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ment libre. Ce recitatif mefuré demanderoit dès-lors un accompagnement, mais fimple, le plus fouvent à l'uniffon, du moins fans beaucoup d'accords, à moins que l'on ne veuille faire faillir certains traits, à la maniére des Italiens dans leur récitatif obligé. L'on peut donc, l'on doit même admettre un récitatif dans les Motets; car pourquoi vouloir produire un chant, & travailler une Mufique d'effet, lorsque le langage n'a rien de figuré, mais qu'il eft au contraire simple & naturel ?

CHAPITRE XIII.

De l'Opera.

UN Opera eft le grand œuvre de la

Mufique; tous les genres entrent dans cette vafte compofition; l'on y exige beaucoup de variété dans les caractères de la Mufique; & les danfes & le spectacle y font regardés moins comme des ornemens acceffoires, que comme des parties effentielles. Auffi la plus grande difficulté eft d'accorder le jeu de la Scène, l'action du Poëme & de la Mufique, les danfes & les machines avec les loix de la vraisemblance, de l'unité, de l'intérêt; en forte que l'ensemble fe trouve au milieu de cette étonnante diverfité; ce qui dépend, fans doute beaucoup du choix du sujet, & de la coupe des vers. Mais, comme je l'ai pareillement observé,le Muficien doit fe faire un plan, & s'affujettir aux mêmes régles que le Poëte. Pourquoi cette partie de la fymphonie, qu'on appelle communément Ouverture, ne nous trace-t-elle pour l'ordinaire dans nos Operas que le même tableau ? Ecoutez

les ouvertures de Lully, de Colaffe, de Campra, de Mouret, de Deftouches, &c. vous remarquerez les mêmes tours de chant, la même pratique, la même difpofition, en forte que qui a entendu quelqu'une de ces Ouvertutures les connoît toutes. Cependant cette partie de la fymphonie eft d'autant plus fufceptible de variété, & d'autant moins arbitraire, qu'elle doit, ce semble, annoncer le genre du Poëme & de la Mufique dont elle est comme l'exorde. J'admire la beauté & la jufteffe de génie de M. Rameau, lorfqu'il me fait connoître dans fa magnifique Ouverture de l'Opera de Pygma lion, le lieu de la Scène par le bruit d'un atelier de Sculpteur, & le genre de plaifir que doit me causer fon fpectacle en l'annonçant par une fymphonie, qui a tout le pathétique & la douceur d'un amour de fentiment, fans avoir les tons emportés d'une passion furieufe. Il faut donc convenir d'après cet exemple, que le Muficien peut nous donner une expofition comme le Poëte, ou du moins nous faire preffentir le genre principal qu'il doit traiter dans le cours de fa Mufique. Alors les Ouvertures de nos Opéras an

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nonceront toute la grandeur de ces magnifiques fpectacles; & le Muficien prendra de cet enthousiasme fans lequel les productions de l'Art font froides & fans effet. Quels traits, quel tableau la Mufique ne doit-elle pas nous tracer pour annoncer les fureurs de Roland, la violence de Médée, les enchantemens d'Armide! Mais envain les Spectateurs cherchent-ils cette ex pofition dans nos Operas; la plûpart de nos Muficiens ne s'y font tracés aucun plan. Dès-lors point d'unité, nul enfemble, nulle progreffion, nulle méthode dans leurs compofitions; par conféquent ils étoient bien loin d'imaginer de faire des expofitions, ne regardant point leur Art comme foumis aux mêmes régles que la Poëfie. Cependant il eft certain que ces deux Arts adaptés l'un à l'autre, & concourant pour former un même spectacle, font affujettis aux mêmes principes, & doivent procéder par les mêmes régles. Or ces régles ne font pas des entraves données au génie, ni des jeux du caprice, mais elles font des moyens de plaire, d'intéreffer & de donner à l'Art plus d'avantage, plus de feu & d'éclat. C'est donc envain que le Muficien voudroit fe

couer

couer ce joug néceffaire; fon Art feroit-il moins fouple, moins fécond, moins puiffant que la Poëfie? non, fans doute; mais on a cherché plutôt à raffembler des fons agréables, ou à travailler des airs détachés, qu'à concevoir & qu'à former un enfemble de Mufique, qui eût une marche, un intérêt progreffif & une expreffion affortie aux caractères des perfonnages, à la nature du Poëme, & au genre de l'action. C'eft auffi parce que le Muficien n'a pas affez étudié la Nature qu'il fe contente de remanier fans ceffe une certaine quantité de phrafes musicales dont il s'eft meublé la mémoire : mais quand il fera des études fuivies & raifonnées, quand il connoîtra les tons variés & infinis des paffions, qu'il aura enfin faifi les moyens de rendre les effets les plus piquants de la Nature; alors plus maître de fon Art, il fe formera un plan qui aura fon unité, fon expofition, fon intérêt, fon dénoue

ment.

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Ces réflexions feront d'autant plus fenfibles, fi l'on fait attention que nos Operas ont la plûpart le même tour de chant, à l'exception de quelques petits airs détachés, & en quelque forte épi

P

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