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C'eft, pour ainfi dire une mode qu'on met en vogue, & qui doit être bientôt remplacée par une autre plus ridicule; mais ils ont fait pour un temps parler d'eux, & cela leur fuffit. L'imagination leur fournira de nouvelles reffources pour captiver l'attention du public. Ils jouent le rôle de Protée & prennent une nouvelle forme, lorfque celle qu'ils ont, ne fait déja plus d'impreffion.

SECTION III.

De l'Amour de la nouveauté.

Cet amour de la nouveauté eft furtout remarquable dans ces temps où le peuple affez initié dans les myfteres des beaux Arts pour blâmer les défauts, mais toujours trop ignorant pour connoître les vraies fources du beau, prétend juger de tout, & affecte de déprimer ce qui ne l'étonne point. Il faut donc alors piquer fon gout affadi, en lui offrant des chofes bizarres, & qui s'éloignent des ouvrages qui lui font connus. Dans ces circonftances un homme célèbre leve l'étendart de la réforme (que l'on me paffe ce terme) il profite de la confiance que lui ont mérité fes con

noiffances, afin de faire réuffir fon gout pour le fingulier, & pour le clinquant. Son ambition eft de devenir l'auteur d'une révolution & le chef d'un parti nombreux. Il fe fait bientôt des partisans, & les éloges prodigués à fes ouvrages lui attirent un grand nombre d'admirateurs & de foibles copiftes.*Dès lors les grands principes s'anéantiffent; l'efprit fe met à la place du fentiment; on se fait une pratique vicieuse, on ne connoît plus de loi que la fantaisie, l'Art fe met entiérement à découvert ; enfin l'on préfere le luxe de l'imagination au beau fimple; & comme dit Rouffeau:

L'ennui du beau nous fait aimer le laid.

SECTION IV.

Du Luxe de l'imagination.

Tous les efforts des Arts naiffans confiftent à fe rapprocher de la Nature; & par une contrariété bizarre, lorsque les Arts font arrivés à leur comble, ils

*Tel fut Séneque chez les Romains; fes défauts étoient aimables, & lui firent des partifans. Il n'avoit point le génie qui n'excelle que dans un genre; mais cette foupleffe d'efprit qui brille dans tous.

ne tendent plus qu'à s'en éloigner. Le caractère le moins équivoque de la barbarie eft cet amour d'ornements qui chargent & étouffent le gout: par quelle fatalité dans les fiécles les plus éclairés cette habitude vicieufe eft-elle recherchée? J'en découvre les raifons dans l'amour propre & dans la pareffe. L'amour propre s'accommode volontiers de ces caprices de l'imagination, de ces fauffes gentilleffes, qui mettent à couvert la foibleffe du génie. Les petits ta- \ lens aiment à s'envelopper de ces riens éclatants qui en impofent; la pareffe effrayée des efforts continuels qu'il faut employer pour arriver au beau fimple, qui eft le fublime même des Arts, adopte ce gout d'ornemens pour lequel il ne faut qu'une forte d'habitude. Le peu ple fe récrie fur le fpectacle toujours nouveau qu'on lui préfente; on le féduit par des beautés apparentes, & l'Artifte abandonne d'autant plus volontiers la Nature, que l'accès en eft toujours difficile & laborieux. Mais ayons le courage de protefter contre les entreprises du mauvais gout, & confignons dans nos écrits la régle effen tielle du beau. Elle eft facile à faifir elle n'eft autre que la belle fimplicité

de la Nature: fans fard, elle ne vient pas faifir l'admiration; mais fi quelqu'un la découvre, & s'y arrête, elle ne tardera point à lui plaire, & à l'intéresser; elle reveillera en lui un fentiment de plaifir & d'affection qu'il ignoroit. Dans cette fimplicité, il fent un attrait délicieux; il apperçoit une majefté qui lui éléve l'ame, un fublime qui l'enchante; elle ne lui laiffe rien defirer au-delà, & ceci eft fans doute la preuve la plus complette de la perfection. En un mot, il faut que les beaux Arts réveillent en nous le fentiment; ils font vicieux lorfqu'ils n'excitent qu'une admiration réfléchie. Si ce gout, qui eft le feul vrai, n'eft point le premier qui foit recherché; c'est que le fimple ne fe fait point remarquer, par fa qualité même qui confifte à être fans éclat. Le com pofé au contraire & le clinquant vont, pour ainsi dire, mandier les regards & les fuffrages de la multitude. Mais je le repéte l'effence du vrai ou du beau, c'est le fimple. Veut-on s'en convainere; qu'on remarque les chef-d'oeuvres des grands maîtres, ils ont tous ce caactere. Ainfi qu'il demeure pour conftant que la paffion pour le brillant porte le coup le plus funefte aux beaux

Arts. Que les Amateurs éclairés réuniffent donc leurs voix, pour dire aux Artiftes, étudiez la Nature, imitez fa noble fimplicité. Voudroient-ils prétendre nous donner quelque chofe de plus parfait ? » La meilleure imitation (dit Ariftote) eft la plus fimple, & la » moins fimple eft fans contredit celle qui veut tout imiter «. Chofe étrange (s'écrie M. de Voltaire) que dans tous » les Arts, ce n'eft qu'après bien du » temps qu'on en vienne enfin au natu»rel & au fimple. «

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SECTION V.

Partialité des Protecteurs.

La protection fi utile aux beaux Arts, lorfqu'elle eft éclairée par le gout & par le difcernement, leur devient pernicieuse lorsqu'elle eft faite fans choix & avec partialité. Toutes fortes de talens méritent d'être animés dans ces temps d'ignorance où ils font effort pour découvrir les fources du beau. Mais dans les fiécles éclairés par les ouvrages lumineux des génies qui ont atteint la perfection en tout genre, il femble que l'attention des perfonnes en place, devroit confifter à ne point

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