Imágenes de páginas
PDF
EPUB

à Derkoud, fils de Selim, Empereur des Ottomans, ce Prince réfolut de porter la guerre en Egypte. Il livra une fanglante bataille proche Alep à Ghouri qui fut vaincu & tué. Toumanbey fut mis fur le trône au Caire, & les Mameluks, après avoir infulté l'Ambassadeur de Selim qui étoit arrivé dans cette ville pour faire quelques propofitions de paix, réfolurent unanimement de continuer la guerre & d'envoyer une armée vers Ghaza. Les Ottomans qui avoient déja pénétré jufqu'à Cathia, défirent ces Mameluks, & fe préfenterent devant le Caire qui fut pris d'affaut. Toumanbey fe fauva vers la Thébaïde, & remporta quelques avantages fur les Turcs; enfin après une nouvelle bataille qu'il perdit, il fut livré à fes ennemis qui le firent pendre.

Ainfi finit la feconde Dynastie des Mameluks, & l'Egypte fut foumise au pouvoir des Ottomans, fous lequel elle est reftée depuis. Mais elle conferve une certaine indépendance; une foule de Mameluks, la plûpart renégats, font les maîtres du Gouvernement, & les ordres du Pacha que le Grand-Seigneur y envoie, ne font pas toujours écoutés. Il ne peut rien faire fans le confentement de ces Mameluks que l'on appelle Beys, qui commandent la milice, qui font chargés de la recette des revenus & de la défense de leurs provinces. Ainfi le Gouvernement eft refté à peu près dans le même état qu'il étoit fous les anciens Mameluks. Il est expofé aux mêmes révolutions, mais avec moins d'éclat. Tous ces Beys font autant de petits Tyrans qui cherchent à fe détruire, & qui vexent fans ceffe les peuples.

LES

L

LES OTTOMAN S.

'ORIGINE des Turcs Ottomans eft tellement envelop

éta

pée de ténebres épaisses, que jusqu'à préfent ceux qui ont entrepris de l'examiner, n'ont pu parvenir à la débrouiller. Les uns font defcendre ces Turcs d'une troupe de brigands; les autres leur donnent des ancêtres illuftres. Le Prince Cantimir, dans fon Hiftoire de l'Empire que ces Turcs ont établi à Conftantinople, difcute tous ces fentimens en particulier, & fe propofe de les réfuter, pour blir celui que les Turcs eux-mêmes admettent. En général, le témoignage le plus authentique que l'on puiffe avoir fur l'Hiftoire d'une Nation, doit être tiré de fes archives; mais il ne faut pas admettre indifféremment tout ce que fes Hiftoriens débitent, & on doit toujours être en garde contre la partialité naturelle aux hommes dans les affaires qui les concernent. Un peuple qui a été pendant quelque tems fans écrire, & qui d'un autre côté s'eft rendu célebre, doit retrouver chez les peuples voifins des fecours pour établir la bafe de fon Hiftoire. Les Grecs avec lefquels les premiers Turcs ont eu de longues guerres à foutenir, ont dû parler de ces peuples relativement à l'état où ils les voyoient; mais la différence de religion a pû porter ces Grecs à en parler avec mépris, au moins eft-ce un foupçon que l'on doit avoir. Mais fi en même tems des Ecrivains Arabes, contemporains de l'établiffement des Turcs, & qui n'étoient point excités contre eux par des motifs de religion, en parlent comme les Grecs en ont parlé, le témoignage des Hiftoriens nationaux doit être Tuspect, fur-tout quand ces Ecrivains donnent une origine illuftre aux Chefs de leur Nation, & quand on y rencontre une foule d'anachronifmes.

Tel eft le premier fiécle de l'Hiftoire des Ottomans. Le Prince Cantimir qui a entrepris de l'examiner, a rejetté le récit des Hiftoriens étrangers pour adopter celui des Ecrivains

Tom. IV

Tt

Marakefchi

Turcs. Nous avançons ici avec regret que cet Historien très-eftimable d'ailleurs, n'a pas la moindre connoiffance de l'Hiftoire de l'Orient; il révoque en doute les faits les plus avérés, & confond par-tout les différentes Monarchies qui ont précédé celle des Ottomans. Ainfi l'on ne doit avoir confiance dans fon Hiftoire que pour les détails poftérieurs à leur établissement. Je rejette donc ici tout ce qu'il a entrepris de donner pour véritable, & je vais effayer de tracer en peu de mots l'origine des Ottomans, en conciliant leurs traditions avec l'Hiftoire des peuples voifins. Mais je n'entreprens point de donner une Hiftoire complette de ces Turcs. Elle nous eft connue par une foule d'Hiftoriens que je ferois obligé de copier, & je me borne ici à démêler leur origine, pour ne point multiplier inutilement des volumes.

L'Hiftoire générale de la nation Turque que j'ai rapportée précédemment, doit naturellement nous conduire à l'Hiftoire particuliere des Ottomans qui defcendent de ces Turcs. C'est-là que l'on doit retrouver les premieres traces de leur origine, & la confirmation de leurs traditions qui paroiffent deftituées de vraisemblance au premier examen, mais que l'on apperçoit dans l'Hiftoire plus ancienne. Un Auteur Arabe contemporain nous apprend que lorfque les Mogols fous la conduite de Genghizkhan & de fes fucceffeurs, fe furent emparés des pays de l'Afie mineure, poffédés par les Sulthans Seljoucides d'Iconium, la plupart des Emirs Turcs fe retirerent dans les montagnes, où ils refterent indépendans, & où ils formerent différentes petites principautés (a). Ainfi l'on doit regarder les Turcs Ottomans comme les reftes des Turcs Seljoucides d'Iconium. Mais ces Turcs ont des traditions fur leur origine qui méritent d'être examinées; ils citent plufieurs événemens avec leurs époques, & il eft difficile de croire que tout cela eft fuppofé.

I. Saadi effendi, cité par le Prince Cantimir, rapporte que dans le tems que les Seljoucides quitterent le Maouarennahar pour paffer en Perfe, Kaikan, pere de Soliman fchah, Prince des Oghouziens, partit de Merou schahdgihan

(4) On les trouve à la fin de l'Hiftoire des Seljoucides d'Iconium, T. III.

dans le Khorafan, & alla s'emparer de Mahan, mais que dans le tems de l'irruption de Genghizkhan le même Soliman fchah, ou Kai-alp, qui étoit établi dans les environs de Khelat en Arménie, paffa dans l'Afie mineure.

Dans ce récit l'Auteur Turc qui paroît avoir quelque connoiffance de l'Hiftoire ancienne, eft tombé dans des anachronismes qu'il eft néceffaire de faire obferver, en recherchant ce qui a pû donner occafion au fait qu'il rapporte. Les Seljoucides ont paru dans la Perfe au commencement du onzieme fiécle, & Genghizkhan au commencement du treizieme; ainfi il doit y avoir plus de générations qu'il n'en indique, & Soliman fchah ne peut être immédiatement le fils de Kaikhan. A cette circonftance près, le refte de l'Hiftoire peut être expliqué. Dans le tems que les Seljoucides étoient établis dans la Perfe, des Turkomans appellés Ghouzz, qui doivent être les mêmes que ces Oghouziens, & qui ont été connus en Europe fous le nom de Uzes, firent une grande irruption dans le Khorafan (a), où ils s'établirent. Enfuite ils furent foumis aux Sulthans du Kharizme, & fervirent dans leurs armées. Il devoit y en avoir un grand nombre parmi ces Kharizmiens qui après la mort de Ďgelaleddin pafferent dans l'Arménie, la Syrie & l'Afie mineure ; & il eft vifible que le récit de Saadi effendi a rapport à cet événement. Ainfi les Ottomans, fuivant cet Hiftorien, doivent être defcendus des Ghouzz & de ces Emirs Kharizmiens qui ravagerent toute la Syrie.

II. Un autre Hiftorien, plus ancien que celui que nous venons de citer, dit que les Oghouziens s'établirent dans le pays de Khelath en Arménie, & que l'an 611 de l'Hegire & de J. C. 1214, ils firent avec Soliman schah leur premiere expédition vers l'Afie mineure; mais que les ravages des Mogols ayant obligé cet Emir d'en fortir, il paffa dans l'Adherbidgiane, où il mena pendant quelque tems une vie errante; que l'an 616 de l'Hegire, de J. C, 1219, il reprit la route de l'Afie mineure avec une armée de cinquante mille hommes, & qu'il fe noya en voulant passer l'Euphrate.

(4) Voyez l'Hifloire des Seljoucides, T. III. pag. 256, & fuiv.

Soliman fchah laiffa quatre fils; Sungourteghin, Giundogdi qui retournerent dans leur ancien pays; Dindar, ou Dumdar qui mourut quelque tems après dans l'endroit où il étoit ; & Orthogrul qui paffa dans l'Asie mineure, où il demanda des terres à Alaeddin, Sulthan d'Iconium. Après avoir fervi dans les armées de ce Prince, & battu en plufieurs occafions les Mogols, il mourut en 680, fuivant les uns, & en 687, fuivant d'autres ; c'eft-à-dire, en 1281 ou 1288 de J. C. laiffant pour fucceffeur fon fils Othman..

Nous ajouterons à ce récit celui que le Prince Cantimir fait de la vie de Soliman fchah & d'Orthogrul. On y retrouve de grands événemens dont la fauffeté fauteroit aux yeux, fi l'Hiftoire de ce tems n'en faifoit aucune mention. Après que Genghizkhan eut rafé Balkh & chaffé le Sulthan de Kharizme, Soliman fchah, Prince des Tartares Oghouziens, quitta la ville de Merou schah dgihan dans le Khorazan, avec cinquante mille hommes, l'an 611 de l'Hegire, de J. C. 1214 (a), entra dans l'Adherbidgiane, & foumit tout ce pays jufqu'à Khelath. Mais les Mogols étant venus ravager cette contrée Soliman schah en décampa l'an 616 de l'Hegire, de J. C. 1219, pour aller vers l'Afe mineure. Il fe noya dans l'Euphrate, & fut enterré à une petite diftance d'Alep. Son fils Orthogrul fe rendit maître de toutes les terres fituées entre Alep & Céfarée. La réputation qu'il s'acquit d'être un des plus vaillans hommes de fon tems, détermina Alaeddin, Sulthan d'Iconium, de lui affigner des terres dans fes Etats, & particuliérement dans. le territoire d'Ancyre. Orthogrul battit les Mogols dans les environs de cette ville; dans la fuite il arrêta. leurs courses, & enleva aux Grecs la ville de Kutahi l'an 680 de l'Hegire, de J. C. 1281. Il mourut quelque tems après, & fon fils Othman qui lui fuccéda, reçut du Sulthan Alaeddin l'inveftiture des pays foumis par Orthogrul, & devint en quelque façon Souverain, mais il ne voulut point prendrele titre de Sulthan pendant tout le tems qu'Alaeddin vécut. Ce Prince ayant été défait par les Mogols l'an 699 de

(4) Balkh fut prife plus tard, c'eft-à-dire, en 12214

« AnteriorContinuar »