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fecours affurez, ni efperance de re traite. Il traverse l'Espagne & les Gaules, paffe les Alpes, & vient camper fierement jufques fur les An de Robords du Tefin. Ce fut où fe don- me. 535. na la premiere bataille; les Romains furent défaits, & le Conful P. Cornelius Scipion leur General feroit tombé entre les mains des ennemis, fi Publius Scipion fon fils, n'eût accouru à fon fecours. Ce jeune homme qui n'avoit encore que dix-fept ans voyant fon pere enveloppé d'un gros d'ennemis, perça feul jufqu'à lui, & écarta à coup d'épée tout ce qui l'environnoit, & le dégagea dans le tems qu'il alloit être pris ou tué.

Comme le détail de cette guerre n'eft point de mon fujet, je me contenterai de remarquer que les Romains fous le commandement & le Confulat de Tiberius Sempronius Collegue de Scipion, perdirent une feconde bataille proche de la riviere de Trebie. La perte que fit Fla- me $36. minius près du lac de Trafimene, fut encore plus grande : & la défaite de Cannes mit Rome à deux

An.deRo

doigts de fa ruine. La République Ande Ro Tome II.

P

me $37.

perdit cinquante mille hommes, & le vainqueur envoya à Carthage deux boiffeaux de bagues d'or pour faire connoître le nombre incroyable de Chevaliers Romains qui avoient été tuez à cette bataille. Ce jour là, pour ainsi parler, étoit le dernier des Romains, fi Annibal eût fçu auffi-bien profiter de fa victoire, qu'il avoit fçu vaincre. Il n'avoit qu'à fe préfenter aux portes de la ville, & fans efforts il en faifoit fa conquête: la confternation étoit generale dans Rome & à la campagne. Mais le General Carthaginois à qui un de fes Officiers promettoit de donner à fouper dans le Capitole, fe laiffa vaincre aux délices de Capoue: fous prétexte de donner un peu de repos à fes trou

pes,

il s'arrêta après fa victoire dans la Campanie, & comme s'il eût craint de finir trop tôt la guerre; ou qu'il eût agi de concert avec les Romains, il leur laiffa le tems de revenir de leur confternation. Unleger retardement fut leur premiere reffource. Le jeune Scipion en fçut profiter, & celui qui avoit fauvé la vie à fon pere dans la bataille du Te

fin, fauva toute l'Italie après la bataille de Cannes.

Il n'étoit alors que Tribun dans une Legion', & il s'étoit retiré le foir d'après la bataille comme beaucoup d'autres Officiers, dans une ville voifine qui tenoit encore pour les Romains. Scipion apprit que ces Officiers qui étoient des premieres maifons de Rome & la feule reffource de la République, s'étant affemblez chez un certain Metellus, & defefperant du falut de l'Etat, faifoient deffein de s'embarquer au premier port & d'abandonner l'Italie. Un fi indigne complot excita toute fon indignation : il réfolut de s'y oppofer au peril même de fa vie, & fe tournant vers d'autres Officiers qui fe trouverent chez lui: Que ceux, leur dit-il, à qui le falut de Rome eft cher, me fuivent. Il fort, va droit dans cette maison où fe tenoit ce confeil, il y entre & mettant l'épée à la main: » Je jure, dit-il, que je n'abandon- «Tit Liv. nerai jamais la République, & que je ne fouffrirai point qu'aucun de 2. C. 12 nos citoyens l'abandonne ; & s'a- « dreffant enfuite à Metellus : Il faut, lui dit-il, que toi & ceux qui font ici “

«3. Dec. 1.

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» faffiez les mêmes fermens, ou je
vous tuerai tous. Ces menaces,
le
feu & la colere qu'il avoit dans les
yeux, fon zele pour fa patrie; fon
courage, fon intrepidité, tout cela
leur fit faire fur le champ les mêmes
fermens. La honte même d'avoir
été furpris dans un pareil projet,
rappellà leur ancienne valeur ; ils fe
donnerent la foi mutuellement, &
ils fe promirent de s'enfevelir plutôt
fous les ruines de leur Patrie
, que
de l'abandonner.Chacun fe difperfa
dès le matin : les uns fe rendirent à
Rome pour la défendre fi l'enne-
mi en formoit le Siege; d'autres tra-
vaillerent ou à rallier les fuyards, ou
à faire de nouvelles levées à la cam-
pagne. Les habitans de Rome qui
croyoient voir à tous momens An-
nibal à leurs portes, commencerent
à refpirer. Le Senat fe raffùra; le
petit peuple reprit coeur, & quoi-
qu'il n'y eût à Rome ni hommes, ni
armes, ni argent, on trouva tout
cela dans cet amour pour la Répu-
blique qui faifoit le veritable carac-
tere d'un Romain. Les uns don-
noient liberalement leurs efclaves
pour en faire des foldats; d'autres

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apportoient à l'envi cequ'ils avoient d'or ou d'argent, & on detacha de la voute des Temples de vieilles armes qui y avoient été pendues comme des trophées, & dont on arma en partie cette nouvelle milice.

La guerre recommença avec une nouvelle ardeur. Le Senat en donna la conduite à Q. Fabius Maximus qui en s'évitant de combattre, trouva le fecret de vaincre Annibal. Le General des Carthaginois avoit befoin , pour ainsi dire, de continuels fuccès pour fe pouvoir maintenir dans un pays fi éloigné du sien, & où il fe trouvoit fouvent fans argent, fans vivres, & fans tirer aucun fecours de l'Affrique. Toute fa reffource étoit dans l'affection infinie de fes foldats dont il étoit adoré. On ne peut affez s'étonner que dans une armée compofée d'avanturiers, Numides, Efpagnols, Gaulois, & Liguriens, qui fouvent manquoient de pain,la prefence feule d'Annibal. ait étouffé jufqu'au moindre murmure; & que la plûpart, fans entendre le langage les uns des autres, confpiraffent mutuellement à faire

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