt moiffonnez en Provence, en Languedoc, dans la plus grande partie du Dauphiné, dans la Principauté d'Orange, Comté Venaiffin, & dans les environs, qu'on les bat à découvert fans perdre de temps, & pendant les plus grandes chaleurs.

Icy on moiffonne d'une façon, là de l'autre, & l'on n'eft paspar tour d'accord fur la maniere de battre le bled. Les faucilles, les fleaux; les vans, & les autres inftrumens destinez à cet ufage font differens en diverfes Contrées, c'eft pourquoy il eft impoffible de prefcrire aucunes loix certaines fur la maniere de conduire un labourage : chaque pays chaque guife, comme on dit, & ce feroit tout gâter que d'en vouloir pervertir l'ordre; il n'eft tel que de fuivre l'ancien ufage, quand on s'en trouve bien, nos peres ont eu leurs raifons pour l'établir ainfi, le profit qu'ils y en ont tiré les y a confirmé, il faut les fuivre; Ne change point de foc, dit Caton, la noue veauté eft dangereufe.

Des Bêtes propres au Labourage.

Es Chevaux, les Boeufs, les Mules, les Mulets & les Anes font des bêtes qu'on employe par tout à la charruë, chaque peuple felon fes moyens & l'ancienne coûtume du pays. Les premiers qui ont labouré les terrés l'on fait à l'aide des Boeufs, puis on s'eft fervi de Chevaux, & enfuite des autres animaux dont on vient de parler. Les Vaches en bien des endroits tiennent lieu de Boeufs, mais il y a bien à dire qu'elles faffent tant d'ouvrage les Mules en font davantage que les Mulets.

:

Le Boeuf eft plus propre pour remuer les terres fortes & argilleuses que les autres bêtes de labourage, parce qu'il réfifte mieux au travail, outre qu'on l'entretient de peu, comme on a déja dit, que fes harnois font tres-fimples, & qu'il eft peu fujet aux maladies.

Le Cheval coûte bien plus à nourrir & à entretenir de harnois & de

fers, il veut être bien plus ménagé: car quand il meurt, tout eft mort pour le maître, hors la peau qu'il vend à l'Ecorcheur; il eft vray auffi de dire, qu'un Cheval laboure plus de terres en un jour que le Boeuf n'en fait en trois; c'eft pourquoy on s'en fert en bien des endroits, outre que les Chevaux ne font pas feulement propres à la Charruë, mais encore à la felle & au charroy.

Quant aux Mulets & aux Mules, ils font trop capricieux pour valoir les Chevaux en fait de labourage & autres exercices qui leur conviennent; les Anes font tres-lents à la Charruë, & s'ils ne dépenfent guéres, ils ne rendent auffi guéres de fervice; il n'y a que les pauvres gens qui n'ont point dequoy avoir des Chevaux, des Bœufs ou des Vaches, qui s'en fervent encore faut-il que la terre où on les employe foit fort legere.

Le bétail qu'on deftine au labourage doit être choifi fort, d'un bon corps, & le plus jeune qu il eft poffible, il n'y a plus après cela qu'à les fçavoir ménager, & les nourrir comme nous l'avons dit, aprés cela ces bêtés rendent de bons services.

Si l'on veut que les animaux qu'on deftine au labourage employent utilement leur temps, il faut leur tenir tous leurs harnois en bon état, que rien n'y manque; car fans ce foin, ils ne font que la moitié de l'ouvrage, encore le font-ils quelquefois imparfaitement.

Qu'on fe donne bien de garde d'employer ces animaux au labourage pendant la pluye, la neige & les autres frimats qui rendent le travail inutile, & qui morfondent les Boeufs ou les Chevaux. Les bêtes de labour ne veulent être ni trop graffes ni trop maigres; celles-cy font pareffeufes à l'ouvrage, & comment y auroient-elles du courage, puifque tout ce qui peut leur y en donner leur manque ; quand elles font trop graffes, elles vont auffi lentement, mais c'eft par un effet contraire; le trop de fubftance dont elles font remplies empêche les efprits du fang d'agir en elles auffi fubitement qu'ils feroient, fi elles étoient moins pleines de chair.

Voicy une obfervation qui regarde le labourage, & qu'il eft bon de fçavoir quand on veut y réüffir. Ce n'eft pas le tout que de bien labourer, il faut labourer beaucoup, fi l'on veut tirer un grand profit de fon labour.

Saifons pour labourer les Terres.

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Ly a des faifons propres pour toutes chofes, le labourage a les fiennes, qui luy font particulieres, & qu'on ne doit point laiffer paffer inutilement, étant fort dangereux pour les terres quand elles ne font pas remuées à propos, ce n'eft pas le tout que de courir, comme dit le Proverbe, il faut partir à beure, devancer le labour des terres, c'eft leur faire tort, ainfi lorfqu'on le recule, le trop tard, dit un bon Agriculteur, en fait de labourage eft la ruine du ménage.

Il ne faut jamais labourer la terre quand elle eft trop feche ou trop hu- Maximes à mide, la trop grande fechereffe fait que la terre qu'on laboure s'exhale obferver. de ce qu'elle a de meilleurs principes pour la végétation, parce qu'il n'y a pour lors que les terres legères & fabloncufes qu'on puiffe cultiver, &

Qu'il faut confulter

comme leur fubftance ne fe diffipe déja que trop inutilement par les ardeurs du foleil qui les pénetrent aifément, il arrive que pour peu qu'on les remûë en ce temps, elles s'affoibliffent, & ne font prefque plus propres à faire agir les femences, outre qu'une terre, quelque legere qu'elle puiffe être ne fe manie jamais affez bien quand elle cft trop feche; pour peu qu'on veuille enfoncer le foc, la Charrue ne roûle qu'en fautant, & fatigue extremement les bras de celuy qui la guide; fouvent ce foc fe brife contre le corps dur qu'il trouve, & croyant ainfi avancer l'ouvrage, ou le recule : il faut fuivre ce Proverbe, qui dit,

Qu'au fond qui eft fans humeur

Ne touche le Laboureur.

Il ne faut point non plus labourer les terres qui font trop îmbibées d'eau, ce labour ne fait que les réduire en mortier, & les durcir aprés quand le hâle a donné deffus, de maniere qu'on a bien de la peine enfuite à les ameublir, & les femer fans être meubles, c'eft jetter la femence dans des pierres, les terres fortes & les terres d'argille font celles pour lefquelles principalement on parle; car les fabloneufes ne font pas fi fujettes à ce défaut. Il y a un autre Proverbe qui nous dit,

Qu'il vaudroit mieux faire le fou,

Que de labourer en temps mou.

On laiffe les terres en repos pendant l'hyver, parce qu'on perdroit fon temps à vouloir les remuer, chaque ouvrage dans l'Agriculture a fa faifon, l'ordre n'y veut point être perverti; mieux vaut faifon que laboraison, ont dit autrefois nos peres, & l'experience nous a fait voir jufqu'icy qu'ils

avoient raifon.

Qu'il faut donner les Labours felon que lanature de chaque terre le demande.

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L faut donner les labours aux terres felon que la nature de chacune le demande; les terres fabloneufes & legeres veulent qu'on les laboure aprés une pluye, les fels ne s'en exhalent point, & agiffent enfuite avec tout le fuccés poffible pour la végétation. Plus une terre eft graffe, forte & abondante, plus elle veut être cultivée, afin de détruire les mauvaises herbes qui abforbent la meilleure partie de la fubftance. Les terres maigres ne doivent point être fouvent remuées pour la raison dont on a parlé au fujet des terres legeres.

Les terres généralement parlant, reffemblent en quelque façon aux bêtes de charge qu'on accable fous les fardeaux extraordinaires qu'on leur la portée donne; ces terres ne veulent point qu'on les furcharge de femence, il faut avant que de les enfemencer, confulter leur force, & voir ce qu'elles peuvent produire, & l'on ne risquera jamais rien en cela quand on ira da plus au moins.

des terres.

Il y a des terres bien plus abondantes les unes que les autres, mais

telles

telle qu'elles foient, lorfqu'elles font bien cultivées & en faifon, il n'y en a point qui ne rendent toûjours avec ufure ce que leur maître leur a prêté. Ce n'eft pas qu'on puiffe pofitivement déterminer le rapport de ces terres, mais on peut dire qu'un bon ménager a lieu d'être content, quand géné ralement fon domaine, le fort portant le foible, luy rend cinq à fix pour un, n'eftimant pas que dans toute la France il y eût des terres qui puiffent tant bonnes que mauvaises, produire davantage, l'une mêlée parmi l'autre. Pour peu qu'un domaine foit étendu, on y remarque ordinairement des terres de trois fortes de temperamment, fçavoir des terres graffes ou fer- de tempetiles, des terres moyennes, & des terres maigres, & plus toujours des unes ramment, que des autres felon la fituation du lieu & la temperature du ciel qui y

influë.

trois fortes

On destinera les bonnes terres pour y mettre du froment, ou du méteil, puis aprés de l'orge, de l'avoine ou des légumes, & cela alternativement & tous les ans ; ces terres, quand elles font remplies de beaucoup de Repos néceffaire aux fubftance ne fe laffent point de porter, mais pour ne s'y point tromper, terres. il en faut bien étudier le fond.

Vous laifferez, dit Virgile, de deux ans l'un, repofer les terres aprés Virg. Geos. la moiffon, & n'y femant rien, laiffez-les endurcir par le repos, c'eft ce 1.1. qu'on doit obferver à l'égard des terres médiocres, afin que pendant qu'elles fe repofent les influences du ciel réparent en elles les fels qui s'y font épuifez durant leur travail.

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y a d'autres terres qui font fi maigres qu'à moins qu'elles n'ayent deux ans de repos, elles ne produifent que tres-peu de chofes, & fouvent même ne dédommagent pas leur maître de fa femence, de fon fumier, ni du temps qu'il a mis à les labourer, ainsi c'est à la prudence de celuy qui les a, de voir ce qu'il en peut faire.

Les terres les plus fertiles veulent auffi du repos, c'est pourquoy, on peut aprés qu'elles auront porté trois années de fuite, les laiffer repofer une année, elles n'en valent que mieux, c'est ainsi qu'en agiffent la plupart des Laboureurs les plus experimentez dans l'Agriculture.

En quel temps il faut donner le premier labour aux terres.

Es differens

décident des temps divers dans lefquels on doit don

LES
Luer le premier labour aux terres, ce qu'on appelle en des endroits
faire la caffaille, en Bourgogne les fombres, en d'autres lieux égerer & ja-
cherer, en Normandie froiffer la jachere, & en Languedoc mouvoir.

Dans la plupart des endroits de nôtre France, cette caffaille ou ces fombres, comme on voudra dire, fe fait fitôt que les Mars ou les petits bleds font femez: il y a des Contrées où on commence à donner cette façon dés que le champ eft moiffonné, & que les gerbes font tranfportées dans les Granges.

Pour donner comme il faut cette premiere façon, il ne faut pas beaucoup enfoncer le foc dans la terre, quatre doigts de profondeur fuffifent, & afin que la terre foit maniée plus également, on trace les rayes fort prés l'une de l'autre, & le plus en droite ligne qu'il eft poffible. Cette ma

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