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1. I.

CHAPITRE VII.

SEMAILLE DU PRINTEM P S.

Quand labourer les Terres pour femer les Mars; diverses inftructions fur cette matiere. :

Ars au plurier fignifie les menus grains qu'on feme au mois de Mars, comme les Avoines, Orges, Pois, Vefces, &c. Il y a des endroits où on les appelle Marfois ou Marfez, en d'autres, Semaille du Printemps, & ailleurs, Tranfailles, de tranferere, qui veut dire refemer, parce qu'en effet on re eme les terres qu'on a moiflonnées l'été précedent, ou celles qui ont manqué de porter le bled qu'on y auroit femé en Automne. On dit alors les Tremois, à caufe que les femences qu'on feme au Printemps n'ont que trois mois trois mois pour être moiffonnées.

Des Semences du Printemps, & quand commencer cette semaille.

,

Es grains qu'on feme au Printemps font ordinairement le Froment de Mars, l'Avoine, l'Orge, les Pois le Millet, le Bled de Turquie, le Bled noir, le Ris, le Panis & le Safran ; toutes ces femences, ainfi que celles de l'Automne doivent étre bien choisies.

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Virg. Geor. » Au commencement du Printemps, lorfque les neiges fondues commencent à couler des montagnes, & que la terre humectée fe diffout par » la douce temperature de l'air. Faites-moy gémir vos Boeufs fous la Char» ruë enfoncée, dit Virgile, & que vôtre foc devienne luifant à force de labourer la terre: c'eft en effet en ce temps qu'il faut que le Laboureur commence à s'exercer.

Mars.

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Froment de Nous commencerons nôtre femaille par le Froment de Mars appellé en certains pays Bled rouge, parce que la femence en eft effectivement rouge. Ce bled fe feme au mois de Mars dans une terre laiffée exprés, cultivée de quelques labours avant l'hyver, & bien amandée; il faut que ce foit une terre à froment, autrement il croîtroit fort alteré, & en petite,quantité. S'il arrive quelquefois que les pluyes trop frequentes empêchent qu'on n'enfemence en Automne certaines terres fujettes à s'imbiber trop d'eau, pour lors on laiffe ces terres jufqu'au Printemps, & on y met du froment de Mars. Il feroit à fouhaiter qu on cultivât plus de ce grain qu'on ne fait, on s'en trouveroit tres-bien, principalement dans les années où les terres manquent de rapporter.

Avoine.

Les Avoines viendront enfuite, & il faut toûjours choifir les plus noires, parce qu'elles font les meilleures; le grain en doit être gros, pefant, & non ridé. Il y a des Avoines blanches, mais elles ne valent point les premieres. Plûtôt l'Avoine cft femée, plus elle fe multiplie & devient belle; il faut prendre garde quand on la bat qu'elle n'ait point été échauf

fée dans le tas; car cela fuffit pour détruire en elle les principes de la végétation.

La véritable faifon de l'Orge pour être mis en terre, eft le mois de Mars O:ge. & d'Avril, il veut une terre plus legere que pefante, plus féche qu'humide, & qui foit neanmoins fubftantielle. L'orge veut de temps en temps. être arrofé par des pluyes, il en vient plus abondant, au licu que dans les années féches il ne croît qu'épars ça & là.

Il faut femer le Millet dans une bonne terre bien labourée, & bien amandée, le corps en doit être leger, & rempli de beaucoup de fels. Les pluyes d'été qui viennent de temps en temps aident beaucoup à donner l'accroiflement au Millet. Ce grain multiplie beaucoup, & veut qu'on le feme tres-clair, & fouvent, quelqu'attention qu'on fafle à cette femaille, le Millet, à caufe de la petiteffe de fa femence, tombe toujours fi dru qu'il fe nuit en croiffant, au préjudice du Laboureur; il faut farcler le Millet fitôt qu'on voit qu'il en a befoin.

Le Millet eft le plus petit de tous les grains, c'eft une espéce de petit bled, dont les feuilles reflemblent à celles des rofeaux; fon tuyau s'élève à › la hauteur d'une coudée, quelquefois davantage en certains pays. Il est gros, ncüeux, & cotonneux, les épics en font chevelus, épars çà & là, & penchans dés la cime: ce grain eft petit, rond, luifant, ferme, plus jaune dans des faifons que dans d'autres & revêtu d'une envelope tres-mince. Quand le Millet a produit fon épy, & que le grain y eft formé, on l'arrache, puis on le fait fécher au foleil pour le conferver plus long-temps.

Mais pour defcendre dans un détail plus grand fur celuy qui regarde la culture du Millet, on le feme environ le huitiéme Juin, & toûjours par un temps fombre, ou aprés que le foleil eft couché: il faut le couvrir auffi-tôt de terre, il en germe plutôt & en devient plus beau. Il faut herfer le champs pour bien faire deux ou trois fois de fuite pendant trois jours, & dés le grand matin avec une herfe garnie de bonnes dents, & d'un fagot d'épine attaché à la queue: plus la terre où on a femé le Millet eft humectée de la rofée du matin ou des petites pluyes qui furviennent pendant la journée, mieux le Millet germe & vient en plus grande abondance; car alors il eft défendu des ardeurs du foleil qui l'alterent quand il en eft trop rudement frappé.

Il faut farcler le Millet au mois de Juillet; car, comme dit un ancien Proverbe.

Qui veut bien emplir fon vaisseau,

Son Millet farcle étant nouveau.

Il y a une espece de Millet qui eft plus gros qu'à l'ordinaire, & que les Italiens appellent Spargote, il ne craint pas tant la fechereffe que le Millet de la petite efpece, & rapporte affez, pourvû qu'il foit bien cultivé; mais on eftime bien plus le dernier. Les Contrées tres-fertilles en Millet, font le Bearn & le Bigorre.

Il croît parmy le petit Millet, une cfpece de Millet noir, dont les feuilles font plus étroites que celles de l'autre, ce qui le fait connoître lorf

Millet.

Bled de Turquie, ou bied

d'Inde, ou Mays.

qu'il eft encore jeune ; il faut l'arracher en farclant le champ, car il nuit au bon Millet, qui eft le petit, & empêche qu'il ne donne beaucoup de grain. Le Millet amaigrit beaucoup la terre où on le feme, c'est pourquoy, lorfqu'on y veut femer quelqu'autre grain, il faut la bien cultiver & l'ameliorer par le moyen des fumiers.

De la maniere de faire du pain de Millet.

Ous avons dit à la page 85. qu'on faifoit du pain de Millet: voicy comment cela fe pratique. On prend trois ou quatre livres de farine ou davantage pour le matin & autant pour le foir, on les met dans une chaudiere avec cinq ou fix livres pefant d'eau qu'on laiffe bouillir jufqu'à ce qu'elle s'éleve; cela fait on l'ôte de deffus le feu, puis on prend une gache ou un bâton rond avec lequel on remue le Millet en tournant jufqu'à ce que cette pâte foit rompue & afinée, puis on l'ôte de la chaudiere, on la coupe en plufieurs morceaux, & on la mange avec du fromage ou du fucre, c'eft ainsi que vivent la plupart des Bearnois.

Il feroit à fouhaiter que tous ceux qui s'exercent à l'Agriculture fuffent pleinement convaincus du profit qu'on tire du Mays, appellé vulgairement Bled de Turquie, lorfqu'on prend foin de le cultiver; on peut dire que ce feroit un fecret qu'ils auroient trouvé contre les malheurs que pourroit caufer une difette de bleds, telle qu'elle fut, puifqu'il eft certain qu'où ce grain croît en quantité, les peuples à beaucoup prés, ne fouffrent pas de la faim comme les autres où ce grain eft négligé.

Le bled de Turquie que d'autres appellent bled d'Inde, eft affez connu, fans qu'il foit befoin d'en faire la defcription; il y en a de plufieurs couleurs, fçavoir de jaune, de rouge, & de prefque noir, le tout par l'écorce; car la farine en eft toûjours jaunâtre, le grain en eft dur, & fe cultive de la maniere qui fuit.

La terre où on le met veut être bien préparée; plus elle eft fubftantielle mieux ce bled y croît, rapporte de plus beaux épis,& un grain mieux nourri, c'eft ordinairement au mois de Mars qu'on le feme: voicy comment.

pays

L'efpace de terre qu'on luy deftine étant bien ameubli, on y trace des fillons larges de trois pieds, fi l'ufage des fillons eft établie dans le où l'on eft, finon, on fe fervira, du champ labouré felon la coûtume du lieu; on fait fur ces fillons avec un petit piquet des trous éloignez l'un de l'autre de quatre doigts ou environ, fans qu'il foit befoin pour cela d'alignemens tirez au cordeau, c'eft l'oeil & la main qui doivent conduire le tout: aprés cela, on met un grain de ce bled dans chaque trou: quelquesuns font d'avis de le faire tremper pendant une nuit dans l'eau, la maxime en eft bonne, puis on couvre ce grain avec des rateaux, ou pour le mieux avec une herfe garnie d'épines, aprés quoy on le laiffe pouffer comme il plait à la nature: il faut être plufieurs pour faire cette femaille & felon qu'on y veut employer de terrein, parce que tandis que les uns font des trous, les autres y jettent la femence, & les autres la couvrent.

Quand ce bled eit levé à la hauteur d'environ un pied, & qu'on voit que les mauvaises herbes y croiffent ; il faut en éclaircir les endroits qui pa

roiffent

roiffent trop-durs, de maniere qu'on puiffe donner un petit labour à ces plans avec une binette, petite pioche ou piochon, comme on voudra l'appeller, dont le fer fera large feulement de deux ou trois doigts. Il fuffit que ce labour foit profond environ d'un pouce, il fe donne, comme fi on vouloit gratter la terre: cette façon détruit les herbes qui leur nuifent, elle leur fait jetter un beau tuyau, du grain bien nourri & en abondance; c'eft affez pendant toute l'année qu'on donne cette culture extraordinaire au bled de Turquie.

Il faut bien fe donner de garde de laiffer perdre ce qu'on a arraché de fuperflu de ces plans, il n'y a rien de meilleur pour le bétail, ni qui le nourrile davantage. Un bon Laboureur peut femer de ce bled jusqu'à un arpent, lequel étant bien cultivé, eft capable pendant toute l'année de nourrir une famille raifonnable par les differentes manieres; outre le pain qu'on en fait, en quoy on fçait en déguifer la farine.

Le temps de receuillir le bled de Turquie, eft aprés qu'on a moiffonné les avoines, & qu'on voit que le grain eft mur, ce qui fe connoît aifément lorsqu'il eft dur au manier; chaque tuyau s'arrache l'un aprés l'autre, puis on le charrie dans la grange, ou autre endroit, pour en ôter les épis qu'on porte entiers au Grenier; on garde les feuilles & les tuyaux de ce bled pour donner aux Vaches pendant l'hyver.

Le bled de Turquie eft fort commun dans la Bourgogne, dans la Franche-Comté & dans la Breffe où l'on en cultive beaucoup.

razin.

Le bled Sarrazin eft un grain affez commun dans la France, il vient bien Bled noir en toutes fortes de terres, maigre, graffe, fabloneufe ou pierreufe, il n'im- ou bled faporte; on le feme au mois d'Avril dans les pays chauds, où l'on en peut femer deux fois l'année, & plus tard dans ceux où le ciel eft tempéré : on le moiffonne trois mois après qu'il a été femé; ce grain fert de nourriture aux Cochons, aux Pigeons & à la Volaille, & on l'employe à faire du pain dans le temps que le bled eft cher.

Le Panis eft une plante qui porte du grain, & qui eft mife au rang des Panis, bleds, elle reffemble au Millet par le chaume, les feuilles & les racines excepté qu'elle a la chevelure autrement faite, celle de Millet reffemble à un penache, au lieu que celle du Panis approche en figure à la queuë d'un renard, chargée de beaucoup de grainsvelus, tantôt blancs, tantôt roux & tantôt jaunes.

Le Panis veut une bonne terre legere ou pierreufe, & fur des côteaux, parce qu'il eft ennemi de l'eau quand elle féjourne où il eft femé; il faut zuffi que cette terre foit bien labourée & bien amandée: au refte il fe cultive & fe feme de même que le millet, on voit beaucoup de ce grain en Franche-Comté, dans la Breffe & dans la haute & baffe Bourgogne. Nous comprendrons dans la femaille du Printemps (heureux les pays où Ris. croît ce grain,) le Ris dont la recolte eft toûjours abondante, quand il cft cultivé comme il faut, il en croît rarement en France, parce qu'il faut un climat extrémement chaud.

Le Ris veut une terre legere, bien labourée & bien amandée : il faut avant que de le femer, le laiffer tremper dans l'eau un jour entier, & fitôt qu'on l'a femé, l'arrofer amplement, parce qu'il aime extrêmement l'humidité, on feme le Ris au commencement d'Avril.

Y y

Vefce.

Remarques

Navette.

Quelques-uns, pour ne point laiffer manquer d'eau au Kis, en font couler par deflus de la hauteur de deux doigts (on fuppofe qu'il faut qu'il y ait quelque ruiffeau prés du champ, & qu'il en facilite l'écoulement,) ils y laiffent ainfi baigner ce grain pendant cinq mois, & quand ils voyent qu'il commence à former fon épi, ils redoublent l eau pour empêcher qu'il ne foit niellé, & par ce moyen ils recueillent quantité de Ris.

On moiffonne le Ris au mois d'Août, en ayant quelques jours auparavant ôté l'eau pour la derniere fois, afin de le faire fécher.

Quand aux légumes qu'on entend fous les pois, les féves, les lentilles & les haricots, nous en parlerons au Traité du Jardinage, comme étant plus du reffort de cette partie d'Agriculture que du Labourage, nous parlerons feulement icy de la Vefce, & de la maniere qu'on la cultive.

On feme la Vefce deux fois l'année dans les pays chauds, comme en Languedoc, en Provence, & en d'autres climats de cette forte; la premiere femaille s'en fait environ la my-Septembre, & l'autre au mois de Février ou de Mars, qui eft le temps ordinaire pour les pays temperez.

La Vefce croît aifément en toutes fortes de terres, & fe feine fur les guérets des bleds moiffonnez au mois d'Août précedent; ces guérets ont ordinairement deux façons, fçavoir la premiere aprés la femaille des bleds, ce qu'on appelle recaffer, & l'autre quand on veut femer ce legume. Recaffer les terres pour les Mars eit une façon des plus néceflaires, & on confeille à tous les Laboureurs, autant qu'ils pourront, de ne point négliger ce labour aprés la faint Martin, autrement les terres où l'on met les Mars n'ayant fouvent qu'une façon, n'apportent que tres peu de grain.

De la néceffité de her fer les terres pour les Mars.

L faut herfer géneralement toutes les terres dans lefquelles on feme des avoines, des orges & tous autres grains concernant la femaille du Printemps, ils en font mieux couverts, c'eft pourquoy ils en germent plûtôt & en plus grande abondance: voilà à quoy fert la herfe, & l'on peut dire, quand on a bien paffé cette machine fur un guéret deja labouré, que cela luy vaut un autre labour.

Pour revenir à la Vefce, il ne faut jamais la femer que deux ou trois heu res aprés que le foleil eft levé, parce, dit-on, que cette femence eft ennemie de la rofée. On la recueille partie en verd, pour fervir de nourriture aux Chevaux & au bétail qui laboure la terre, & on en laiffe fécher davantage pour en retirer de la graine pour les Pigeons, & pour la multiplication de l'efpece.

Il femble qu'il ne feroit pas befoin icy d'un grand raisonnement pour perfuader combien il feroit utile de cultiver beaucoup de Navette pour en tirer de l'huile. La difette des noix, qui par un étrange malheur ne durera que trop long-temps, fuffit pour étre convaincu de ce qu'on avance, car de quel ufage cette huile n'eft-elle pas en plufieurs Provinces de ceRoyaume? fur tout dans les Contrées Septentrionales.

Le temps de femer la Navette eft à la fin du mois de May ou au commencement de Juin, la culture n'en eft pas difficile; une terre de

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