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Cranganor.

pas

mes; qu'une femme peut avoir jufqu'à fept maris à la fois, & que fi elle devient mere, il lui eft libre de faire élever fon enfant par le mari qu'elle veut, fans qu'il puiffe le refufer. On ajoute que lorfque le Zamorin meurt, ce n'eft fon fils qui lui fuccéde, mais le fils de fa fœur, parce qu'un Bramine ayant eu les premieres faveurs de la Reine, il eft à craindre que ce fils n'appartienne pas au Roi, au lieu que le fils de fa foeur eft véritablement de fang Royal. C'eft M. l'Abbé Guyon qui rapporte tous ces ufages. Nous verrons bientôt qu'ils ne font point particuliers aux Habitans de Calecut, & qu'ils réguent prefque généralement chez tous les autres peuples du Malabar.

IX. CRANGANOR est à dix dégrés de latitude du Nord, & environ à vingt-cinq lieues de Calecut. Une groffe riviere baigne fes murs du côté de la mer, dont la ville n'est éloignée Schouten › que d'une lieue. On découvre de l'auHamilton. tre côté des campagnes cultivées, des étangs, & d'agréables prairies. Les Portugais, qui s'étoient emparés de cette ville dans le tems de leurs premiers voyages, en furent chaffés en 1662 par les Hollandois, qui la pri

rent d'affaut, & qui ruinerent fes Eglifes & fes principaux édifices, dont les démolitions fervirent à la construction d'une fortereffe.

'Autre ville du même

Dans le voisinage de cette ville on en trouve une autre de même nom, nom qui appartient au Roi Malabar du païs, & qui eft la capitale du petit Etat qu'il poffede. Ce prince eft vassal & tributaire du Zamorin.

Récit fingu lier d'Hamil

Hamilton raconte une chofe qui ne fe trouve point dans les Relations or- ton. dinaires. Il prétend que le païs de Cranganor a long-tems appartenu à une colonie de Juifs, qui formoient ́une République fi nombreuse, qu'on y comptoit quatre-vingt mille familles. L'Auteur ajoute qu'ils ont encore à Cochin, qui n'eft qu'à cinq lieues de Cranganor, une Synagogue, dans laquelle ils confervent une efpéce de Journal des événemens les plus remarquables de leur Hiftoire. Ĉe Journal commence au tems de Nabuchodonofor, & il eft gravé en caracteres Syriaques fur deux grandes tables de cuivre. M. Van Rhede, un des Directeurs du comptoir Hollandois de Cochin, en a fait un extrait dans la langue de fon païs. Ces Juifs, continue Hamil

Anciens

Cranganor,

ton,

difent que les premiers fondateurs de leur colonie furent envoyés dans l'Inde par Manaffé, fameux Capitaine Chaldéen, dont ils se vantent de defcendre. Leur nombre s'accrut infenfiblement; ils s'enrichirent par le commerce, & ils acheterent la Souveraineté de Cranganor. Ce petit Etat, fut d'abord gouverné par deux hom mes d'une famille diftinguée, & qui étoient freres. L'ambition les défunit: l'un des deux attenta aux jours de l'autre, & fut massacré à fon tour par le fils de fon ennemi. Après la mort violente de ces deux Administrateurs, le Gouvernement devint entiérement ré

publicain. Mais dans la fuite les Empepereurs de Malabar ayant subjugué ce petit Etat, les Juifs tomberent dans l'oppreffion, & le défespoir en precipita plufieurs dans l'apoftafie. Leur nombre eft à préfent réduit à quatre mille familles. Voilà ce que débite Hamilton. Si jamais l'extrait de M. Van Rhede voit le jour, il jettera de grandes lumiéres fur ce récit.

Ce que nous allons ajouter n'est Chrétiens de guère moins particulier. Les Portugais, en arrivant pour la premiere fois fur cette côte, › y trouverent auffi le

Hift. des

Christianisme établi. Cabral, qui commandoit leur flotte des Indes en 1500, étant fur le point de retourner en Portugal, vit venir à fon bord deux Chrétiens de Cranganor, de race Indienne, qui demanderent la grace d'être conduits en Europe, pour vifiter Rome, & pour fe rendre enfuite à Jérufalem. Il voulut favoir s'ils fuivoient la communion des Grecs, ou celle des Latins, & s'il y avoit d'autres Chrétiens dans leur ville. L'un des deux, qui étoit Prêtre, répondit: Que les habitans de Cranganor étoient un mélange de Gen- Voy. Tom. I. tils, de Chrétiens, de Juifs & ďEtrangers, qui étoient la plupart des Marchands de Syrie, d'Egypte, de Perfe, & d'Arabie ; que les Chrétiens payoient au Roi un tribut régulier, & demeuroient dans un quartier féparé ; qu'ils avoient une Eglife avec des croix mais fans images & fans cloches; qu'ils avoient leur Pape, fous lequel étoient dix Cardinaux & deux Patriarches, avec quantité d'Evêques & d'Archevêques ; que çette Cour Eccléfiaftique réfidoit en Arménie, où les Evêques de Cranganor alloient recevoir leur dignité & leur confecration; que lui-même avoit reçu le Sacerdoce

Cochin.

Salmon.

des mains de fon Pape; que la jurif diction de ce Pontife s'étendoit fort loin dans l'Inde & dans le Catay; que les deux Patriarches faifoient leur réfidence dans ces deux Contrées, & que les Evêques étoient difperfés dans les villes où il y avoit des Chrétiens; que leur Pape portoit le titre de Catholique; enfin que la tonfure du Clergé étoit en forme de croix (1).

X. COCHIN eft à dix lieues de Cranganor, entre neuf & dix dégrés de latitude feptentrionale. C'est la capitale d'un petit Royaume de Schouten, même nom, dont le Souverain est vaffal du Roi de Calecut, & dépend encore plus des Hollandois, qui font maîtres de cette ville. Elle est fituée à l'embouchure d'une riviere, qui la fépare d'une petite île, & qui forme un port fûr & commode. Les terres qui l'environnent font baffes & Son ancien fe partagent en plufieurs îles. Elle avoit autrefois une étendue affez vaste, & c'étoit, après Goa, la plus grande ville que les Portugais poffèdaffent dans

état.

(1) Cabral reçut ces deux Indiens fur fa flotte: L'un d'eux mourut en chemin. L'autre, nommé Jo feph, arriva en Portugal. C'eft le Jofephus Indus, dont Grinée a publié une petite Relation. Hift. des Voy. Tom. I.

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