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que Charles - Quint, parce que la continuité de fes mauvais procédés & l'atrocité de quelques-uns l'y avoient forcé. Quand par fantaisie, par féduction ou par d'aures motifs Henri VIII. s'armoit contre la France, François fe défendoit fans le haïr & plaignoit fon aveuglement. Mais il aimoit un ingrat; Henri VIII. étoit trop jaloux de François pour l'aimer; il avoit pour lui cette haine fecrette, cette haine d'inftin&t, qu'on ne s'avoue pas toujours, qu'on ignore quelquefois & qui n'en eft que plus vive, cette haine que François I. avoit eue pour Charles-Quint, avant même que les guerres l'euffent envenimée & que les mauvais procédés l'euffent juftifiée. Tout cela n'est que trop naturel. Henri VIII. étoit fur le thrône, avoit fait des conquêtes, avoit gagné la bataille de Guinegaste avant que François parvint à la Couronne. François regne, Henri eft éclipfé; cela ne fe pardonne point & François I. ne le pardonna pas davantage à Charles-Quint. François étoit

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devenu le héros de l'Europe, Charles, à peine forti de l'enfance, peine connu de l'Europe, fe montre, difpute l'Empire, l'obtient & accable fous le poids de fa puiffance la gloire de fon illuftre rival. D'après ces circonftances Charles - Quint nuifoit beaucoup à François I. & le haïffoit peu; François le haïffoit & aimoit Henri VIII, dont il étoit haï.

Ce principe caché de jalousie explique feul toute la conduite de Henri VIII. à l'égard de François I. Il voit ce Prince à peine monté fur le thrône courir à la conquête du Milanès, il cherche à traverfer cette expédition; pendant la guerre de 1521. il eft plus contraire que favorable à François I. Pendant fa prifon il prend fa défense, parce qu'alors devenant le protecteur d'un Roi malheureux, il reprenoit la fupériorité perdue. François rentret-il dans l'éclat de fa gloire, le cœur de Henri s'éloigne & fe retire. Dans la guerre de 1536. Henri récemment comblé des bienfaits de Fran

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çois I, uni avec lui par les plus puiffans intérêts, fe contente de ne lui point nuire & ne le fert pas; dans la guerre de 1542. il se tourne contre lui. François toujours égal & fidèle lui pardonna tout, comme un ami indulgent pardonne les torts d'un ami injuste il l'aima vivant, il le pleura mort, il lui fit faire un fervice à Notre-Dame quoique Henri fût mort féparé de l'Eglife Romaine; Marie fa fille au contraire défendit expreffément de prier pour lui, défense affez conféquente peutêtre, mais dure, dénaturée & qui ne devoit jamais fortir de la bouche d'une fille. On fent que cette Prin ceffe nourrie au milieu des affronts & des chagrins de Catherine d'Arragon fa mere, croyoit avoir acquis le trifte droit de hair un pere dont 'elle n'avoit connu que la tyrannie & les injuftices.

François étoit à peu près de même âge que Henri VIII, circonftance qui jointe à fes infirmités, ne contribuoit pas peu à lui rendre la mort de ce Prince douloureuse.

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affez

On trouvoit entr'eux une
grande reffemblance dans la taille
& dans les traits; ils étoient auffi,
dit-on, de même complexion, c'est-
à-dire que tous deux aimoient les
femmes, goût trop naturel & trop
général pour diftinguer perfonne,
autrement que par le dégré ; mais
Henri, amant féroce, époux cruel,
traitoit les femmes en victimes dé-
vouées à fes plaifirs defpotiques :
François I, galant, foible & tendre,
fçavoit refpecter fes femmes & fes
maîtreffes, & & fe livroit même un
peu trop à ce plaifir fi doux & fi
dangereux d'être gouverné par ce
qu'on aime. Les caractères des deux
Princes ne fe reffembloient point.
François étoit gai, doux & bon,
il n'avoit rien de la violence &
des fombres fureurs de Henri (1);
tous deux s'affaifferent & tomberent
avant le temps. Henri étoit devenu

(1) Voyez le détail de fes cruautés dans Beaucaire qui les a raffèmblée en peu de mots. L. 24. n. 33. & dans les divers Hiftoriens d'Angleterre & de France.

fi monftrueufement gros & pefant, 1547. qu'à peine pouvoit-il paffer par les portes de fes appartements, & qu'il lui étoit impoffible d'en monter les dégrés; on n'ofoit pas même rifquer de le porter

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on l'élevoit avec des poulies. Il mourut, diton, de l'inflammation d'un chancre qu'il avoit à la cuiffe.

François n'avoit jamais été parfaitement guéri de la maladie qu'il avoit eue à Compiegne en 1539. Sa décadence depuis cette époque fut toujours plus ou moins marquée; mais depuis la mort de Henri VIII. fes maux s'aggravèrent, fes chagrins redoublerent, on le voyoit toujours trifte & morné, les penfées tournées vers fa fin, fe croyant frappé avec Henri VIII, s'arrachant avec peine à cette idée, & s'y replongeant par un penchant naturel; il fe livroit pourtant encore aux foins du Gouvernement avec attention, mais fans ardeur & fans. plaifir. (1)

(1) François I. furvécut affez long-temps Henri
Ny

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