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fes ordres, & que c'eft à cette occafion, que Grégoire de Tours, Sigebert, & d'autres, n'ont point fait difficulté d'avancer que Clovis avoit étendu fon Royaume dans toutes les Gaules. On avoit vû dans l'Armorique un Roi depuis l'an quatre cent nonante, jufques vers l'an cinq cens neuf. Depuis ce tems il n'eft plus mention de lui, ni de fon fils, qui devoit être, & qui fut en effet fon fucceffeur; mais qui difparoît & refte pendant tout ce tems dans l'Ile de Bretagne, d'où il ne retourne qu'après le départ des Frifons. Qoiqu'il en foit, feulement en 513.& plus de quatre ans après que ces ravages furent commencés, les autres Princes, amis ou parens du Roi Budic, font chaffés; leur pays devient la proye des vainqueurs, qui le poffedent tranquillement pendant plufieurs années; & c'eft dans ce même pays, & dans ces mêmes conjonctures en 5 1 1. que les ordrés de Clovis font ponctuellement exécutés par les Evêques de Rennes, de Nantes & de Vennes. Ce font de ces faits qu'on ne peut, & qu'on ne doit pas diffimuler, pour peu qu'on ait de bonne foi, quand on ne voudroit s'en rapporter qu'aux plus anciens

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Auteurs, qui ont fait profeffion d'écri re l'Hiftoire de ce tems & de ces lieux; tels que font Ingomar, & l'Auteur même de la Chronique des Roys Bretons Armoriquains; & l'on doit d'autant plus compter fur leur témoignage, qu'on ne trouve perfonne,qui ait écrit autrement de l'état des Armoriquains pendant cet espace de tems. Pour moi j'avouë de bonne foi, que je n'ai pû me représenter tous ces faits ainfi réunis dans le même point de vûë, fans en conclure que Budic ne regnoit ni ne vivoit plus; qu'il fut un de ces Rois, qui fans être parent de Clovis ne laifferent pas d'être facrifiés à fes grands projets, & à les défiances, comme étant après la mort d'Alaric un des plus grands obftacles aux deffeins, que Clovis avoit formé d'étendre fon Empire dans toutes les Gaules. En effet Budic poffedoit à l'extrêmité de la Province un Royaume considérable, plus étendu que celui de Rignomer, & des autres Rois François, dont on n'avoit pu fouffrir la puiffance & le voisinage,& plus ancien que celui des Bourguignons & des Goths. Budic, ainfi que fes prédeceffeurs, avoit défendu ce Royaume contre les infultes des Goths, con

tre les incurfions des Saxons, & contre les fréquentes attaques des François fans qu'on eût pû venir à bout de le gagner par des traités & par des alliances. C'étoit un affez grand fujer de jalousie, pour ne pas échapper à la précaution inquiete d'un Roi voifin, qui ne vou loit pas en avoir de fi puiflans. Je m'en tiens à ces réfléxions qui me paroiffent quelque chofe de plus qu'une fimple conjecture, & j'eftime que ce fut vets l'an 509. que Budic mourut, âgé d'environ foixante-cinq ans, après en avoir regné près de dix-neuf. On vient de voir que j'avois raifon de dire au commencement de cette Differtation, que les François, dès les premieres années de leur établissement dans la Gaule, avoient donné de plus violentes fecouffes au Thrône de nos Rois, que les Vandales ou les Saxons, les Alains ou les Goths n'en avoit donné pendant plus d'un fiecle, malgré toute leur férocité.

1 X.

Exploits de Budic, & révolutions arri vées fous fon regne.

Après avoir ainfi fixé le commencement & la fin du regne de Budic, it ne fera pas difficile de déterminer quels font les explois qui regardent ce Prince, & les révolutions arrivées fous for regne. J'en trouve deux confiderables, dont je n'ai point encore eu occafion de parler, & dont aucun de nos Hiftoriens n'ont rien dit, ou du moins ils n'en ont point fait une juste applicacation Je trouve la premiere de ces révolutions dans les deux ou trois mots qu'un des Catalogues des Comtes de Cornuaille dit de Budic. Il nous apprend que ce ne fût qu'à fon retour de l'Allemagne, & après avoir défait Marchil, ou Marchel,ou Marcelle, qu'il recouvra le Confulat de fon pere, pour me fervir de les propres termes. Ce peu de mots nous fait connoître que la premiere démarche de Budic, pour rentrer dans les états, fut glorieuse, qu'il défit un ennnemi, que cet ennemi s'appelloit Marchil, ou Marchel;

& cela fe paffoit vers l'an 490. c'est à dire, vers la dixiéme année du regnede Clovis. Or je trouve dans Grégoire de Tours que fous le même regne,un ennemi nommé Chillon,ou Chillen affiegea Nantes fans fuccès. Ce Chillon eft un Payen, chef des barbares, qui commet des hoftilités dans une partie du Royaume de Budic; & forme le fiége d'une des plus importantes places. J'ef time que ce Chillen eft le même que Marchil ou Marchel. Tout convient le tems, les lieux, les actions, & les noms. Car fi de Marchil vous retranchés la premiere fillable, qui fignifie Grand, le refte du nom eft le même; enforte que Marchel, ou Mar-chil, ne fignifie autre chofe que le GrandChil. Tel fut l'ennemi qu'il défit au retour de l'Allemagne, c'eft-à-dire, au retour de cette partie de fon Royaume, que les Allemands, ou plûtôt les Alains avoient autrefois poffedée, mais qu'Audren fon pere avoit ajoûté à fes Etats, comme je l'ai fait voir dans le Chapitre précédent, & dont Budic étoit appa remment allé d'abord prendre pofleffion. Enforte que ce ne fut qu'à fon retour, & après avoir défait Marchel, qu'il recouvra l'héritage de fon pere,

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