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AFRIQUE.

la guerre. Le Khalif la lui ayant accordée, Moufa envoya Thareq à la tête de quatre cens hommes de pied & de cent cavaliers, fur une flotte de quatre vaiffeaux. Cette petite armée fit quelques courfes dans le pays, & revint chargée de butin, dans le mois Ramadhan de l'an 91 de 'Hegire, de J. C. C. 710. Moufa envoya de nouveau Thareq à la tête de fept mille hommes, partie Barbarefques, & partie Arabes. Thareq aborda au pied d'une montagne située fur le bord de la Mer, anciennement le Mont Calpé, il lui donna le nom de Montagne de Thareq, en Arabe Dgiabal thareq, d'où par corruption on a formé le nom de Gibraltar. Il aborda en Efpagne dans le mois Redgeb de l'an 92 de l'Hégire, de J. C. 711. Le Roi Rodrigue, ayant appris fon débarquement, raffembla une armée de cent mille hommes; Moufa, de fon côté, envoya à Thareq un renfort de cinq mille hommes; ainfi toute l'armée Musulmane ne montoit qu'à douze mille hommes. Le Comte Julien leur fervoit de guide. Les deux armées fe rencontrerent près du fleuve Leté, ou Ouad-al-leté, dans le territoire de Medina fidonia, fur la fin du mois Ramadhan de l'an 92 de l'Hegire, de J. C. 711. Il fe donna une fuite de combats pendant huit jours. Les Efpagnols furent mis en déroute, & le Roi Rodrigue, qui étoit à leur tête, fut noyé. Thareq pourfuivit les fuyards jufqu'à la ville d'Eçija, & s'arrêta près d'une fontaine, à laquelle il donna fon nom. Les Espagnols épouvantés s'étoient tous retirés à Tolede, & avoient abandonné les autres villes. Le Comte Julien confeilla à Thareq de partager fes troupes, & d'en former différens corps d'armée. Thareq en conféquence en envoya un à Cordoue, un autre à Grenade, un troifieme à Malaga, un quatrieme à Tadmin, & marcha avec ce qui lui reftoit vers Tolede. Tous ces différens corps de troupes s'emparerent des pays qui leur avoient été affignés, pendant que Thareq s'avançoit vers Tolede. Il trouva cette ville abandonnée, les habitans s'étoient retirés dans les montagnes des environs. Il y laiffa des Juifs avec un Officier, & alla à Almeida, où il trouva une table qui n'étoit que de pierreries & de perles; on prétend qu'elle venoit du Roi Salomon. Il pilla enfuite la ville de Maïa, &

revint à Tolede. Moufa, Gouverneur d'Afrique, informé de ces fuccès, en devint jaloux. Il entra en Efpagne dans le AFRIQUE. mois Ramadhan de l'an 92 de l'Hegire, de J. C. 712, à la tête d'une nombreuse armée, dans le deffein d'enlever à Thareq la gloire de cette belle expédition. Conduit par le Comte Julien, il s'empara de plufieurs villes, & vint enfuite faire le fiege de Seville, une des plus confidérables de toute l'Espagne. Il la prit, & y logea les Juifs, les habitans s'étant retirés ailleurs. L'an 94 de l'Hegire, de J. C. 712, il furprit la ville de Merida. Pendant ce tems-là les habitans de Seville qui s'étoient raffemblés, rentrerent dans leur ville, où ils tuerent tous les Mufulmans qu'ils trouverent. Moufa y envoya fon fils Abdolaziz, qui reprit la ville, & paffa les habitans au fil de l'épée. Moufa partit de Merida, & prit le chemin de Tolede. Thareq vint au-devant de lui, & fe profterna en fa présence. La baffe jaloufie de Moufa le porta à des excès qui le deshonorerent; non content de faire à Thareq des reproches qu'il ne méritoit pas, il le frappa du fouet qu'il tenoit dans fa main. Il entra dans Tolede, & fe fit préfenter tout le butin que Thareq avoit fait, entre autres chofes, la prétendue table de Salomon; mais Tha req avoit eu la précaution d'enlever un des pieds de cette table, & de dire qu'elle avoit été trouvée en cet état. On en fit faire un d'or en place de celui qui manquoit. Mousa alla prendre Saragoffe & d'autres places. Il vint à Barcelone, & pénétra jufqu'à Narbone, dans le pays des Francs, où il fit dreffer une ftatue, avec une infcription qui marquoit le terme de fes conquétes, & il revint.

Dans ces entrefaites il arriva de la part du Khalif Oualid un Envoyé, qui ordonna à Moufa de quitter l'Efpagne, & de paffer en Orient. Moufa retint auprès de lui l'Envoyé, continua toujours de faire de nouvelles conquêtes, & arriva jufques fur les bords de l'Océan. Il vint dans la Galice, & rencontra dans la ville de Lugo un fecond courrier; ne pouvant alors fe difpenfer d'obéir, il fe difpofa à partir, & emmena avec lui Thareq. Il laiffa en Efpagne fon fils Abdolaziz, & fe rendit enfuite à Ceuta, dont il donna le gouvernement, ainfi que de Tanger & des environs, à fon

X x iij

AFRIQUE.

Novairi.

Khathibel

cortoubi.

Le Card.

fils Abdolmalek, pendant qu'Abdallah, son fils aîné, refta en Afrique. Il tranfporta en Orient la fameuse table, quantité de perles, de meubles précieux, & trente mille jeunes filles. Arrivé en Syrie, il fe vanta auprès du Khalif Oualid d'avoir fait la conquête de l'Espagne, & lui préfenta la table. Thareq qui l'accompagnoit, foutint fes droits, & engagea le Khalif à demander le pied qui manquoit. Moufa répondit qu'il la lui présentoit dans l'état où il l'avoit prise; auffi-tôt Thareq fit paroître ce pied, & convainquit Moufa d'impofture. Celui-ci fut chaffé, & dépofé de fes Gouvernemens. Quelques Hiftoriens prétendent que cette conteftation arriva fous Abdolmalek, fils de Oualid. Depuis ce tems l'Espagne resta soumise aux Khalifs qui y envoyerent des Gouverneurs. XIX.

OMMIADES d'Espagne.

Après que les Abbaffides eurent détruit les Ommiades en Bencaldoun Orient, Aboul modhaffer abderrahman, fils d'Hescham, fils d'Abdolmelik, fils de Merouan, paffa en Afrique, où Soyouthi. Abderrahman, fils de Habib, étoit Gouverneur pour les Ximenès. Ommiades. Il espéroit y trouver un afyle, & même du fecours; mais le Gouverneur informé de la deftruction de la maifon d'Ommie, fe tourna du côté des Abbaffides, & voulut tuer Abderrahman avec tous ceux qui l'avoient fuivis. Abderrahman fut obligé de prendre la fuite, & de paffer chez les Miknes, une des plus puiffantes tribus des Berbers. Plufieurs autres tribus le prirent fous leur protection, & écrivirent en fa faveur aux partisans des Ommiades qui étoient dans l'Espagne. Ceux-ci envoyerent un vaiffeau qu'il monta, & qui le conduifit en Espagne, dans le mois Rabi elaoual de l'an 138 de l'Hegire, de J. C. 755. Les principaux de Seville, & quantité d'autres le reconnurent pour Khalif. II refta poffeffeur de cette dignité, & devint Souverain de l'Efpagne, malgré les oppofitions de quelques-uns qui s'étoient déclarés en faveur des Abbaffides. Tel fut l'établissement des Ommiades dans l'Espagne. Le Cardinal Ximenès nous a donné une Hiftoire de ces Khalifs d'Espagne ; l'examen que j'en ai fait, m'a convaincu qu'il avoit eu connoiffance de Novairi, dont il ne s'écarte presque point.

Aboul modhaffer ABDERRAHMAN el dakhel, furnommé
Abou foliman & aboufaïd.

Après qu'Abderrahman eût été proclamé dans Seville l'an 138 de l'Hegire, de J. C. 755, il marcha vers Cordoue, où étoit Youfouf, fils d'Abderrahman. Il le battit, Youfouf fe fauva à Merida, pendant qu'Abderrahman entra dans Cordoue, dont il fe rendit maître. Il alla enfuite à Bira, & fit la paix avec Youfouf, après avoir reçu pour ôtage fon fils Aboulafouad mohammed. Abderrahman & Youfouf demeurerent ensemble dans Cordoue.

L'an 141 de l'Hegire, de J. C. 758, Youfouf al ahzi (ou Fahri) mécontent d'Abderrahman, fe retira à Merida, où il fut joint par vingt mille hommes, & ravagea le pays. Abderrahman fortit auffi-tôt de Cordoue, & alla vers la fortereffe de Madour ; alors Youfouf jugea à propos de tourner fes forces contre le Gouverneur de Seville, nommé Abdolmelek, & contre Omar qui étoit à Madour; mais il fut battu, & tué l'an 142 de l'Hegire, de J. C. 759, par un de fes gens aux environs de Tolede. On apporta fa tête à Abderrahman, qui la fit mettre fur les murailles de Cordoue. On fit la même chofe à fon fils Abderrah

man.

L'an 142 de l'Hegire, de J. C. 759, un certain. Barzeraq, fils de Nooman el gaffani, qui demeuroit dans l'ifle de Khadra, ou l'ifle verte, fe révolta, & vint à Medina fidonia, dont il s'empara. Il prit enfuite Seville. Abderrahman l'y vint affiéger, & rentra dans cette ville, après avoir tué le rebelle.

L'an 144 de l'Hegire, de J. C. 761, des partifans d'Youfouf fe révolterent dans Tolede. Hefcham, fils d'Adra, qui les commandoit, fe voyant affiégé par Abderrahman, fit la paix avec ce Prince ; mais il ne fut pas plutôt délivré, qu'il fe révolta de nouveau, & s'y maintint jufqu'en 147 de l'Hegire, de J. C. 764, qu'Abderrahman envoya Nadar & Tamam qui prirent Tolede.

Pendant ces troubles, c'est-à-dire, l'an 146 de P'Hegire, de J. C. 763, un personnage nommé Ala, fils de Moghiath, vint d'Afrique, & paffa à Beja dans

An de An de AFRIQUE.
P'Heg. J. C.

AERIQUE.

le Portugal, où il voulut faire reconnoître l'autorité
des Khalifs Abbaffides. Abderrahman le défit près de
Seville, & lui tua fept mille hommes. Il fit porter fa
tête avec celle des principaux de fon armée, dans la
ville de Cairouan en Afrique, où on les jetta fecret-
tement dans la place publique. Abderrahman eut en-
core plufieurs rebelles à foumettre; tel eft Saaïd el-
yahfbi, furnommé elmathari, qui fe révolta dans Se-
ville, & qui fut défait par le Général Nadar; Abdal-
lah, fils de Harafa el asadi, qui se révolta à Jaen, &
fit des courfes jufqu'à Cordoue ; & quelques autres.
Mais le plus confidérable étoit un des Berbers des
Miknes, maître d'école, qui prétendoit être defcendu
de Phatima, fille de Mahomet. Abderrahman fut obli-
gé de marcher en perfonne, l'an 152 de l'Hegire,
de J. C. 769. Il envoya enfuite fes Généraux qui fu-
rent battus, l'an 155 de l'Hegire, de J. C. 772. Ce
rebelle ne fut battu & tué que l'année suivante.

Pendant qu'Abderrahman étoit occupé à appaifer
ces troubles, l'an 155 de l'Hegire, de J. C. 772,
les habitans de Seville, fous la conduite d'Abdolgaf-
far & de Haïoua, fils de Salames, fe révolterent. Ab-
dolmalek, envoyé par Abderrahman, battit les re-
belles, & fit rentrer Seville fous l'obéiffance des Om-
miades. Ce fut en cette occafion que ce Général fit
mourir fon propre fils, pour n'avoir pas exécuté fes
ordres. Il parut encore des rebelles dans les environs
de Barcelone, à Saragoffe, & en d'autres endroits; ils
furent battus.

L'an 170 de l'Hegire, de J. C. 786, il commença la conftruction d'une fuperbe Mofquée dans Cordoue, à la place d'une Eglife. Il donna cent mille piéces d'or à cet effet ; mais il ne pur voir la fin de ce bâtiment, étant venu à mourir les de Rabi elakher de l'an 171 de l'Hegire, de J. C. 787 ; d'autres difent dans le mois Dgioumadi elaoual de l'an 172 de l'Hegire, de J. C. 788, dans la ville de Cordoue. Il étoit âgé de 59 ans. Il regna 33 ans, 4 mois, 14 jours. Il laiffa II enfans mâles; Ayoub, né en Syrie; Soliman; Hefcham, qui lui fuccéda; Abdallah, né à Valence; Moflima; Ommia; Yahia; Mondar, &c. & |

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